Léopold DASSI NDJIDJOU
« La politique est un jeu dont les Bongo sortent toujours vainqueurs »,
Ce vieux dicton qui a bercé la vie politique depuis 1967, s’en est allé en vrille ce mercredi 30 août 2023 avec l’irruption des militaires sur la scène. Tout s’est passé un peu comme s’il y avait une affaire dans l’affaire. Alors que la challenger direct d’Ali Bongo Ondimba, Albert Ondo Ossa avait déjà commencé à tempêter au soir du 26 à la fermeture des bureaux de vote, le pouvoir avait créé des sensations en coupant internet et en suspendant certaines chaînes internationales. Bien plus, ces élections générales se sont tenues un peu comme dans une grande discrétion car ni les observateurs internationaux, ni les journalistes étrangers n’ont pu obtenir une accréditation pour la couverture de ces consultations.
Le Gabon était donc déjà coupé du monde par le régime qui s’apprêtait, peut-on penser, à frustrer comme de coutume les Gabonais de leur choix, de leur vote. Arrivé aux affaires en 1967 à la mort de Léon Mba dont il était le vice-président, Omar Bongo Ondimba n’a connu de véritables soubresauts politiques qu’en décembre1993. Son challenger est Paul Mba Abessole, du Rassemblement national des bûcherons qui conteste vivement les 26,5 % des suffrages qui lui sont attribués alors que le président sortant Omar Bongo glanait 51,20%. « Une tricherie », « une manipulation » de la victoire du peuple gabonais dont certains acteurs de la scène à cette époque reconnaissent la victoire sans ambages de l’opposant.
D’ailleurs, il est reconnu qu’alors que le dépouillement était encore en cours, le ministre de l’Administration en charge des Elections de l’époque,un certain Antoine Mboumbou Miyakou, ira à la télévision nationale annoncer la victoire d’Omar, suscitant l’ire des opposants. Plus tard, Paul Mba Abessole reconnaîtra qu’Omar Bongo lui a avoué qu’il avait gagné mais qu’il n’était pas prêt pour diriger le Gabon. Les bandes sonores ou les documentaires du journaliste Alain Foka, « les archives d’Afrique », existent à ce sujet. Le deuxième soubresaut qui a failli emporter le régime Bongo est arrivé en 2009 à la mort du père. Le « monstre » est André Mba Obame, toujours un Fang comme le père Mba Abessole, ami intime d’Ali Bongo Ondimba, un « fils adoptif » d’Omar Bongo qui a grandi au palais, natif de Medouneu, dans la province du Woleu- Ntem.
La compétition électorale prendra rapidementles allures de guerre fratricide entre les eux frères jumeaux d’Omar Bongo. Au finish, Ali Bongo est déclaré vainqueur avec 41,73 % des voix contre 25,88% attribués à André Mba Obame. Le Gabon s’enflamme dès que les résultats sont rendus publics. Au finish, le perdant sera empoisonné et mourra au Cameroun à Yaoundé en avril 2015. L’autre tempête qui aura agité le pouvoir des Bongo viendra de Jean Ping, très sérieux challenger d’Ali Bongo à l’élection présidentielle du 27 août 2016. Les deux sont au coude à coude. Le fils de Bongo a 49,80% alors que le natif d’Omboué dans l’Ogooué maritime enregistre48,23%. Résultats très serrés et étriqués qui en disent long sur la dimension de la contestation. Dans ce sillage, affaibli par accident vasculaire cérébral (Avc) depuis octobre 2018, c’est avec des points en moins qu’il est reparti dans l’arène le 26 août dernier pour affronter in autre cador, Albert Ondo Ossa.
Cette fois, alors que les résultats sont donnés au petit matin de ce mercredi 30 août, l’armée va entrer en scène pour siffler la fin de la récréation. Les Bongo sont out, et les urnes qui ont été longtemps manipulées ne disent plus rien à grand monde. Les 64,27 % des suffrages du pouvoir sortant ou les 30,77 % d’Albert Ondo Ossa sont juste des pourcentages sans ancrage populaire aux yeux de la Grande muette qui a suspendu les Institutions, dissout le gouvernement, fermé les frontières et surtout annulé les élections du 26 aout dernier.