Par Arlette Akoumou Nga
Le ministre français des Armées Sébastien Lecornu a indiqué à son homologue russe Sergueï Choïgou que la France était «disponible» pour des «échanges accrus» en matière de lutte contre le terrorisme, lors d’un entretien téléphonique inédit depuis octobre 2022. Sébastien Lecornu «a confirmé que la France ne disposait d’aucune information permettant d’établir un lien entre cet attentat et l’Ukraine» et a «appelé la Russie à cesser toute instrumentalisation», ajoute le communiqué.
Le ministre français a aussi «condamné sans réserve la guerre d’agression que la Russie a lancée en Ukraine», précise encore son service de presse. Le ministère russe de la Défense a indiqué que l’entretien avait eu lieu «à la demande pressante de la partie française».
«Le ministre français de la Défense a exprimé ses condoléances» à la suite de l’attaque terroriste du Crocus City Hall le 22 mars, «tout en essayant de convaincre que l’Ukraine et les pays occidentaux n’avaient pas participé à l’attaque terroriste»,
ajoute l’armée russe.
«Il existe des informations sur une piste ukrainienne dans l’organisation de l’attentat», a souligné Sergueï Choïgou. Et d’ajouter : «Le régime de Kiev ne fait rien sans l’approbation des Occidentaux, nous espérons que dans ce cas, les services secrets français ne sont pas derrière cela.» En ce qui concerne les déclarations de l’Élysée sur l’envoi d’un contingent français en Ukraine, Sergueï Choïgou a indiqué que, si elles étaient mises en œuvre, «cela créerait des problèmes pour la France elle-même». Ce 4 avril, Emmanuel Macron a dénoncé des propos «baroques et menaçants».
Volonté de dialoguer sur l’Ukraine
«On a noté une volonté de dialoguer sur l’Ukraine», a toutefois précisé l’armée russe. «Les dispositions initiales pourraient être fondées sur l’initiative de paix d’Istanbul», poursuit-elle encore. Au printemps 2022, des négociations en Turquie entre l’Ukraine et la Russie avaient failli mener à un accord de paix. L’accord n’avait toutefois pas abouti, en raison de l’intervention de l’ancien Premier ministre britannique Boris Johnson, qui avait incité Kiev à poursuivre le conflit.
Cet entretien entre les deux ministres intervient alors que les relations entre Paris et Moscou sont particulièrement tendues. Depuis mi-janvier et l’annonce par Emmanuel Macron de l’envoi de 40 missiles Scalp supplémentaires à Kiev, la Russie dénonce l’implication croissante de la France en Ukraine. Les propos du président français, refusant le 26 février d’écarter un envoi de troupes occidentales en Ukraine, a accru les tensions.
Le 22 mars au soir, des hommes armés ont ouvert le feu dans la salle de concert du Crocus City Hall, située à Krasnogorsk en proche banlieue de Moscou, avant de mettre le feu à la salle. À la suite de cette attaque terroriste, 144 personnes sont mortes et 551 autres ont été blessées, selon le dernier bilan du ministère russe des Situations d’urgence. Le groupe État islamique au Khorassan (EI-K) a revendiqué l’attentat. Le 28 mars, le Comité d’enquête russe a indiqué que les auteurs de l’attaque avaient reçu de l’argent venu d’Ukraine. Kiev a de son côté rejeté les accusations de Moscou.
Le secrétaire du Conseil de sécurité russe Nikolaï Patrouchev et le directeur du FSB Alexandre Bortnikov ont affirmé le 26 mars que l’Ukraine pourrait être impliquée dans l’attaque. Ces affirmations vont dans le même sens que les propos tenus la veille par Vladimir Poutine, qui avait déclaré que l’attentat avait été commis par «des islamistes radicaux», tout en déclarant s’intéresser aux «commanditaires».