Par Rostand TCHAMI
Ils se sont mobilisés en centaines pour se faire entendre à la primature le 27 juin dernier. Lassés de croupir dans la misère et mis à l’écart dans le cadre des recrutements à la fonction publique et même dans les entreprises publiques ou privées, les déficients visuels de la ville de Yaoundé se sont réunis devant le bâtiment abritant les services du premier ministre. Objectif visé, porter à l’attention du chef du gouvernement leurs chapelets de revendications. Mais ces derniers ne l’ont malheureusement pas atteint. Ils ont été embarqués manu militari par les forces de maintien de l’ordre au commissariat central du 1er arrondissement avant d’être libérés, puis dispersés dans la nature. Même s’ils n’ont pas directement touché le premier ministre comme souhaité, leurs doléances ont été forcément entendues par ce dernier via les médias. De manière générale, ces déficients visuels ne réclament qu’une chose : leur insertion et leur intégration socioprofessionnelle. Car bien que diplômés ou formés, ils sont pour le moment soit au chômage, soit sous-employés.
C’est le cas d’Arnauld Djikissi, titulaire depuis 2015, d’un master en droit public fondamental. « J’ai fait deux stages à la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés en 2016 et en 2017 où mon travail était d’ailleurs très apprécié par mes encadreurs. Mais après y avoir postulé avec la recommandation du ministère des Affaires sociales, ça n’a pas connu une issue favorable ; j’ai postulé à la Cnps, tout comme dans les mairies, ça n’a pas prospéré. J’ai fait le concours de l’Ecole normale de Yaoundé, même celui de Bambili mais je n’ai pas eu. J’ai fait le concours de l’Enam en 2014 où j’ai été admissible mais je n’ai pas été retenu après l’oral », déplore-t-il. Découragé par ces multiples échecs et refus, il a finalement décidé -malgré lui-, de faire la musique de rue pour couvrir ses besoins. « J’ai passé une à deux années sans rien faire. Mais quand j’ai eu ma fille, mes parents ne pouvant pas s’occuper d’elle et de moi, avec beaucoup d’hésitation, de réflexion et de regrets, j’ai décidé en 2019, de faire la musique de rue. Malgré que j’y aie déjà fait 3 ans, je ne me sens pas heureux puisque ce n’est pas loin de la mendicité. Et j’ai toujours le sentiment que je serai plus utile ailleurs », regrette-t-il.
Engagements internationaux
Comme lui, Dr Gisèle Guedong broie du noir. « On attend encore le recrutement des docteurs. A part ça, j’ai essayé de postuler dans certaines structures publiques, je n’ai pas eu de suite. Même si on attend que l’Etat fasse le premier pas, on attend aussi des structures privées, une certaine prise de conscience. Car quand on arrive dans ces structures pour un emploi, on nous demande parfois de rentrer avec nos demandes parce qu’il n’y a pas de places pour nous et c’est frustrant », dénonce-t-elle. Antoine Emar Lindjeck, diplômé de l’Esstic mais sans emploi, invite le gouvernement à prendre ses responsabilités. « Il faut que les pouvoirs publics nous intègrent réellement ; qu’ils promeuvent réellement l’approche inclusive dans les secteurs socioprofessionnel et académique conformément aux traités et engagements internationaux qu’ils ont ratifiés », indique-t-il. Si tel n’est pas le cas, prévient-il « le mouvement que nous avons engagé n’est qu’un début. Nous n’entendons pas lâcher et nous utiliserons tous les moyens républicains (parce qu’on nous a collés quelques intentions politiques qui n’ont pas lieu d’être avec le Mrc) pour prendre l’opinion nationale et internationale à témoin ».