Par Sandra Embollo
La Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement a décidé d’accélérer le pas vers l’instauration de la monnaie commune Eco, en remplacement du Franc Cfa, considéré par beaucoup comme un vestige de la colonisation qu’il est grand temps de gommer. C’était la principale résolution de la 60e session ordinaire organisée le 7 juillet 2024 à Abuja, au Nigéria. Même le géant nigérian est prêt à lâcher sa monnaie nationale, le Naira, pour s’embarquer dans le train de l’Eco. Voici l’intégralité du communiqué qui a été publié au terme de la réunion des dirigeants ouest-africains :
“La Conférence a souligné l’importance pour les États membres de transmettre régulièrement à la Commission leurs Programmes Pluriannuels de Convergence (Ppc) pour les périodes concernées, rappelant que ces programmes sont essentiels pour dresser le sentier de convergence macroéconomique. Les États membres sont ainsi invités à soumettre leurs Ppc pour la période 2025-2029 avant le 31 octobre 2024. La Commission devra présenter un rapport de transmission lors de la prochaine session ordinaire.
Les Chefs d’État ont pris note des conclusions de la deuxième réunion du Comité de Haut Niveau sur les modalités pratiques de création de l’Eco. Félicitant le Comité pour la qualité du rapport, la Conférence a décidé de maintenir le Pacte de stabilité et de convergence macroéconomique entre les États membres de la Cedeao. La Commission a été invitée à soumettre un projet d’acte additionnel définissant les modalités de participation des États membres à l’Union monétaire lors de la première session ordinaire de 2025.
La Conférence a également donné des instructions précises :
Le calendrier pour la mise en place de la monnaie unique Eco de la Cedeao est détaillé comme suit :
- Élaboration et Transmission des Programmes Pluriannuels de Convergence (PPC)
- 31 octobre 2024: Date limite pour les États membres de transmettre leurs Ppc pour la période 2025-2029 à la Commission de la Cedeao.
- Évaluation des Coûts et Modalités de Financement
- Première session ordinaire de 2025: La Commission, en collaboration avec l’Agence Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (Amao), doit soumettre un rapport sur l’évaluation des coûts, l’identification des sources et des modalités de financement nécessaires pour la création de l’Eco.
- Projet d’Acte Additionnel
- Première session ordinaire de 2025: La Commission doit soumettre un projet d’acte additionnel définissant les modalités de participation des États membres à l’Union monétaire.
- Rapport du Comité de Haut Niveau
- Prochaine session ordinaire: Le Comité de Haut Niveau doit soumettre un rapport sur les modalités pratiques pour la création de l’Eco”.
Le président Alassane Ouattara, à la tête de la première économie de la zone Cfa, la Côte d’Ivoire, est un des fervents défenseurs de la monnaie unique Eco. En mai dernier le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a évoqué la sortie du Franc Cfa, une promesse de campagne électorale. Mais à Abidjan comme à Dakar il avait été décidé de ne pas brusquer le processus et de préparer les économies régionales pour une transition en douceur vers ce changement majeur. Les pays-ouest africains ont attendu des dizaines d’années pour se décider à couper le dernier cordon avec la France, ils peuvent bien attendre quelques mois ou années…
Sauf que depuis il y a eu les rebuffades du Mali, du Niger et du Burkina Faso, qui ont décidé de renverser la table en quittant la Cedeao et en montant l’Alliance des Etats du Sahel (Aes), qu’ils viennent d’ailleurs de mettre sur orbite. Donc pour l’organisation ouest-africaine il y a urgence, à travers l’adoption de l’Eco il s’agit aussi de donner des gages de “décolonisation” aux pays de l’Aes pour les convaincre de revenir dans le giron de la Cedeao. Le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a été mandaté pour une médiation, lui qui a de bonnes relations avec les pays du Sahel et y était en tournée en mai 2024.
15 Etats membres qui partagent la même monnaie, l’Eco (en attendant peut-être d’autres pays, voire une monnaie africaine à terme) cela serait un formidable accélérateur pour les économies régionales. Jusqu’ici le Franc Cfa se limitait aux 8 pays de l’Uemoa (Union Économique et Monétaire Ouest Africaine), en intégrant un ténor comme le Nigéria l’Afrique de l’Ouest aurait plus de force de frappe…
Pour le Nigéria il s’agit avant tout de dynamiser les échanges avec la région pour requinquer son économie et retrouver sa place de première puissance africaine. La Côte d’Ivoire, locomotive de l’Uemoa, a aussi ses ambitions en termes d’élargissement de son périmètre, dans la perspective du gonflement de son PIB (100 milliards de dollars en 2026 et 109 milliards en 2027) et de la montée en puissance des hydrocarbures. Le Sénégal, dont la croissance sera à deux chiffres en 2025 grâce principalement au gaz et au pétrole, vise également des paliers supérieurs.