Par Éric Boniface Tchouakeu
Dans sa décision, le juge constitutionnel centrafricain explique que la révision de la constitution ne peut être faite «qu’après la mise en place du Sénat », institution non encore opérationnelle dans le pays.
La haute juridiction constitutionnelle centrafricaine ajoute en plus que l’initiative d’un référendum de révision constitutionnelle appartient certes au Président de la République, mais que ce référendum ne peut se faire en violation du serment prêté par Touadéra lors de son investiture.
Ce dernier avait en effet notamment déclaré :
« je jure devant Dieu et devant la nation, d’observer scrupuleusement la constitution, de ne jamais exercer les pouvoirs qui me sont dévolus par la constitution à des fins personnelles, ni de réviser le nombre et la durée de mon mandat. »
Elu une première fois en 2016,puis réélu en 2020 au cours d’un scrutin fortement contesté et organisé dans un environnement sécuritaire précaire, Faustin-Archange Touadéra ne doit théoriquement pas se représenter pour un troisième mandat en 2025, selon les dispositions de l’actuelle loi fondamentale de la Rca, adoptée lors d’un référendum le 13 décembre 2015 et en vigueur depuis le 30 mars 2016.
Mais depuis quelques mois, des appels et contre- appels à la modification de la constitution, y compris à travers parfois des manifestations dans la rue, ont cours dans le pays. C’est dans ce contexte qu’une vingtaine de partis politiques et organisations de la société civile, opposés à la révision, avait saisi la Cour Constitutionnelle pour solliciter son arbitrage.
Il convient de relever que c’est la première fois dans un pays d’Afrique francophone que la justice se prononce contre un projet de modification constitutionnelle devant offrir la possibilité à un Président en fonction, de briguer un 03ème mandat consécutif, alors que la loi fondamentale en vigueur, limite à deux(02),le nombre de mandat présidentiel pouvant être effectué par une personne.
En Côte d’Ivoire sous Alassane Dramane Ouattara et en Guinée sous Alpha Condé pour les cas les plus récents, des projets de révision constitutionnelle similaires ont été validés.
Dans une démocratie, la souveraineté appartient au peuple. On peut dès lors se demander si une institution bien qu’agissant en théorie au nom de ce même peuple, a le droit d’empêcher celui au nom duquel il prétend agir, de s’exprimer directement par voie de référendum sur un sujet déterminé.
Cette situation amène à s’interroger sur la transparence, la sincérité et la crédibilité des processus électoraux et particulièrement dans les pays francophones d’Afrique.
Lorsqu’un peuple est divisé sur une question, c’est normalement par voie d’élection ou de référendum, qu’on peut équitablement départager les uns et les autres. Mais il se trouve malheureusement que le jeu électoral est d’avance biaisé au profit du régime en place dans ces Etats. Dans un tel contexte, la limitation du nombre de mandats participe souvent d’un compromis entre les acteurs du pouvoir et de l’opposition pour garantir une certaine alternance ou un changement régulier de personne à la tête du pays.
Il est temps pour les hommes politiques et leurs partisans dans les Etats africains d’abandonner l’idée de « dirigeant-messi ». Les idées et les projets sont les plus importants et non des individus qui sont mortels du fait de leur nature d’êtres humains.
Cela est valable notamment en Rca, deuxième pays le plus pauvre de la planète selon l’Onu, en dépit de l’immensité de ses richesses minières et forestières.

Le fait que de nombreux groupes armés non étatiques s’y soient établis et que ce pays soit devenu un important enjeu de rivalité géostratégique entre d’un côté, la Russie et de l’autre, le monde occidental incarné notamment par la France, ne saurait justifier l’établissement d’un pouvoir perpétuel là bas.