Par Léopold DASSI NDJIDJOU
Les piliers de la mémoire politique du Cameroun tombent les uns après les autres dans le silence et l’indifférence générale. Ils s’en vont un peu comme sur la pointe des pieds, ces femmes et ces hommes qui ont été au cœur de la gestion affaires administratives et politiques sans laisser le traitre mot, sans partager leur expérience à surmonter les nombreux défis qui ont jalonné leur cheminement. Comme avant le ministre Dakole Daïssala, tous nos leaders politiques s’en vont dans l’omerta, emportant avec eux outre-tombe tant de tomes, de livres et de chapitres de l’histoire du Cameroun. Pourquoi n’écrivent-ils pas leurs mémoires ?
Pourquoi ne copient-ils pas comme à l’accoutumée les exemples des hommes politiques en France ? Si on en sait un peu du Dr. Adamou Ndam Njoya, de François Sengat-Kouo, de Christian-Tobie Kuoh, de Samuel Eboua et la liste n’est pas si longue, qu’en est-il d’Ahmadou Ahidjo et les acteurs de politiques de son temps ? Emmanuel Macron, lors de son récent séjour à Yaoundé, a dit toute sa volonté de mettre sur pied une commission bipartiste des historiens camerounais et français, assignée à faire toute la lumière sur l’histoire troublée de l’indépendance du Cameroun. Du côté camerounais, comme les acteurs politiques du premier ordre sont silencieux !
Macron a d’ailleurs prévenu qu’en ouvrant les documents classés confidentiels en France, l’opinion publique au Cameroun tombera des nues. Une autre façon de dire, croit-on comprendre, que les véritables bourreaux des upécistes de l’époque, loin d’être des Français, étaient des Camerounais. Est-ce la raison pour laquelle l’essentiel des acteurs politiques camerounais qui étaient aux affaires au premier régime rechignent-ils tant à rédiger leurs mémoires ? Probable ou possible ! Comment donc le Cameroun fera-t-il courageusement face à la documentation française si en interne nous sommes tenus par un silence écœurant, tant de la part des administrateurs, des militaires que des politiques ?
Ils sont nombreux encore, les acteurs politiques de cette période, et le plus grand qu’ils puissent léguer à la postérité de leur pays est la rédaction de leurs mémoires, « une bouteille jetée à la mer », dont s’en emparera la jeune génération sur le chemin de l’émergence du pays. On n’est plus à l’heure de juger ce qu’ils ont fait, en mal ou en bien, mais la priorité est de comprendre le pourquoi de telle ou telle action. A vous les leaders du Cameroun de livrer les clés de vos échecs et succès à la jeune génération, à vous de confier aux jeunes gens les secrets pour relever les défis qui les interpellent dans ce monde dont vous étiez à la fondation.
C’est là aussi le chemin de la réconciliation des générations, de l’ouverture des testaments pour mieux adresser l’avenir. Jacques Chirac, François Mitterrand sont par exemple mieux connus au Cameroun par la jeune génération qu’Ahmadou Ahidjo ou John Ngu Foncha. Ce qui fait la différence est au niveau des écrits, du témoignage de la vie politique. Ce qui est davantage curieux est que les universitaires qui s’engagent en politique, sont aussi taiseux que les autres. Comme qui dirait, peut-être la politique chez nous est très sale. Il en va de même ailleurs, pourtant, on écrit.