Par Sandra Embollo
«Un avenir profitable au pays et à la démocratie turque. » C’est ce qu’a sobrement dit souhaiter le président sortant turc, Recep Tayyip Erdogan, après avoir voté dimanche en fin de matinée lors d’un scrutin présidentiel et législatif très serré.
La démocratie turque, précisément, va connaître un test inédit avec l’organisation, le 28 mai, d’un second tour à la présidentielle. En effet, si le chef de l’Etat a failli être élu, à rebours des pronostics, dès le premier tour il lui a manqué 0,7 % des suffrages pour cela. Le décompte par la Commission électorale de la quasi-totalité des bulletins, ce lundi matin, lui attribuait 49,4 % des voix, quatre points d’avance sur Kemal Kiliçdaroglu, le candidat social-démocrate d’une opposition exceptionnellement unie.
Dans la nuit, le président Recep Tayyip Erdogan avait affirmé être « clairement en tête », tout en se disant prêt à « respecter » un second tour. Beaucoup de commentateurs pariaient pourtant sur la défaite dès le premier tour du président sortant, qui aurait sonné comme un coup de tonnerre, à la fois en raison du rôle central qu’il joue dans son pays et toute la région, et du fait qu’il s’agirait d’une première après vingt ans de pouvoir et dix scrutins et consultations d’affilée remportés. Erdogan et son parti islamo-conservateur AKP ont souvent été donné battus par les sondages lors de scrutins précédents avant de l’emporter, parfois de justesse, le seul revers ayant été les municipales à Ankara et Istanbul.
Un besoin de changement mitigé
Dans la nuit de dimanche à ce lundi, Kemal Kiliçdaroglu a promis la victoire de son camp « au second tour » du scrutin. « Si notre nation demande un second tour, nous l’acceptons volontiers. Et nous allons absolument gagner ce second tour », a-t-il lancé depuis Ankara, entouré des représentants des six partis de sa coalition. « Le besoin de changement dans la société est supérieur (au chiffre de) 50 % ; nous devons absolument gagner et installer la démocratie dans ce pays », a-t-il estimé, sans toutefois évoquer les élections législatives qui se déroulaient simultanément. Et pour cause puisque, là encore, la coalition de l’opposition est en difficulté. Les pointages, ce lundi matin, indiquaient une courte majorité pour l’AKP avec son allié nationaliste du MHP.
« La démocratie nous a manqué », a déclaré de son côté Kemal Kiliçdaroglu après avoir voté, tout sourire. « Vous verrez, le printemps va revenir dans ce pays, si Dieu le veut, et il durera pour toujours », a-t-il ajouté en reprenant un de ses slogans de campagne. Il espère être porté aussi par l’échec présidentiel sur le front de l’inflation, qui dépasse encore les 45 %, et l’autoritarisme croissant du président sortant.