Par Sasha Blanche
L’ex-ministre mexicain Genaro Garcia Luna, ancien champion de la lutte antidrogue dans son pays, a été reconnu coupable mardi 21 février par la justice américaine de corruption et de trafic de cocaïne entre le Mexique et les États-Unis et risque la réclusion à perpétuité.
Il est le plus haut responsable mexicain à avoir été jugé par la justice fédérale à New York, en guerre contre les cartels de drogue d’Amérique centrale et du Sud qui profitent de la complicité de ministres locaux pour inonder le marché nord-américain.
Les 12 jurés du tribunal de Brooklyn ont jugé que cet ancien ministre de la Sécurité publique du président mexicain Felipe Calderon (2006-2012) était coupable des cinq chefs d’accusation, dont celui d’avoir touché des millions de dollars pour protéger le cartel de Sinaloa et d’être impliqué dans un trafic d’au moins 53 tonnes de cocaïne du Mexique vers les États-Unis de 2001 à 2012.
La “justice a été rendue”, s’est félicité sur Twitter le porte-parole de la présidence mexicaine actuelle, Jesus Ramirez.
Avant d’être ministre, Genaro Garcia Luna, ingénieur en mécanique de métier, fut de 2001 à 2005 policier et chef de l’agence du renseignement contre la corruption et le crime organisé. Son épouse et leurs deux enfants étaient présents à l’énoncé du verdict face auquel l’ancien ministre est resté visiblement imperturbable.
Après plusieurs jours de délibération et un procès d’un mois, Genaro Garcia Luna, qui n’a pas dit un mot durant les débats, a été reconnu coupable des cinq chefs d’accusation et est dorénavant un “criminel condamné”, s’est félicité le puissant parquet fédéral de Brooklyn.
“Garcia Luna, qui fut un temps porté au pinacle pour faire appliquer la loi au Mexique, va maintenant vivre le reste de ses jours comme un traître à son pays et aux forces de l’ordre dévouées qui risquent leur vie pour démanteler les cartels de la drogue”.
a tonné le procureur fédéral Breon Peace, cité dans un communiqué.
La peine, qui peut aller d’années de prison à la réclusion à la perpétuité, sera connue en principe le 27 juin.
De la mi-janvier à la mi-février, l’accusation avait fait défiler à la barre 26 témoins à charge, parmi lesquels neuf accusés ou condamnés pour trafic de drogue, extradés vers les États-Unis pour y être jugés et collaborer avec la justice afin d’obtenir des peines allégées.
Les procureurs avaient demandé au jury “d’apprendre à connaître” ces “criminels” repentis et de “faire preuve de bon sens en déclarant (Garcia Luna) coupable” : un homme de 54 ans “aux deux visages”, ministre antidrogue qui collaborait avec Washington d’un côté ; “partenaire criminel” du cartel de Sinaloa de l’autre.
C’est ce tribunal de Brooklyn qui avait condamné en 2019 à la prison à vie l’ancien chef du cartel de Sinaloa, Joaquin “El Chapo” Guzman. Son comparse, le Colombien Dario Antonio Usuga, alias “Otoniel”, attend son procès dans la même juridiction new-yorkaise, tandis que l’ancien président du Honduras Juan Orlando Hernandez dément toutes les accusations de trafic de drogue portées contre lui par l’autre parquet fédéral de New York, à Manhattan.
Genaro Garcia Luna avait été arrêté le 9 décembre 2019 à Dallas, au Texas. Emprisonné depuis, il était entre autres accusé d’avoir touché des millions de dollars de pots-de-vin pour fermer les yeux sur les trafics du cartel.
Son avocat Cesar de Castro, qui a plaidé tout le procès sur “l’absence de preuve [qui] n’est pas une preuve”, a promis mardi, entouré de partisans de Garcia Luna et hostiles à l’ancien président Calderon, que son client “continuerait le combat […] pour laver son nom”. Mais sans annoncer formellement d’appel.
Sans lien avec ce procès, Garcia Luna est également connu à l’étranger, surtout en France, car il fut impliqué dans l’affaire Florence Cassez : il est ainsi accusé d’avoir coorganisé et mis en scène l’arrestation en décembre 2005 de la jeune femme et de son compagnon d’alors, Israel Vallarta. Le couple avait été accusé de faire partie d’un gang, ce qui avait mis à mal à l’époque les relations diplomatiques entre le Mexique du président Calderon et la France du président Nicolas Sarkozy.