Par Sandra Embollo
L’épouse franco-gabonaise de l’ex-président du Gabon Ali Bongo, Sylvia Bongo Ondimba Valentin, a été incarcérée à la prison centrale de Libreville dans la nuit du jeudi 12 au vendredi 13 octobre.Elle se trouvait en résidence surveillée depuis un coup d’Etat militaire fin août pour des détournements présumés de fonds publics, et été inculpée notamment de «blanchiment de capitaux et de faux et usages de faux» le 28 septembre.
La prison centrale de Libreville est une prison de sinistre réputation et surpeuplée. Mais Sylvia Bongo est «certainement» dans le quartier des femmes, «rénové récemment, dans une aile neuve où les détenues ont leur propre lit, une salle d’eau et même une buanderie», a précisé son avocate Me Eyue-Bekale. L’avocate a sollicité et obtenu un renvoi pour une audience dans dix jours, laquelle lui permettra de «plaider la remise en liberté». «Tant qu’il y aura une différence entre la justice et l’arbitraire, entre le droit et la vengeance, nous dénoncerons cette procédure illégale», a commenté de Paris Me François Zimeray, l’avocat français de Sylvia Bongo.
L’ex-Première dame gabonaise, âgée de 60 ans, est au cœur d’une vaste enquête sur de présumés détournements massifs d’argent public en compagnie de son fils Noureddin Bongo Valentin, déjà incarcéré, comme six de leurs proches ex-responsables du cabinet présidentiel, selon des sources judiciaires concordantes.
Les militaires qui ont renversé Ali Bongo en accusant son entourage d’avoir truqué sa réélection, soupçonnaient publiquement l’ex-Première dame et Noureddin Bongo d’avoir «manipulé» l’ex-président souffrant des séquelles d’un grave accident vasculaire cérébral (AVC) en 2018, et d’avoir été les «véritables» dirigeants de facto du pays depuis cinq ans. Noureddin Bongo est en prison depuis le premier jour du coup d’Etat, inculpé notamment de «corruption» et «détournements de fonds publics».
«Dynastie Bongo»
Dans la nuit du 30 août, moins d’une heure après l’annonce de la réélection d’Ali Bongo Ondimba, l’armée mettait «fin au régime». Le général Brice Oligui Nguema, leader du putsch, était proclamé le surlendemain président de la Transition. Il a promis de rendre le pouvoir aux civils par des élections mais sans en fixer l’échéance et est adulé par l’immense majorité de la population et de la classe politique qui applaudissent les militaires pour les avoir «libérés» de 55 ans de «dynastie Bongo».
Ali Bongo avait été élu en 2009 à la mort de son père Omar Bongo Ondimba, qui dirigeait le pays depuis plus de 41 ans. Il avait été placé en résidence surveillée le jour du putsch mais déclaré libre de ses mouvements une semaine après. Les militaires ont semblé le mettre rapidement hors de cause considérant qu’il était «manipulé» par son épouse et leur fils.
La nuit du putsch, Noureddin Bongo ainsi que plusieurs de ses jeunes proches et proches de sa mère au sein du cabinet présidentiel avaient été arrêtés et montrés au pied d’innombrables malles, valises et sacs débordant de billets de banque pour des centaines de millions d’euros saisis à leurs domiciles.
Ils ont ensuite été inculpés et incarcérés notamment pour «corruption, détournements de fonds publics, blanchiment de capitaux, association de malfaiteurs, falsification de la signature du président de la République et trouble des opérations électorales». Tout comme deux anciens ministres, proches de Noureddin et Sylvia Bongo. Le Gabon est le troisième pays le plus riche d’Afrique par habitant grâce à son pétrole mais un habitant sur trois vit sous le seuil de pauvreté, avec moins de deux euros par jour, selon la Banque mondiale.