Par Mon’Esse
Le chef de l’Etat camerounais, Paul Biya, a ordonné l’arrêt des enquêtes sur le marché foireux des «55 pont métalliques» d’une valeur de 45,9 milliards de francs, objet d’auditions dans lesquelles sont impliqués les ministres de l’Economie (Minepat), Alamine Ousmane Mey, des Finances (Minfi), Louis Paul Motaze et des Travaux publics (Mintp), Emmanuel Nganou Djoumessi, indique la dernière parution du confidentiel Africa Intelligence.
Sans en donner d’amples explications, ladite publication soupçonne derrière cette fin de procédure la main du secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh.
L’histoire remonte au 15 mai 2017, lorsque le Mintp Emmanuel s’entretient avec les responsables de l’entreprise français Ellipse Sas.
L’industriel, en présence de l’ambassadeur des États-Unis au Cameroun, Michael Stephan Hoza, vient solliciter le renouvellement de la lettre de crédit, d’un montant de 45,9 milliards de francs, relative à l’installation à travers le pays de 55 ouvrages d’art, en section préfabriquée modulaire et en acier.
Selon la répartition géographique de départ, la région de l’Est devait s’arroger la part du lion de ce projet avec 11 ponts suivi du Nord-Ouest (9 ponts), de l’Ouest (7 ponts), du Sud (7 ponts), de l’Adamaoua (5 ponts), du Centre (5 ponts), du Sud-Ouest (4 ponts), du Littoral (3 ponts), du Nord (2 ponts) et de l’Extrême-Nord (2 ponts).
Au terme de l’audience, Emmanuel Nganou Djoumessi s’empresse de rassurer les médias : les 15 premiers ponts, ainsi que leurs tabliers, sont prêts et seront embarqués dans les sept jours suivants des États-Unis vers le Cameroun.
Déjà, le 8 avril 2016, EximBank Us, garant de la ligne de crédit, affirmait que les ponts préfabriqués avaient été exportés vers le Cameroun. Un an plus tard, le 4 avril 2017, la banque Société générale assurait pour sa part que des factures pour le montage de 10 ponts avaient été réglées.
Le 30 janvier 2015 à Yaoundé, Emmanuel Nganou Njoumessi, alors en charge de l’Économie, avait signé deux accords de prêt, pour le même montant, destinés à la réalisation du même programme.
Pourtant, le 4 décembre 2014, le président Paul Biya prenait un décret autorisant le ministre de l’Économie à signer deux accords de financement, entre l’État du Cameroun et la Société générale de Paris, de montants respectifs de 24,9 et 21 milliards de francs, liés au «financement partiel du projet de construction de 55 ponts métalliques au Cameroun».
Le volet financier de cet important projet était soutenu par la Société Générale de Banque de New York, et les travaux de génie civil confiés à Ellipse Projects Sas et à l’américain Acrow Corporation Bridges.
En 2016, c’est un certain Patrice Ndongo Seh, souvent présenté comme un homme de main de M. Nganou Njoumessi dans des dossiers généralement compliqués, qui avait joué les facilitateurs dans ce projet ayant permis à l’entreprise américaine Acrow Bridge de se voir décerner le prix «Affaire de l’année» (Deal of the year), aux États-Unis, par la banque US Exim.
Le Minepat Emmanuel Nganou Djoumessi et son prédécesseur dans ce département, Louis Paul Motaze, étaient déjà au cœur de la controverse.
Etalée sur deux ans, la construction des 55 ponts métalliques en sections préfabriquées modulaires était appelée à desservir les grands bassins de production agricole à travers le territoire national.
Gelé depuis mi-2019 du fait de l’expiration de la période de décaissement des fonds, le dossier avait été relancé en février dernier avec l’attribution de neuf lots à des entreprises locales, pour un montant de quelque 7,6 milliards de francs, ainsi que la désignation de missions de contrôle contractualisées à hauteur de 908 millions de francs.