Par Joël Onana
«Cette décision n’a pas été facile pour notre gouvernement », a reconnu dans un communiqué le porte-parole d’Olaf Scholz. Berlin a dû opérer un « arbitrage difficile » : maintenir en prison Vadim Krasikov ou bien permettre la libération de personnes innocentes emprisonnées en Russie ? Des pourparlers ont eu lieu depuis des mois entre Berlin, Moscou et Washington. L’Allemagne était au départ réticente, mais a fini par accepter une possible libération de Krasikov en faisant monter les enchères en exigeant de Vladimir Poutine la libération de l’opposant russe Navalny. Mais ce dernier est mort en prison en Russie en février.
La condamnation du journaliste du Wall Street Journal, Evan Gershkovich, en juin à seize années de prison a relancé les discussions. En avril, une administration avait déjà décidé que Vadim Krasikov devait être expulsé en raison du danger qu’il représentait pour l’Allemagne. Le ministre de la Justice a demandé au parquet fédéral de renoncer à l’exécution de la peine, ce qui a permis à l’expulsion du tueur d’être couverte juridiquement. La section allemande d’Amnesty International a jugé que cette décision laissait « un goût amer » et risquait de renforcer le sentiment « d’impunité » judiciaire de Moscou. Cet échange de grande envergure permet à l’Allemagne d’obtenir la libération de quatre de ses concitoyens emprisonnés en Russie.
Un cinquième Allemand, condamné à mort pour « terrorisme » puis gracié mardi, était lui en détention en Biélorussie, pays allié de la Russie. L’Allemagne a exhorté les autorités de ces deux pays à « libérer toutes les autres personnes détenues injustement pour des raisons politiques ».
Plusieurs des prisonniers libérés de Russie « craignaient pour leur vie»
Les prisonniers libérés de Russie et de Biélorussie dans le cadre de ce vaste échange « craignaient pour leur vie », a déclaré le chancelier allemand après avoir accueilli plusieurs d’entre eux sur l’aéroport de Cologne en provenance d’Ankara.
« C’était très émouvant », a dit Olaf Scholz à la presse après la rencontre à huis clos, car « beaucoup ne s’attendaient pas à ce que » leur libération « se passe maintenant » et « beaucoup ont craint pour leur santé et aussi pour leur vie, il faut que ce soit dit ».
Dans l’avion ayant atterri à Cologne se trouvaient notamment les cinq détenus allemands ou binationaux russo-allemands faisant partie de l’échange négocié depuis des mois entre les Occidentaux et Moscou. Il s’agit de Rico Krieger, condamné par Minsk pour « terrorisme » et « mercenariat », Kevin Lik, un jeune Russo-allemand de 19 ans reconnu coupable de « haute trahison », Patrick Schoebel, un touriste accusé de trafic de drogue, German Moïjes, un juriste russo-allemand, et Dieter Voronin, un politologue russo-allemand.
L’artiste russe Alexandra Skotchilenko se trouvait aussi à bord de l’appareil, selon ses proches. Âgée de 33 ans, elle avait été arrêtée en Russie en avril 2022 pour avoir remplacé les étiquettes de prix dans un supermarché par des messages dénonçant l’offensive en Ukraine, ce qui lui avait valu sept ans d’emprisonnement en novembre 2023.