Par Julie Peh
Un journaliste togolais a été écroué jeudi 28 mars dans la soirée. Il est visé par « sept chefs d’inculpation », a indiqué à l’Afp Me Darius Kokou Atsoo, son avocat. Apollinaire Mewenemesse, 71 ans, directeur de la publication du journal La Dépêche, était gardé à vue à la Brigade de recherches et d’investigations (Bri) à Lomé depuis le 26 mars, à la suite de son audition, qui portait sur un article publié le 28 février.
« Le journaliste a été placé sous mandat de dépôt par le doyen des juges d’instruction. Il est allé en prison ce soir », a déclaré son avocat. Il est poursuivi pour, notamment, « conception et publication de nouvelles fausses aux fins d’inciter la population ou l’armée à se soulever contre l’État », « apologie [sic] contre la défense nationale et la sécurité de l’État », « publication par voie de presse écrite d’un écrit ayant porté atteinte à l’honneur, à la dignité et à la considération du président de la République »,
A précisé Me Atsoo.
Le 25 mars, le Parlement togolais a adopté une nouvelle Constitution, qui fait passer le pays d’un régime présidentiel à un régime parlementaire. L’opposition togolaise dénonce « un coup d’État constitutionnel » avant les élections législatives et régionales du 20 avril.
« L’emprisonnement du journaliste Apollinaire Mewenemesse montre à quel point l’étau se resserre autour des médias et de leurs acteurs à l’approche des élections législatives. Les charges [retenues] contre lui et la durée de la suspension de son journal sont disproportionnées », a déclaré à l’Afp Sadibou Marong, directeur du Bureau Afrique subsaharienne de Reporters sans frontières (Rsf), qui réclame la libération du journaliste « sans délai ».
Après la publication de l’article intitulé « L’assassinat crapuleux du colonel Madjoulba, et si le général Félix Kadangha Abalo était le capitaine Dreyfus du Togo ? », le journal La Dépêche avait été suspendu, le 4 mars, pour une durée de trois mois, par la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac) pour « incitation à la haine tribale », « appel à l’affrontement ethnique entre officiers dans l’armée » et « incitation à la révolte populaire ».
Le colonel Bitala Madjoulba, commandant du 1er Bataillon d’intervention rapide (Bir), avait été retrouvé mort dans son bureau, le 4 mai 2020, au lendemain de l’investiture du président, Faure Essozimna Gnassingbé. L’autopsie avait révélé une blessure par balle.
Ce militaire à la prestigieuse carrière faisait partie du cercle restreint du chef de l’État. Sa mort avait fait grand bruit dans le pays et, en novembre 2023, cinq militaires, dont un général, ont été condamnés à des peines allant de 5 à 20 ans de prison. Ce même mois de novembre, deux journalistes togolais ont été écroués pendant dix-huit jours pour « diffamation » à l’égard de Kodjo Adedze, le ministre de l’Urbanisme. En mars 2023, deux autres journalistes avaient été condamnés par contumace à trois années de prison pour « outrage à l’autorité » et « propagation de propos mensongers sur les réseaux sociaux » à la suite des plaintes de deux ministres, dont celle de Kodjo Adedze.
Avec AFP