Par Sandra Embollo
Les manoeuvres organisées par Pékin durant trois journées :
« servent de sérieux avertissements contre la collusion entre les forces séparatistes recherchant “l’indépendance de Taïwan” et les forces extérieures, ainsi que leurs activités provocatrices ».
a averti dans un communiqué un porte-parole de l’armée chinoise, Shi Yi.
Il s’agirait, selon un média d’État chinois, d’exercices « d’encerclement total ». Neuf navires de guerre et 71 avions de chasse chinois ont ainsi été détectés samedi par le ministère taïwanais de la Défense autour de l’île, au premier jour d’exercices militaires de Pékin dans le détroit de Taïwan. Vingt-neuf avions ont dépassé la ligne médiane qui sépare la Chine de Taïwan, a précisé le ministère, dénonçant des « actions irrationnelles ».
« Ces dernières années, nous avons été confrontés à un expansionnisme autoritaire continu », a relevé la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen.
Ajoutant que l’île :
« continuerait à travailler avec les États-Unis et d’autres pays (…) pour défendre les valeurs de liberté et de démocratie ».
« Une véritable démonstration de force ».
estime Jean Vincent Brisset, chercheur associé à l’Iris.
Outre les différents déploiements d’unités, des exercices à tirs réels se tiendront lundi dans le détroit de Taïwan à proximité des côtes du Fujian (est), la province qui fait face à l’île, ont par ailleurs indiqué les autorités maritimes locales. En réponse, Taipei a estimé que ces manœuvres menacent la « stabilité et la sécurité » dans la région Asie-Pacifique.
Ces annonces font suite à la visite cette semaine de la présidente Tsai Ing-wen aux États-Unis, où elle a rencontré, mercredi 5 avril, Kevin McCarthy, le président de la Chambre des représentants. À ce moment, Pékin avait, dans la foulée, promis en représailles des « mesures fermes et énergiques ». Car la Chine voit avec mécontentement le rapprochement à l’oeuvre ces dernières années entre les autorités taïwanaises et les États-Unis, qui malgré l’absence de relations officielles fournissent à l’île un soutien militaire substantiel.
La présidente Tsai Ing Wen a aussi rencontré ce samedi le président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, Michael McCaul, député Républicain du Texas, en visite sur l’île à la tête d’une délégation bipartisane. Le député a déclaré que les États-Unis ne se laisseraient pas intimider par la Chine et que Washington était prêt à livrer toutes les armes nécessaires à Taipei. Et si les livraisons devaient tarder en raison du conflit ukrainien, Washington autoriserait d’autres pays à exporter des armes à leur allié. En plus des Occidentaux, il y aurait « éventuellement, l’Australie, le Japon et la Corée du Sud » mais à l’heure actuelle, ces pays « n’envisagent pas, pas pour des raisons politiques mais par craintes de représailles, de fournir des armes à Taïwan », explique Jean Vincent Brisset, chercheur associé à l’Iris.
La Chine considère Taïwan (23 millions d’habitants) comme l’une de ses provinces, qu’elle n’a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949. Les États-Unis ont reconnu la République populaire de Chine en 1979 et ne doivent en théorie avoir aucun contact officiel avec la République de Chine (Taïwan), en vertu du « principe d’une seule Chine » défendu par Pékin.
Depuis le 6 avril, Pékin accentue la pression militaire sur Taïwan avec l’envoi de navires de guerre et d’aéronefs dans le détroit. La localisation exacte des nouvelles manoeuvres n’est pas précisée, hormis les exercices à tirs réels du 10 avril, qui auront lieu autour de Pingtan, le point de Chine continentale le plus proche de Taïwan. La partie la plus étroite du détroit entre les côtes chinoises et l’île fait environ 130 kilomètres de large. Depuis plusieurs jours, la Chine a aussi renforcé la présence de ses garde-côtes dans le détroit pour des patrouilles exceptionnelles.
En août, Pékin avait lancé des manoeuvres militaires sans précédent autour de Taïwan lorsque la démocrate Nancy Pelosi, qui a précédé M. McCarthy au perchoir, s’était rendue sur l’île. La réponse – à ce stade – à la rencontre avec le numéro trois américain n’a rien de comparable avec l’été 2022.
Ces manoeuvres militaires interviennent au lendemain d’une visite d’État en Chine d’Emmanuel Macron, au cours de laquelle la question de Taïwan a été évoquée avec le président chinois Xi Jinping. « La conversation a été dense et franche » à ce sujet, a indiqué vendredi l’Élysée. « Quiconque pense que la Chine va faire des compromis sur Taïwan se berce d’illusions », a de son côté assuré jeudi Xi Jinping à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, lors d’une rencontre à Pékin, selon des propos rapportés par la diplomatie chinoise.