Par Léopold DASSI NDJIDJOU
Les puzzles d’une Ukrainisation du Niger se mettent en place au jour le jour. La chute de Bazoum a étalé aux yeux du monde une proximité entre la junte et les pouvoirs au Burkina Faso et au Mali. Le sommet Russie-Afrique du mois dernier fut un théâtre par excellence pour Ouagadougou et Bamako de mettre en scène leur bonne entente avec le Kremlin.
Les drapeaux russes qui sortent des poches des manifestants à Niamey sont à s’y méprendre des duplications des deux coups d’Etat précédents du Sahel. Au pentagone ou à l’Elysée, personne n’est dupe sur l’identité du grand manœuvrier derrière la scène. C’est dans les convenances des relations internationales. On le sait mais on se tait.
Pendant ce temps, sur l’échiquier du Sahel, Washington semble comprendre que l’Allié français perd largement du terrain avec les coups d’Etat qui se succèdent. Le drapeau russe flotte à Ouaga et à Bamako, éclipse de l’influence de l’Elysée. Déjà le 27 juillet 2023, au lendemain de la chute de Bazoum, les Etats-Unis nommaient au Niger l’ambassadrice Kathleen Fitzgibbon après un an et demi de vacance du poste. Une sorte d’adoubement en catimini ? Ce n’est pas l’unique grand jeu que sort Washington pour se démarquer de Paris qui demeure dans une posture va-t-en-guerre pour le retour à l’ordre constitutionnel, pour le rétablissement du pouvoir déchu. Le 10 août dernier, alors que la Cedeao soutenue par la France parlait de mobiliser une «force en attente», en vue d’une intervention à Niamey, les Américains à travers Antony Blinken, le chef de la diplomatie américaine a rapidement condamné une option militaire.
La Cedeao et la France sont ainsi abandonnées dans la logique guerrière quand les pays comme la Russie, l’Algérie, le Tchad, le Mali, le Burkina Faso mettent sévèrement en garde contre une intervention armée au Niger. La junte conforte son pouvoir au fil des jours. Pour comprendre la position américaine, il y a lieu de rappeler que le pays de Joe Biden dispose d’un contingent armé au Niger. On dénombre près de 1300 soldats répartis sur trois bases dont celles de Niamey ou d’Agadez dans le nord du pays. C’est du Niger que les Américains surveillent le Sahel avec les drones, notamment les mouvements des troupes de la Libye vers le Sahara. A Côté de ceci, le Pentagone regarde d’un œil inquiet la rapide projection de la Russie au cœur du Sahel.
De ce fait, l’opération G5 Sahel pilotée par Paris est de ce fait tombée de fait, avec les retrait du Mali, du Burkina et du Niger (même si la France refuse d’obéir aux injonctions des putschistes). Comme on le voit, Les Etats-Unis, petit à petit prennent la tête du camp occidental au Sahel avec l’emprise russe qui se fait tel un tsunami. Dans les rues de Niamey, si les manifestants demandent le départ de la France, il va sans dire que le drapeau russe porté à bout de bras dit l’appel à l’Allié russe à Niamey. Si on a constaté les manifestations des pro-Bazoum ces derniers jours, il va sans dire que le grand questionnement est la cohabitation entre les Russes et les Américains au Niger.
C’est comme de l’essence et le feu mis côte à côte, en espérant qu’il n’y aura pas embrasement. C’est le même contexte en Ukraine. Si les obus tonnent en Ukraine, il est difficile qu’il n’en soit pas ainsi au Niger, avec l’arrivée attendue de la Russie et les Etats-Unis qui gardent leurs positions à Niamey. Entre les Ruses et les Américains, qui devra se battre pour rester ou partir ? That’s the question.
