Par Arlette Akoumou Nga
L’un des hommes forts du gouvernement militaire, le colonel major Ismaël Wagué, a écrit récemment en termes vigoureux au ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra, dont le pays est le chef de file de la médiation internationale qui appuie la mise en oeuvre de cet accord dit d’Alger signé en 2015.
Dans cette lettre datée du 24 février et adressée au ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra, il accuse de violations répétées l’un des signataires de l’accord, la Coordination des mouvements de l’Azawad (Cma), alliance de groupes indépendantistes et autonomistes à dominante touarègue.
Il va jusqu’à remettre en question le crédit de la médiation qui associe l’Algérie, l’ONU, des organisations africaines et des partenaires étrangers.
“Le comportement de certains mouvements constitue une entrave à la paix”, dit le ministre. Il accuse la Cma de “collusion de plus en plus manifeste avec les groupes terroristes”. “Le gouvernement mettra tout en oeuvre pour atteindre ses objectifs, quels qu’en soient le prix et la forme”, dit-il, en citant la souveraineté parmi ces objectifs.
De vastes étendues du nord sont sous le contrôle de la Cma, dont la ville stratégique de Kidal. Cette insoumission à l’autorité centrale est un sujet majeur d’irritation pour la junte, qui fait de la souveraineté son mantra depuis qu’elle a pris le pouvoir par la force en 2020, a rompu l’alliance avec la France et ses partenaires contre le jihadisme et s’est tournée militairement et politiquement vers la Russie.
” Legouvernement, tout en restant attaché à la mise en oeuvre intelligente de l’accord, rejettera d’office toute accusation qui serait de nature à le tenir responsable des éventuelles conséquences de sa violation”, prévient-il.
Aucune réaction n’a été obtenue de la part de la Cma.
L’avertissement de la junte intervient dans une période de vives tensions entre la junte et les signataires de l’accord, au premier rang desquels la Cma. Le doute va grandissant sur l’avenir de l’accord.
L’accord signé en 2015 par l’État malien et des groupes loyalistes avec la Cma a mis fin aux hostilités enclenchées avec les insurrections indépendantiste et salafiste de 2012 dans le nord. Les djihadistes continuent, eux, de combattre sous la bannière d’Al-Qaïda ou de l’organisation État islamique, et la crise sécuritaire s’est propagée au centre du Mali ainsi qu’au Burkina Faso et au Niger.
L’accord est présenté par la médiation internationale comme essentiel en vue d’une stabilisation d’un pays dans la tourmente. Il prévoit des mesures de décentralisation et l’intégration d’ex-rebelles dans l’armée nationale.
Mais il est mal en point depuis des années. La Cma a annoncé en décembre suspendre, avec les autres groupes signataires, sa participation à sa mise en oeuvre.
Elle dénonçait “l’absence persistante de volonté politique des autorités” à appliquer l’accord. Elle fustigeait leur “inertie” face à la poussée de l’État islamique au grand Sahara (Eigs) en cours depuis des mois dans le nord et le nord-est. Cette pression génère d’intenses batailles avec les groupes armés locaux et avec les rivaux affiliés à Al-Qaïda. Elle donne lieu à la mort de centaines de civils, à des massacres et à des déplacements massifs de population.
La Cma a monté en février une large opération de sécurisation sans le concours du gouvernement, dans ce qui ressemble à un désaveu de l’État.
Un responsable soutenant le gouvernement militaire a prédit en février une reprise prochaine des hostilités.
Le voisin algérien et la médiation s’emploient depuis des semaines à sortir de l’impasse. La lettre du colonel major Wagué est datée du 24 février, avant donc que le président algérien Abdelmadjid Tebboune ne reçoive des représentants de la Cma le 26 février.
“Certains mouvements, précisément ceux de la Cma, n’ont cessé de violer l’accord”, écrit le colonel major Wagué. Il cite l’établissement de postes de commandement par la Cma, la délivrance d’autorisations de déplacement sur des sites d’orpaillage, ou encore le fonctionnement d’un tribunal islamique à Kidal, tout cela sans approbation gouvernementale. Ces agissements ainsi que “l’absence de réaction de la médiation jettent un discrédit sur cette dernière”, dit-il.