Par Joël Onana
Quarante-huit heures en théorie, prolongation possible jusqu’à 72 heures maximum : le délai légal de garde à vue est expiré et les dix leaders de l’opposition sont toujours dans les locaux de la Brigade d’investigations judiciaires (BIJ) de la gendarmerie.
L’ancien ministre Mohamed Ali Bathily a été libéré dès vendredi soir, après un peu plus de 24 heures d’interrogatoire, du fait de son statut d’avocat et des dispositions spécifiques qui n’avaient pas été respectées. Reste à voir s’il sera poursuivi malgré tout ou si la procédure s’arrête là pour lui.
Suite de la procédure
De source judicaire et d’après plusieurs membres de la plate-forme d’opposition de la Déclaration du 31 mars, les opposants sont relativement bien traités. Après 24 heures sur une simple chaise, des matelas leur ont été fournis, ils ont pu se doucher et sont nourris. Leurs avocats ont pu leur rendre visite, la Commission nationale des droits de l’homme aussi, qui a d’ailleurs diffusé un communiqué pour rappeler que « l’exercice des droits civiques et politiques constitue l’essence d’un État démocratique », citant notamment les libertés de réunion et d’expression. Pour ce qui concerne la suite de la procédure, c’est encore assez flou : aucun des onze opposants arrêtés n’a officiellement signé de déposition. La durée légale de leur garde à vue est expirée. Ils devraient être présentés à un juge d’instruction que le président du tribunal de grande instance de la commune V de Bamako doit désigner, a priori dans la journée, mais ce n’est toujours pas le cas. Sollicité par Rfi, le tribunal n’a pas donné suite.
Les opposants ont été interrogés sur des faits de « réunion non autorisée » ou de « tentative de déstabilisation ». Mais, à ce stade, aucune infraction précise ne leur a été notifiée officiellement. Leurs avocats dénoncent « un dossier vide ». Tous avaient été arrêtés jeudi soir, « sans permis de perquisition, dans un domicile privé et par des agents n’appartenant pas à la chaîne judiciaire », précisent leurs conseils. Ces cadres politiques, dirigeants de partis et anciens ministres, travaillaient au règlement intérieur de leur plate-forme et à un plan d’action – conférences de presse, rassemblements – pour réclamer la tenue d’élections et le retour à l’ordre constitutionnel.
Début avril, un décret a suspendu toute activité politique des partis et associations au Mali, officiellement « pour raisons d’ordre public ». Mais ce décret est très contesté, politiquement bien sûr, mais aussi juridiquement. Jugé « liberticide », différentes procédures ont d’ailleurs été initiées pour l’attaquer en justice.
« Les domiciles privés comme les sièges des partis sont protégés par la loi, rappelle un membre de la coalition. Et même la Constitution permet la désobéissance civile dans un tel cas. Ils veulent faire peur à tout le monde, mais l’intimidation ne suffira pas. Cela coûtera ce que cela coûtera, conclut cette source. Mais nous défendrons nos libertés. »