Par Joël Onana
L’organisation des Brics n’avait jamais reçu autant d’attention depuis sa création en juin 2009. Aujourd’hui, plus de vingt nouveaux pays aspirent à rejoindre ce bloc, dans l’objectif d’établir de nouveaux liens avec des institutions économiques mondiales alternatives. Au cours de la présidence sud-africaine des Brics en 2023, l’organisation a connu une première vague d’élargissement avec l’adhésion de cinq nouveaux pays d’Afrique et d’Asie.
La liste pourrait encore s’allonger lors de la réunion de Kazan, en Russie, prévue au mois d’octobre prochain, avec une possible intégration de nouveaux membres, venant potentiellement du Maghreb. L’Algérie est le premier pays maghrébin à avoir formulé une demande explicite d’adhésion aux Brics. Alger avait soumis sa candidature une année avant le sommet de Johannesbourg, soulignant le potentiel économique du pays et les perspectives de partenariat avec les autres pays membres. Si pour l’heure cette candidature n’a pas été retenue par l’organisation, le ministère algérien des Finances a affirmé fin avril que le processus d’adhésion à la Nouvelle Banque de développement des Brics était en « phase finale ».
En 2023, quelques semaines avant le 15e sommet en Afrique du Sud, plusieurs médias marocains avaient aussi évoqué une candidature de Rabat. Information toutefois démentie par la diplomatie du royaume. Les autres pays du bassin maghrébin, la Tunisie et la Libye, n’ont quant à eux pas manifesté clairement une intention d’intégrer le nouveau bloc économique. Les Brics et le Maghreb, une dynamique économique réciproque Situé au nord du continent africain et sur la rive sud de la méditerranée, le Maghreb jouit d’une situation géographique stratégique et de ressources naturelles en abondance, telles que le phosphate, le plomb, le pétrole, le gaz naturel, et la pêche bien sûr. Un potentiel qui n’a pour l’heure pas aidé la région à se relancer économiquement dans le giron mondial. L’économie des pays du Maghreb représentait environ 12,4 % de l’économie des pays arabe et 14,6 % de l’économie du continent africain en 2022, selon les données du Fonds monétaire international.
Pour l’économiste Nazim Sini avec lequel nous nous sommes entretenus le 4 mai, les capacités économiques de la région et sa jonction avec l’Afrique plaident en sa faveur pour une intégration au sein des Brics :
« L’immense potentiel de l’Afrique du Nord en tant que zone régionale au sud de la Méditerranée revêt un aspect hautement stratégique pour les Brics, avec des infrastructures de qualité et une entrée sur l’Afrique subsaharienne ».
estime-t-il.
« Les pays du Maghreb ont pris conscience ces dernières années que leur espace de déploiement naturel était l’Afrique subsaharienne. Cette partie du continent offre un potentiel à l’export très intéressant pour le Maghreb ».
souligne l’expert, rappelant que les échanges et la coopération permettront une pacification de la région.
Dans ce contexte, l’intégration aux Brics d’au moins un des pays de la région renforcerait les échanges avec les puissances fondatrices de ce bloc, dans des secteurs économiques majeurs tels que l’industrie, l’agriculture et les technologies de pointe. Sur le plan financier, l’institution des Brics pourrait ouvrir la voie aux transactions commerciales internationales en monnaies locales, et en conséquence réduire la dépendance à l’égard du dollar, tout en préservant les réserves de change.
Un pays du Maghreb dans les Brics, un atout géopolitique et économique pour la région Les pays membres des Brics regroupent désormais 43 % de la population mondiale, deux États de cette institution, à savoir la Russie et la Chine, sont membres du Conseil de sécurité de l’Onu et disposent du droit de veto, ce qui explique entre autres la volonté de plusieurs pays dans le monde de vouloir rejoindre les Brics afin de renforcer leur poids régional et international, et trouver une alternative aux organisations mondiales occidentales telles que le G7 et la Banque Mondiale. Une conjoncture qui a incité plusieurs pays du Maghreb à adopter une nouvelle politique économique, incluant l’établissement de nouvelles réglementations pour attirer des capitaux étrangers et la création d’un climat favorable aux investissements, à l’image de l’Algérie qui a révisé sa législation en la matière en 2022 afin d’accroitre la transparence et l’égalité des traitements.