Par Julie Peh
Le long processus de crédibilisation du Rassemblement national (Rn) comme parti de gouvernement se poursuit. Marine Le Pen, la présidente du parti d’extrême droite à l’Assemblée nationale, a cherché à peaufiner son statut de présidentiable au détour d’une tribune, publiée le 29 février dans le quotidien Les Echos, intitulée : « Finances publiques : face au mur de la dette, l’urgence d’une stratégie nationale ». Après « Marine à la ferme », qui panse les plaies du monde agricole, voici donc « Marine à la corbeille », qui tente de rassurer les marchés financiers. Prenant ses distances avec les démagogues, pour qui nos 3 100 milliards de dettes n’auraient pas vocation à être remboursées, la probable candidate à la présidentielle de 2027 fait mine de rallier le camp des dirigeants responsables. La tentative est méritoire, mais elle ne doit pas faire illusion : une posture ne fait pas une stratégie.
Marine Le Pen n’en est pas à son coup d’essai. En février 2021, la dirigeante du « premier parti de France » avait déjà lancé un appel dans le quotidien L’Opinion : « Ayons des idées claires et du bon sens sur la dette. » Quelques mois plus tard, la publication de son programme pour l’élection de 2022 avait montré qu’elle n’avait ni l’un ni l’autre. Le « bon sens » selon le Rn se serait traduit par quatre points de produit intérieur brut (Pib) de déficit supplémentaire par an d’ici à 2027, soit un dérapage d’une centaine de milliards d’euros, selon les calculs de l’Institut Montaigne.
Marine Le Pen a aujourd’hui beau jeu de relever le fait qu’Emmanuel Macron a allègrement continué de creuser les déficits. Covid-19 et guerre en Ukraine ne peuvent effectivement expliquer à eux seuls l’explosion de la dette, et la députée RN a raison de souligner que nos voisins européens, tout autant affectés par cette succession de crises, n’ont pas connu une telle dégradation de leurs comptes publics. Mais la situation française est suffisamment grave sans avoir besoin de grossir le trait comme le fait Mme Le Pen : depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, la dette n’a pas augmenté de 58 %, comme elle l’affirme, mais de près de 40 %, ce qui est déjà pas mal. Passons.
Pointer les errements récurrents des gouvernements précédents est une chose, identifier des solutions crédibles pour remédier aux déficits en est une autre. Une fois de plus, la dirigeante du Rn fait la preuve dans cette tribune de son impréparation et du manque de crédibilité de ses propositions.
Avec Le Monde