Par Sandra Embollo
«Une telle rhétorique ne convient guère à des chefs d’Etat et est inacceptable pour nous», a déclaré ce 20 octobre Dmitri Peskov en réaction aux propos tenus la veille par le président américain. «Nous n’acceptons pas un tel ton à l’égard de la Fédération de Russie, à l’égard de notre président», a ajouté le porte-parole du Kremlin. «Nous ne pouvons pas et ne laisserons pas les terroristes comme le Hamas et les tyrans comme Poutine gagner.
Je refuse que cela se produise», avait lancé Joe Biden le 19 octobre, lors d’une allocution à la nation. Enjoignant son peuple à soutenir tant Israël que l’Ukraine, le président américain avait présenté son homologue russe et le mouvement islamiste gazaoui comme voulant «tous deux annihiler une démocratie voisine». Depuis le bureau ovale, Joe Biden a de surcroît présenté la fourniture d’armement de l’Ukraine comme «un investissement intelligent qui va rapporter des dividendes pour la sécurité américaine pendant des générations». «Cela nous aidera à garder les troupes américaines hors de danger», a-t-il poursuivi. «C’est au-delà du bien et du mal» Un cynisme qui a fait grincer des dents de l’autre côté du globe. «Les guerres ont traditionnellement été un “investissement intelligent” pour les États-Unis, puisqu’elles n’ont pas eu lieu sur le territoire américain et qu’ils ne se souciaient pas du coût pour les autres», a réagi dans la foulée la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova. «Le monde a été trompé sous le couvert de valeurs qui n’existent pas pour Washington», a-t-elle encore estimé. «Il n’y a pas de mots ici. C’est au-delà du bien et du mal», a également réagi sur Telegram le vice-président du Conseil de sécurité de Russie, Dmitri Medvedev. «Le monde, dirigé par les Etats-Unis, continue de glisser dans le gouffre le plus profond», a-t-il ajouté. «Les bombes à fragmentation, les mines, les charges creuses et les armes incendiaires et thermobariques se transformeront en charges nucléaires…», a mis en garde l’ancien président russe.
Pour sa part, Volodymyr Zelensky a salué sur X (anciennement Twitter) le «discours puissant» de son homologue américain. «L’investissement de l’Amérique dans la défense de l’Ukraine garantira la sécurité de l’Europe et du monde sur le long terme», a-t-il conclu. Le 10 octobre, le président ukrainien avait craint que l’attention internationale ne se détourne de l’Ukraine. «Et cela aura des conséquences», avait-il ajouté. Quelques jours plus tard, Washington semble, en façade, vouloir soutenir ses deux alliés à égalité.
Obus d’artillerie : les stocks américains sous pression
L’allocution de Joe Biden, qui a annoncé qu’il adresserait ce 20 octobre «une demande urgente» au Congrès des Etats-Unis pour une aide militaire à Israël et à l’Ukraine, survient alors que des doutes émergent sur la capacité de Washington à soutenir simultanément deux alliés. Depuis le 7 octobre, et l’attaque meurtrière du Hamas, Israël a entrepris une campagne de frappes gourmande en munitions.
Or, les Etats-Unis ont puisé durant l’hiver 2023, selon le New York Times, dans des réserves initialement entreposées sur le sol de l’Etat hébreu afin d’approvisionner l’Ukraine en munitions d’artillerie. Dix mois plus tard, la citation semble s’inverser : selon le site Axios, citant plusieurs responsables israéliens, le Pentagone va «dans les semaines à venir» envoyer en Israël «des dizaines de milliers d’obus» d’artillerie initialement destinés aux forces de Kiev afin de réapprovisionner ses stocks. «Nous sommes convaincus que nous pouvons continuer à soutenir à la fois l’Ukraine et Israël, quant à leurs besoins défensifs», s’est contenté de répondre à la presse le porte-parole du Pentagone, le général de brigade Patrick Ryder, interrogé le 19 octobre sur cette livraison. Le même jour, citant trois sources «familières avec l’effort», le site Politico relatait qu’«une équipe nouvellement formée au Pentagone» avait été chargée «d’éplucher les stocks américains, à la recherche de munitions pour réapprovisionner Israël alors qu’il tire des munitions à un rythme effréné».