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France > Accès des mineurs aux sites pornographiques: Vérification d’âge, ce que le “double anonymat” peut changer

Le gouvernement va tester fin mars un système de vérification d’âge pour empêcher les mineurs d’accéder aux contenus des sites pornographiques. Cette technologie de "double anonymat" – qui fait consensus moralement – interpelle les défenseurs des libertés numériques. Ceux-ci estiment cette technologie "facilement" contournable et s’interrogent au-delà sur la "dérive" qui pourrait conduire à la "fin de l’anonymat" en ligne.

Par panorama papers
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Par Sandra Embollo

“Résoudre une bonne fois pour toutes la question de la vérification d’âge sur les sites pornographiques” : tel est l’objectif qu’a détaillé Jean-Noël Barrot devant des députés français le 19 février. Lors de cette audition devant la délégation aux droits des enfants, le ministre délégué chargé de la Transition numérique a expliqué le système que le gouvernement entend expérimenter “fin mars“, un “double anonymat” qui protégerait l’identité des internautes ayant recours à ce procédé.

“Celui qui fournit l’attestation de majorité – cela peut être un opérateur télécom, un fournisseur d’identité numérique ou tout autre organisme susceptible d’attester de la majorité d’une personne – ne sait pas ce pour quoi elle va être utilisée, et le site sur lequel l’attestation est utilisée ne connaît pas l’identité de la personne”.

a-t-il justifié.

Le code pénal interdit l’accès des mineurs aux contenus pornographiques. Jusque-là, les éditeurs de ces sites demandaient aux internautes de confirmer qu’ils étaient majeurs en cliquant sur un bouton de type “J’ai 18 ans ou plus” pour accéder aux contenus. Mais ils ne peuvent théoriquement plus se contenter de cette simple déclaration depuis la loi du 30 juillet 2020. L’Arcom (ex-Csa) a maintenant le pouvoir de signaler à la justice les éditeurs ne respectant pas l’obligation de protection des mineurs, une procédure qui peut aller jusqu’au blocage du nom de domaine du site concerné.

Le procédé du double anonymat – soutenu par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) – vise à renforcer le blocage des sites classés X pour les mineurs, alors que 62 % d’entre eux disaient avoir vu des contenus pornographiques avant l’âge de 14 ans, selon une étude OpinionWay publiée en avril 2018.

“D’un point de vue moral, (cette proposition) ne se discute pas : tout ce qui est destiné à protéger les mineurs de ce type de contenus est important. En revanche, la réponse est inopérable sur le plan technique”.

explique Frans Imbert-Vier, Pdg d’Ubcom, une agence suisse de conseil en cybersécurité.

Pour le spécialiste en cybersécurité,

“il suffit d’utiliser un Vpn (un réseau privé virtuel réputé intraçable, Ndlr) et de se connecter au site en se faisant passer pour résident d’un autre pays pour outrepasser la loi. Le système sera alors incapable de géolocaliser l’adresse IP d’origine de l’internaute.”

À cela s’ajoute le fait que les éditeurs de contenus pornographiques ne comptent pas se laisser faire : leurs sites génèrent de fortes audiences – plusieurs d’entre eux font partie des 15 sites les plus consultés au monde – et ils vont très certainement vouloir les conserver d’une manière ou d’une autre.

Cela pourrait passer, par exemple, par la “technologie de rebond“, comme l’explique Frans Imbert-Vier : “Les éditeurs – comme le conglomérat PornHub qui a, avec une dizaine de sites, le leadership mondial pour la diffusion de ce type de contenus – vont créer des sites portails nouveaux qui ne vont pas être classifiés pornographiques, mais au travers desquels on pourra quand même accéder à des contenus.”

Le recours au double anonymat “peut être facilement contourné“, confirme-t-on aussi à La Quadrature du Net. Estimant que ce procédé “est la solution la moins attentatoire à la vie privée”, l’association de défense des libertés sur Internet redoute malgré tout qu’il n’entraîne une “dérive” qui rendra la navigation de chacun un peu moins anonyme sur la Toile.

“Le gros problème, c’est le fait de rendre obligatoire l’utilisation d’une identité numérique pour accéder à ces services-là. Peu à peu, le droit français est en train d’organiser la limitation voire la fin de l’anonymat sur Internet. Sans identité numérique, il ne sera pas possible d’accéder à ces sites”.

explique Bastien Le Querrec, membre de La Quadrature du Net.

Et il ajoute :

“Il y a consensus pour dire que les sites pornographiques ne devraient pas être accessibles aux mineurs, mais la fin poursuivie ne peut pas justifier les moyens déployés.”

L’exécutif n’exclut pas que le double anonymat soit requis à terme pour d’autres sites que ceux à caractère pornographique.

“C’est le système le plus robuste pour résoudre non seulement une bonne fois pour toutes la question de la vérification d’âge sur les sites pornographiques, mais éventuellement pour effectuer à l’avenir d’autres vérifications d’âge sur d’autres services dont nous voulons protéger nos enfants”.

a déclaré le ministre Jean-Noël Barrot, sans plus de précisions.

Les réseaux sociaux pourraient-ils être les prochains concernés ? “Cette technique du double anonymat n’est pas généralisable à eux. C’est le libre-arbitre de l’éditeur (Twitter, Facebook ou encore YouTube) qui prime dans ce cas-là”, nuance Frans Imbert-Vier.

Le spécialiste en cybersécurité estime par ailleurs que le procédé actuel proposé par le gouvernement “n’est pas le bon” : “On met de la répression pour limiter la consommation, et ce discours autoritaire masque la meilleure des solutions : l’éducation à la sexualité.”

Une approche que rejoint Bastien Le Querrec, pour qui “la prévention et l’éducation sont nécessaires”. Et le membre de La Quadrature du Net d’interroger : “Pourquoi ne privilégie-t-on pas plus cela au profit d’un blocage de site bête et méchant ? Les questions de société ne peuvent pas se régler par des censures.”

Outre la France, le Royaume-Uni et les États-Unis tentent eux aussi de renforcer les restrictions sur les contenus pornographiques en ligne. Outre-Manche, un projet de loi sur la sécurité en ligne est en discussion au Parlement, le gouvernement voulant rendre obligatoire la mise en place d’une technologie fiable de vérification de l’âge. Outre-Atlantique, une loi oblige depuis le 1er janvier en Louisiane à présenter une copie d’une pièce d’identité avant de pouvoir entrer sur les sites Internet ayant au moins un tiers de leur contenu “préjudiciable aux mineurs”.

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