Par Arlette Akoumou Nga
Dans le quartier de Lafayette à Tunis, en face de la Grande synagogue, le Ben’s Hajem attire les clients avec ses grandes portes vitrées et une décoration branchée. Emine Ben Othman et Fatma Toumi, les deux fondateurs, ont voulu rajeunir le quartier en créant une communauté avec un café en premier lieu en 2015, Ben’s Coffee, puis ce salon de coiffure l’année dernière.
« Le café se situe vraiment à côté du Ben’s Hajem », « C’est une expérience que les clients vivent entre le café et le Hajem à la fois » affirment Fatma et Emine. « J’avoue que ça aurait pu être compliqué et difficile pour nous, explique ce dernier, parce qu’à l’époque où on s’est installés à Tunis et au centre-ville, il n’y avait pas beaucoup de concepts, la fréquentation était très minime, et on faisait tout passer à travers les réseaux sociaux. »
Le bouche-à-oreille fonctionne
Le bouche-à-oreille a fonctionné : étudiants, artistes, entrepreneurs défilent au café, et dans le salon les habitants du quartier s’y joignent. Un pari risqué puisque le Ben’s Hajem est mixte, une rareté dans les rues du centre-ville où les salons de coiffure sont habituellement genrés. « J’avoue que c’était un challenge pour nous, explique Fatma, dans le sens où on ne savait pas si les gens allaient accepter l’idée de se retrouver tous ensemble mélangés. Mais ils ont accepté la chose, ils n’ont pas trouvé de problème, au contraire ! »
En plus de cette mixité assumée, le salon est aussi ouvert aux membres de la communauté Lgbt, souvent discriminés en Tunisie, où l’homosexualité est punie par la loi. « On était le premier café à recevoir la communauté Lgbt en Tunisie et au centre-ville, poursuit Amine. Ce qui fait que pour le Hajem, ça ne peut que leur faire plaisir d’avoir un lieu où ils savent qu’ils peuvent être bien accueillis », « et où ils se trouvent à l’aise aussi », complète Fatma.
Parmi les clients, Farouk, 30 ans, avait l’habitude avant d’aller chez un barbier réservé aux hommes : « C’est sympa, on peut même venir en couple avec sa copine, j’aime bien le côté nouveau et original ! » Islem, 28 ans, coiffeuse dans le centre, a pris soin d’expliquer aux clients ce nouveau concept : « C’est normal, en général quand le salon est rempli de femmes, parfois un homme pousse la porte et demande un peu timidement si c’est vraiment mixte, on lui dit qu’il est le bienvenu et c’est bon ! ».
Une manière de changer les mentalités petit à petit.