Par Sandra Embollo
La déclaration a été faite à la télévision nationale, dimanche 4 août, par le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement de transition malien. Il a annoncé la décision du Mali de rompre « avec effet immédiat » ses relations diplomatiques avec l’Ukraine. Dans un communiqué publié lundi 5 août dans l’après-midi, le ministère ukrainien des Affaires étrangères a regretté une décision « précipitée » : « La décision du gouvernement de transition de la République du Mali de rompre ses relations diplomatiques avec l’Ukraine est à courte vue et précipitée », a fustigé la diplomatie ukrainienne.
La raison de cette rupture : le porte-parole de l’agence ukrainienne de renseignement militaire, Andriy Yusov, a, selon Bamako, avoué dans une vidéo l’implication de Kiev dans la défaite de l’armée malienne et du groupe paramilitaire russe Wagner fin juillet, lors de combats avec des séparatistes et jihadistes qui ont causé de lourdes pertes. Bamako reproche à l’Ukraine un soutien aux Touaregs. L’implication ukrainienne avait été évoquée par Andriy Yusov, qui mentionnait, ce sont ses mots, « des informations utiles, et pas seulement cela, ayant permis des succès militaires contre des criminels de guerre russes » qui auraient été fournies aux combattants touaregs.
Le gouvernement malien juge que ces actes « violent la souveraineté du Mali, dépassent le cadre de l’ingérence étrangère et constituent un soutien au terrorisme international ». Pour le gouvernement malien, cette attaque constitue « une agression caractérisée » de l’Ukraine sur son territoire. L’accusation et la condamnation ont été répétées au moins à dix reprises dimanche soir lors du journal télévisé par le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement malien de transition.
Le colonel Maïga, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, a dénoncé les positions de l’Ukraine, dont « le destin est confié à des pantins confondant la scène internationale et la scène de théâtre », une phrase qu’il lira à trois reprises à la télévision.
Bamako accuse le porte-parole de l’Agence ukrainienne de renseignements militaires Andriy Yusov et l’ambassadeur d’Ukraine au Sénégal Yurii Pyvovarov d’apologie et de « clair soutien officiel au terrorisme en Afrique ». Cela après l’attaque à Tinzawatène des rebelles du Csp et du Jnim d’al-Qaïda fin juillet, ayant causé la mort de dizaines de militaires maliens et mercenaires russes, et provoquant les plus grosses pertes jamais enregistrées par Wagner au Mali. Le Mali alerte également les instances africaines et internationales, ainsi que les états alliés de l’Ukraine, que désormais il « considère tout soutien à l’Ukraine comme un soutien au terrorisme international ».
Interview partagée par l’ambassade d’Ukraine au Sénégal… avant d’être supprimée
L’interview du porte-parole Andriy Yusov à l’origine de l’imbroglio a été relayée en fin de semaine dernière sur la page Facebook de l’ambassade d’Ukraine au Sénégal, avec un commentaire approbateur de l’ambassadeur Yurii Pyvovarov lui-même basé à Dakar. La vidéo a depuis été supprimée suite au mécontentement appuyé de la diplomatie sénégalaise, qui a convoqué le représentant ukrainien en lui rappelant « ses obligations de discrétion, de retenue et de non-ingérence qui doivent accompagner la gravité et la solennité de sa mission ».
Cette décision survient au lendemain de la convocation de l’ambassadeur de l’Ukraine à Dakar par le ministère sénégalais des Affaires étrangères. Le représentant de Kiev avait relayé sur ses réseaux sociaux une vidéo de « soutien à l’attaque terroriste » perpétrée au nord du Mali, selon la diplomatie sénégalaise.
Tournée du ministre ukrainien des Affaires étrangères en Afrique
Des tensions tandis que le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kuleba, vient de commencer un quatrième voyage sur le continent africain. Cinq jours de tournée et trois pays visités (le Malawi, la Zambie et Maurice) pour un voyage, largement consacré aux questions de sécurité alimentaire. Dmytro Kuleba échangera avec ses homologues et des acteurs du secteur alimentaire de l’initiative présidentielle Grain d’Ukraine. Il s’agit d’un programme humanitaire développé dès 2022 pour continuer d approvisionner les pays les plus pauvres en céréales malgré la perturbation des chaînes d’approvisionnement traditionnelles par la Russie, notamment en mer Noire. Mi-juillet l’Ukraine annonçait avoir deja envoyé dix navires avec 200000 tonnes de blé, à destination de la Somalie, l’Éthiopie, le Kenya, le Yémen, le Nigeria, le Soudan et enfin la Palestine où 1000 tonnes de farine ont été transférées.
