Par Serge Aimé Bikoi
Des noms ont été listés. Parmi les plus célèbres de la liste des 70 ayant déjà remboursé le corps du délit, Haman Adama, ancienne ministre de l’Education de base, qui avait remboursé la somme de 212 millions 580.000 Fcfa au Tcs (Tribunal criminel spécial). C’était le 15 février 2013. Basile Atangana Kouna est, aujourd’hui, la 2ème personnalité publique la plus célèbre qui a, lui aussi, restitué le corps du délit, lequel s’élève à 1 milliard 265 millions 327 mil 640 Fcfa. C’était le 27 juillet 2022 et le délibéré a été prononcé, le 29 juillet 2022, par la présidente de la collégialité des juges du Tcs, Annie Noëlle Bahounoui Batende.
Cependant, il y a certaines personnalités publiques poursuivies par le Tcs, qui avaient remboursé le corps du délit, mais qui n’avaient pas été libérées. Commençons par quelques cas moins célèbres ! En jetant un regard holistique sur les données informatives juridico-judiciaires en notre possession, il apparaît que Bah Fung Amstrong est, depuis sept ans, maintenu à la prison centrale de Yaoundé après avoir remboursé le corps du délit. Deux mois après son arrestation en septembre 2015, nous renseigne David Eboutou, sur les conseils de son juge d’instruction, Bah Fung Amstrong avait décidé de restituer le corps du délit, qui lui avait été imputé, soit cinq millions de Fcfa. Seulement, alors qu’il attend, logiquement, un arrêt des poursuites, sont l’attente commencera à se faire longue, ce prestataire des marchés publics sera plutôt condamné par le Tcs le 2 mars 2018 à 10 ans d’emprisonnement ferme. Peine privative de liberté assortie d’une déchéance de 7 ans. Cette condamnation à, d’ailleurs, été confirmée le 15 février 2022 par la Cour suprême. Voilà donc 7 ans aujourd’hui que Amstrong, âgé de 40ans, croupit dans le principal pénitencier de la capitale métropolitaine. Il lui reste 3 ans à passer derrière les barreaux pour purger sa peine évaluée à 10 ans.

Autre prisonnier ayant restitué le corps du délit, mais maintenu en prison, Léonard Essama Onana, qui avait été interpellé en début d’année 2019 dans le cadre des indemnisations de l’autoroute Yaoundé-Douala par Lobo. Treize autres personnes sont aussi concernées par ce dossier. Alors présentés tous au Tcs, il été établi, relativement à leur dossier, un détournement d’un montant de 235 millions 389 mil 800 Fcfa. La responsabilité de Essama Onana avait été reconnue infime et il lui sera imputé un détournement d’un montant de 524 mil 800 Fcfa. Au moment de les placer en détention à la prison centrale de Yaoundé le 20 février 2019, L. Essama Onana décidera, de concert avec son conseil, de restituer le corps du délit. Il reversera alors au trésor public la totalité du montant, motif pour lequel il avait été inculpé. Il avait, d’ailleurs, formulé, dès le lendemain comme l’exige la loi, une requête visant la sollicitation de l’arrêt des poursuites. Malheureusement, cette procédure n’aura aucun écho favorable jusqu’à ce jour. En 2021, le parquet du Tcs va formuler une seconde requête pour motiver sa décision de voir le sus-nommé libéré, mais ce recours sera aussi sans suite favorable. Depuis 3 ans, Essama Onana attend toujours de voir sa requête trouver un avis favorable et bénéficier de l’arrêt des poursuites.

