Par Sandra Embollo
Selon une décision du ministère de l’Intérieur, publiée dans le journal officiel La Gaceta, la radiation de ces 1 500 Ong est justifiée par le fait qu’elles « n’ont pas déclaré » leurs « états financiers » pendant des périodes allant d’un an à 35 ans. Leurs biens seront saisis par l’État.
Il s’agit de la plus importante fermeture massive d’Ong décrétée par le gouvernement du président Ortega. Elle porte à plus de 5 100 le nombre d’organisations civiles dissoutes depuis 2018, lorsque le régime a renforcé son arsenal juridique à la suite des manifestations antigouvernementales qui ont fait plus de 300 morts en trois mois, selon les Nations unies.
Cette décision « est profondément alarmante, d’autant plus dans un pays en proie ces dernières années à une érosion de l’espace civique et à des restrictions injustifiées à la liberté religieuse », a déclaré une porte-parole du Haut-Commissariat de l’Onu aux droits de l’homme, Liz Throssell, dans un communiqué. Daniel Ortega, 78 ans, a gouverné dans les années 1980 après le triomphe de la révolution sandiniste et est revenu au pouvoir en 2007. Il a ensuite été réélu lors de scrutins non reconnus par Washington, l’Union européenne et des organismes internationaux.
Parmi les Ong fermées lundi se trouvent principalement des organismes religieux, mais aussi des associations caritatives, sportives, indigènes ou d’anciens combattants du régime sandiniste. La Croix-Rouge nicaraguayenne a notamment été fermée. Amaru Ruiz, ancien directeur de l’organisation environnementale Fundacion del Rio, dissoute, aujourd’hui en exil, a dénoncé un « coup de balai » contre la société civile. « Ils veulent non seulement contrôler la vie organique des organisations, mais aussi les ressources qu’elles gèrent », a-t-il ajouté.
Le régime d’Ortega Murillo a annoncé la semaine dernière des changements concernant l’organisation des associations de société civile. Cela signifie que si les autorités avaient déjà le contrôle sur l’aspect juridique, fiscale et le fonctionnement structurel de l’organisation, désormais, elles surveillent aussi la nature des projets. Et cela peut provoquer de nouvelles fermetures d’Ong. Parce qu’aussi bien les donateurs que les responsables des Ong vont devoir décider prochainement s’ils vont se soumettre ou non à ces nouvelles règles, qui ont été mises en place par la vice-Présidente Rosario Murillo la semaine dernière. « Ils font table rase, ils éliminent pratiquement toutes les Ong du pays. Plus de 5 100 depuis le début de la crise […] Un autre coup porté à la société civile », a dénoncé pour sa part sur son compte X Juan Sebastian Chamorro, ancien candidat à la présidence du Nicaragua en exil aux États-Unis.
Vendredi, le gouvernement a adopté une nouvelle loi controversée qui oblige les Ong à ne travailler que dans le cadre d’« alliances » avec des entités publiques.
Cette nouvelle réglementation a été annoncée un jour après que le Venezuela, allié de Managua, a adopté une loi sur les Ong qui, selon les défenseurs des droits humains, aggrave « la persécution » des opposants au président Nicolas Maduro. Sa réélection fin juillet est contestée après un scrutin que l’opposition accuse d’être entaché d’irrégularités.
Le gouvernement du président Ortega affirme notamment que l’Église a soutenu les manifestations antigouvernementales de 2018. Fin juillet, un groupe d’experts de l’Onu a dénoncé des attaques « systématiques » menées par le gouvernement du Nicaragua contre l’Église catholique et d’autres confessions chrétiennes, selon une version actualisée en mars du rapport du Conseil des droits de l’homme.
En plus des prêtres, pasteurs ou séminaristes, sont aussi ciblés des paroissiens ou des laïcs actifs pour la défense des droits humains au sein d’organisations religieuses, souligne le rapport. Depuis début août, plus d’une dizaine de prêtres ont été arrêtés et la plupart d’entre eux expulsés vers le Vatican. La Commission interaméricaine des droits de l’homme (Cidh) a exhorté, la semaine dernière, le gouvernement du président Ortega à mettre fin à « la répression généralisée et à la persécution religieuse » dans le pays. Elle a également dénoncé la détention arbitraire d’au moins 141 personnes, détenues dans des conditions insalubres, avec un accès restreint à l’eau potable, à une alimentation adéquate et à des soins médicaux.
On parle en tout de 5200 Ong interdites depuis 2018, cela a considérablement réduit place laissée à la société civile dans le pays. Avant, on pouvait décompter jusqu’à 7600 Ong dans tout le Nicaragua. C’est une nouvelle qui vient s’ajouter à une destruction continue de l’espace dédié à la société civile. De nombreuses organisations religieuses : chrétiennes, catholiques, évangéliques ont été interdites, mais aussi des associations de vétérans de l’armée et de la police, ainsi que des organisations liées au Front sandiniste. En d’autres termes, il ne s’agit pas seulement d’entités proches de l’opposition, mais d’un nettoyage total concernant même des organisations liées au parti au pouvoir.