Par Serge Aimé BIKOI
Que ce soit en 1991 lors des années de braise, en 2004 lors de la présidentielle, en 2008 lors des émeutes urbaines, en 2011, en 2016 au moment de l’enclenchement de la crise sécuritaire dans les zones anglophones, en 2018- 2019 au cours de la contestation post-électorale, en 2020 lors des marches pacifiques pour exiger le rétablissement de la paix dans le Noso, la refonte du système électoral et même aujourd’hui en 2024, à quelques mois de la présidentielle de 2015, le pouvoir de Yaoundé a toujours procédé à des formes d’intimidation des Hommes politiques et des Hommes de médias. En effet, le régime de Yaoundé active toujours le levier de la répression des libertés d’expression et d’opinion au cours de certaines périodes déterminées de l’histoire.
L’on se souvient, par exemple, qu’en 2008, au moment des émeutes urbaines dénommées émeutes de la faim dans l’imaginaire collectif, quelques médias en avaient fait les frais au lendemain de la sortie publique du chef de l’Etat, qui stigmatisait les fauteurs de trouble comme les apprentis sorciers. Magic Fm, une radio urbaine émettant à Yaoundé, et Équinoxe Radio, une radio urbaine émettant à Douala, avaient été fermées. Radio Siantou n’avait pas été fermée, mais le ministre de la Communication de l’époque avait obtenu la tête de l’ancien chef de chaîne, Benjamin Fouda Effa, qui, à l’émission interactive “A vous l´antenne, avait reçu Jules Elobo, chef de chaîne de Magic Fm, qui avait tancé ce Mincom. Fouda avait été éjecté au profit de Eugène Messina.
En Janvier 2019 après la présidentielle du 7 octobre 2018, ce sont des cadres et militants du Mrc, ainsi que des alliés politiques qui avaient été, manumilitari, embastillés à Douala et déportés à Yaoundé où ils avaient été incarcérés qui au Gso(Groupement spécial des opérations), qui au commissariat central no1, qui à la division régionale de la Police judiciaire du Centre, etc. Au total plus de 500 arrestations, dont plus d’une centaine libérée le 5 octobre 2019 après neuf mois de prison. Deux journalistes en faisaient partie à l’époque (Théodore Tchopa et David Eyengue Nzima du quotidien Le jour) avaient été libérés après avoir été déportés à Yaoundé par des bidasses.
En octobre 2016, au moment de l’enclenchement de la crise sécuritaire dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, près d’une centaine d’activistes avaient été arrêtés au rang desquels figuraient les leaders du consortium Scnc(Ayah Paul Abine, Félix Nkongho Agbor Balla, Fontem Neba, etc.) Quelques mois après, Mancho Bibixy, Conrad Tsi, Pen Terrence, etc avaient, eux aussi, été interpellés, inculpés, puis condamnés par le Tribunal militaire de Yaoundé. La crise anglophone a déjà entraîné des milliers de morts, des milliers de déplacés et de réfugiés, des énormes pertes matérielle et financière, etc. Cette crise continue aujourd’hui de perdurer huit ans après.
Il est donc aisé de constater qu’à chaque période névralgique et stratégique de l’histoire sociopolitique du pays, le pouvoir de Yaoundé, le gouvernement, les maillons de la préfectorale(gouverneurs, préfets et sous-préfets), la police, la gendarmerie et l’armée ont toujours été mis à contribution pour opprimer, réprimer et ostraciser les leaders politiques, les Hommes de médias. L’enjeu consiste à instaurer une atmosphère de peur, de terreur et de frayeur à l’approche des échéances électorales importantes. Chacun, au sein du sérail, active ses leviers communicationnels qui naviguent entre la diplomatie et la barbarie. Si le porte-parole du gouvernement est fort pondéré et diplomate, le ministre de l’Administration territoriale agite un langage barbare et sauvage assorti des métaphores blessantes et offusquantes. Le préfet du Mfoundi, qui s’inscrit, lui aussi, dans cette mouvance autoritariste, veut même, au mépris des conventions supra nationales signées et ratifiées par le Cameroun et de la loi fondamentale, déporter hors de Ongola les auteurs des dérives langagières. La peur a changé de camp et la machine répressive est en passe de devenir folle. Il est donc impératif que les organisations de la société civile et les leaders politiques de l’opposition au Cameroun construisent une dynamique coalitive et une solidarité mécanique au sens durkheimien. Histoire de dénoncer ces méthodes liberticides du régime de Yaoundé et de dissiper toute velléité d’intimidation. Chacun, dans son giron, doit rester le chien de garde, en restant éveillé. Il ne faut pas qu’il règne une espèce de déséquilibre de la terreur de manière que les catégories sociales demeurent apeurées, angoissées et persécutées. Restons vent debout contre les méthodes qui sanctionnent la résurgence du totalitarisme!