Par Julie Peh
Après avoir reçu le feu vert des autorités, Elon Musk est désormais en mesure de tester son implant cérébral sur des humains. Neuralink est maintenant à la recherche de volontaires. Le recrutement est ouvert. Dans un billet de blog ,Neuralink a officialisé le lancement de son premier essai clinique sur les humains. L’objectif sera de savoir si l’implant cérébral de la société d’Elon Musk est sûr et fonctionnel. Baptisé “le lien”, cette interface entre un cerveau et un ordinateur (Bci) veut rendre possible le contrôle à distance d’objets.
“L’objectif initial de notre Bci est d’offrir aux personnes la possibilité de contrôler un curseur ou un clavier d’ordinateur par la seule force de leur pensée”, détaille l’annonce de Neuralink.
Des fils plus fins qu’un cheveu
“C’est probablement le prototype d’implants le plus perfectionné actuellement en développement”, assure Art Pilacinski, neuroscientifique au Claes lab de neurotechnologie de la Ruhr-University de Bochum. Plus dithyrambique, Neuralink évoque un essai clinique révolutionnaire. En réalité, il existe d’autres implants cérébraux profonds qui ont été testés sur l’humain, “mais ils sont plutôt rares, et le dispositif imaginé Neuralink est nouveau”, résume Christian Claes, directeur du ClaesLab. C’est le premier implant constitué de fils ultrafins indépendants les uns des autres, sur lesquels sont accrochés les électrodes censées être insérées dans la boîte crânienne pour y capter les signaux neuronaux. La principale alternative d’implant invasif se présente sous la forme d’une sorte de petit tapis d’électrodes.
La solution Neuralink présente le “double avantage d’être flexible et de fonctionner sans fil”, résume Art Pilacinski. Le fait qu’il ne soit pas rigide doit permettre à la personne de se mouvoir en minimisant le risque que l’implant fasse des dégâts au cerveau. C’est l’une des raisons principales pour laquelle, avec d’autres implants, le patient est prié de ne pas bouger.
Le fait que le dispositif Neuralink fonctionne sans fil est censé “le rendre invisible”, assure la société américaine. “Il n’y a pas, dans ce cas, de fil qui relie l’implant à la machine censée analyser et décoder les signaux captés dans le cerveau”, explique Christian Claes. C’est un avantage à la fois esthétique et qui doit, là encore, permettre de faciliter la mobilité de celui qui porte l’implant. Les volontaires pour les tests cliniques s’avanceront donc en terrain scientifique relativement inconnu. Et dans le cas d’une procédure nécessitant une intervention chirurgicale telle que l’ouverture de la boîte crânienne pour y insérer un dispositif qui n’avait encore jamais trouvé sa place dans un corps humain, ce n’est pas anodin.
“Ce n’est pas une procédure aussi complexe qu’une opération à cœur ouvert, mais c’est une intervention qui comporte bien sûr des risques”, résume Christian Claes. Pour obtenir l’autorisation de faire des essais sur les êtres humains, Neuralink a dû démontrer aux régulateurs américains que les bénéfices potentiels étaient plus importants que les dangers. Et que tout avait été prévu pour minimiser ces risques.
Risque d’infection et réaction immunitaire
C’est probablement “pour cette raison que ces tests visent à rendre une certaine mobilité à des personnes lourdement paralysées, car il n’existe pas d’autres procédure pour y parvenir”, estime Adrien Rapeaux. La Fda (la Food and Drug Administration, compétente pour autoriser la commercialisation de médicaments) n’aurait probablement pas donné son feu vert si Neurolink avait proposé de tester une procédure aussi invasive sur des patients sains pour savoir si cela leur permettait de jouer à des jeux vidéo par la pensée.
Le danger principal de cette opération réside dans le risque d’infection post-opératoire, ont expliqué tous les scientifiques interrogés par France 24. Dans la région du cerveau, les conséquences pourraient être catastrophiques. D’où l’intérêt du recours prévu à un robot, développé spécifiquement par Neuralink pour procéder à l’opération. “Il est beaucoup plus aisé de stériliser un robot qu’un humain ce qui réduit le risque d’infection”, souligne Art Pilacinski.
Le robot présente un autre intérêt : son travail de précision peut réduire le risque de provoquer une forte réponse immunitaire. C’est un problème connu avec les implants :
“Le système immunitaire les considère comme des corps étrangers et, comme il ne peut pas les détruire, il va les isoler en les entourant d’une couche de tissu dense”. Ainsi mis à l’écart, l’implant va avoir beaucoup plus de mal à capter les signaux des neurones et, au final, ne servirait plus à rien. Pour minimiser la réponse immunitaire, il faut, par exemple, éviter les saignements. “C’est mission impossible pour un chirurgien humain, mais un robot très précis peut espérer se frayer un chemin entre les vaisseaux sanguins”.
Explique Adrien Rapeaux.
Le dispositif de Neuralink présente aussi un risque très spécifique lié à son fonctionnement sans fil. Il faut pourtant qu’il soit alimenté par une source d’énergie pour fonctionner comme par exemple une petite batterie interne et “cela entraîne un risque de surchauffe qui peut procurer une sensation d’inconfort plus ou moins forte”, note Art Pilacinski.
Des premiers essais sur des singes
Ainsi, l’entreprise est à la recherche de volontaires. Neuralink s’adresse à des personnes atteintes de paralysies afin de leur redonner une forme de mobilité en interagissant avec des éléments électroniques.”
« Si vous souffrez d’une quadriplégie due à une lésion de la moelle épinière cervicale ou à une sclérose latérale amyotrophique (maladie de Charcot, ndlr), vous pouvez en bénéficier”,
A décrit Neuralink sur Twitter (rebaptisé X)
Fin mai, l’entreprise avait reçu le feu vert de l’Agence américaine des médicaments (Fda) pour procéder à des tests sur les êtres humains. Cette décision faisait suite à une première série d’essais réalisés sur des singes. En septembre, Elon Musk avait répondu aux critiques de ses tests sur des animaux en assurant que les singes utilisés étaient des spécimens mourants. Il lui était alors reproché d’avoir mis une pression trop importante sur ses équipes, poussant Neuralink a bâcler ses essais cliniques. Ce qui avait conduit à accuser l’entreprise de maltraitance animale.