Par Sandra Embollo
Il y a à peine deux semaines, le secrétaire d’État américain Anthony Blinken s’entretenait séparément au téléphone avec les présidents rwandais Paul Kagamé et congolais Félix Tshisekedi, pour leur demander de favoriser la diplomatie dans leurs relations et pour désamorcer les tensions, y compris en retirant des troupes à leur frontière commune.
Cette fois, l’administration Biden s’est déplacée. Dans la délégation, la secrétaire d’État adjointe chargée de l’Afrique, le conseiller Afrique de Joe Biden et du conseil de sécurité nationale, surtout Avril Haines. Celle-ci coordonne tout le renseignement national américain, y compris la Cia, le Fbi et le renseignement militaire, et est placée sous l’autorité directe du président des États-Unis : c’est dire l’importance accordée au dossier.
Si Avril Haines a fait le déplacement, c’est pour obtenir des engagements de la part des deux dirigeants pour désamorcer les tensions dans l’est de la Rdc.
« Nous n’avons jamais été aussi près d’une guerre »
« Nous n’avons jamais été aussi près d’une guerre », confie un proche de la présidence congolaise pour expliquer la venue en début de semaine des émissaires américains. Ils se sont entretenus lundi avec le président Tshisekedi avant que ce dernier ne parte battre campagne dans le Kongo-central. Il est effet candidat à la présidentielle du 20 décembre prochain et brigue un second mandat.
À la suite des entretiens avec les Américains, « les présidents Kagame et Tshisekedi s’engagent à prendre des mesures spécifiques pour réduire les tensions actuelles en répondant aux préoccupations respectives des deux pays en matière de sécurité », indique la Maison Blanche dans son communiqué publié mardi 21 novembre après le retour de sa délégation.
La présidence américaine dit s’en « féliciter » et « entend surveiller ces mesures visant à une désescalade » prises par la Rdc et le Rwanda.
« Tout militaire » congolais en lien avec les Fdlr sera arrêté, annonce Kinshasa
La présidence congolaise confirme que des engagements ont bien été pris par Kinshasa sans les détailler. Officieusement, le message du porte-parole de l’armée diffusé mardi soir est vu comme un premier pas : le général congolais Sylvain Ekenge a annoncé arrêter et punir « tout militaire » en train de « nouer et entretenir » des contacts avec les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (Fdlr), cette rébellion hutu rwandaise réfugiée dans l’est du pays depuis le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994.
Jusqu’ici, Kinshasa démentait tout lien avec le groupe armé, bien que ses forces armées soient régulièrement accusées depuis mi-2022 de collaborer avec, notamment pour endiguer l’avancée du M23.
« Logiquement, le Rwanda doit faire la même chose avec le M23 », explique la même source, qui ajoute que la partie congolaise ne s’attend toutefois pas à ce que Kigali tienne ses engagements. Pour l’instant, les Rwandais n’ont pas réagi officiellement.
En concession, Tshisekedi confirme se rendre au sommet de la EAC
Autre concession du président congolais : Félix Tshisekedi a annoncé sa présence au sommet de la Communauté d’Afrique de l’Est (Eac) à Arusha vendredi 24 novembre, annulant donc un déplacement de campagne à Kisangani, prévu le même jour.
Officiellement, rien n’a filtré des trois heures d’entretien que le président Tshisekedi a eu avec les envoyés du président Biden. Mais suite à ce rendez-vous, le président congolais a donc annoncé sa venue à Arusha, vendredi, au sommet de la communauté est-africaine. Il reporte un déplacement de campagne prévu le même jour à Kisangani.
Si l’objectif affiché de ce rendez-vous dans la capitale tanzanienne est de relancer le processus de paix, les Congolais espèrent y acter le départ de la force Eac. « Ils doivent partir le 8 décembre », confirme un membre du gouvernement, qui ajoute ne pas pourvoir imaginer que cela puisse en être autrement.
Le président Tshisekedi s’est d’ailleurs entretenu ces derniers jours avec plusieurs de ses homologues de la région. « Il y a quelques résistances, confie-t-on à à Kinshasa, surtout le Kenya qui voit ce retrait comme un échec », poursuit la même source.
Dans le même temps, la Rdc a approuvé l’accord définitif permettant le déploiement une force de la Communauté de développement d’Afrique australe (Sadc) censé prendre dès le mois prochain la suite de l’Eac. Ces militaires venus d’Afrique du Sud, de Tanzanie et du Malawi remplaceront aussi la mission de l’Onu en Rdc (Monusco), dont le plan de désengagement a été signé par les deux parties mardi 21 novembre au soir.