S’agissant, d’ores et déjà, du cas des personnalités publiques célèbres ayant déjà restitué le corps du délit, mais qui restent toujours poursuivies par la justice, il y a le cas Yves Michel Fotso. C’était même le premier éperviable à rembourser le corps du délit, mais malheureusement il avait été maintenu en prison parce que concerné par deux contentieux judiciaires. A la différence de Haman Adama, qui, elle, était épinglée dans un seul dossier. Heureusement qu’entre-temps, Y.M. Fotso avait bénéficié d’une évacuation sanitaire au Maroc. Jusqu’aujourd’hui, aucune nouvelle venant de cette figure de la scène publique. Malgré tout, la question de savoir pourquoi l’ancien Administrateur-Directeur général de la Camair n’avait pas été libéré comme les autres nous incite, à nouveau, à questionner les modalités de restitution du corps du délit fixées par le décret présidentiel du 4 septembre 2013. En effet, ce texte dispose, en son article 3, que le ministre de la Justice(Minjustice) PEUT… . C’est une possibilité et non une obligation. C’est la raison pour laquelle il est aisé de soutenir, clairement, la question de la violation de la règle générale de droit qui garantit l’égalité de tous devant la loi. Maintenant pourquoi certains et pas d’autres? Il est impérieux de relever que les raisons de la libération de tel ou de tel autre ne sont pas toujours juridiques, mais elles sont aussi politiques. Sans conteste, il y a une interférence entre le levier juridique et le palier politique. Pour le cas de Yves Michel, le fait qu’il soit impliqué dans l’affaire de l’avion présidentiel n’était pas en sa faveur. Il a été, à coup sûr, vu comme quelqu’un qui voulait la tête du Président de la République. Et comme quiconque le sait, l’homme du 6 novembre 1982 ne tolère pas cela. Pareil pour Jean-Marie Atangana Mebara, qui avait, lui aussi, été acquitté il y a quelques années, mais parallèlement, il avait été maintenu en prison. Qui se souvient du juge Pascal Magnaguemabe relativement à ce contentieux ? Allez donc le savoir! J.M. Atangana Mebara, ancien Secrétaire général de la Présidence de la République, était aussi concerné par ce dossier lié à l’avion présidentiel “BB jet2”. Il en est de même du cas Marafa Hamidou Yaya, à qui l’on avait aussi prêté, en 2011, des ambitions présidentielles. L’ancien Secrétaire général de la Présidence de la République était, d’ailleurs, vu, suivant certaines grilles de lecture et conjectures, comme le potentiel successeur de l’actuel prince du Renouveau. Était aussi concerné par cette nébuleuse appelée “G11”, Polycarpe Abah Abah, ancien ministre des Finances (Minfi). L’ancien argentier de l’État du Cameroun continue de croupir dans les geôles de la prison centrale de Yaoundé. Marafa, Atangana Mebara, Fotso et Abah Abah étaient, en référence à la désormais vulgaire théorie du danger, considérés comme des figures dangereuses et pernicieuses constituant le quatuor du G11 qui visait la tête de l’hégémon central.

Pour ce qui est de Amadou Vamoulke, nous tentons de comprendre pourquoi jusqu’à ce jour, et ce six ans après, son affaire traîne. L’ancien Directeur général de la Crtv a déjà assisté à plus de 110 audiences sans que le juge n’accède au fond du dossier. Qu’est-ce qui coince alors? C’est la question qui taraude l’esprit de plus d’un. Sans doute y a-t-il anguille sous roche tant l’on ne saurait savoir quels sont les déterminants judiciaires qui l’épinglent six ans après l’enclenchement de ses soucis judiciaires. Nous notons, d’emblée, que Amadou Vamoulke ne reconnaît pas avoir volé. A ce propos, Il n’est pas non plus dans la dynamique de Basile Atangana Kouna qui a justifié sa démarche, en faisant prévaloir le fait de la restitution du corps du délit. Pour l’ancien ministre de l’Eau et de l’Energie, ce n’est pas un aveu de culpabilité, mais juste qu’il préfère un mauvais arrangement qu’un bon procès.
De plus, en arpentant les couloirs judiciaires, l’on se souvient que A. Vamoulke avait adressé, il y a quelques mois, une lettre ouverte au ministre d’État, ministre de la Justice, garde des sceaux. Dans le contenu, cette lettre ressemble à un pamphlet envoyé à Laurent Esso tant elle révèle les entorses flagrantes à la procédure judiciaire dans laquelle est impliqué l’ancien président de l’Union des journalistes du Cameroun(Ujc). En adressant une sévère lettre au patron de la justice, qui est la seule autorité qui autorise l’arrêt des poursuites, il est évident de conjecturer sur la provenance des malheurs de A. Vamoulke aujourd’hui au regard de la rancœur que peut nourrir celui qui est appelé, prosaïquement, le “cœur du pays”. De toute évidence, ce n’est qu’une conjecture scholastique.