Par Sandra Embollo
Le 11 février 2013 aurait dû être un jour comme un autre dans le plus petit pays du monde. Mais à l’issue d’un Consistoire ordinaire, pour la création de nouveaux saints, Benoît XVI avait finalement repris la parole pour faire une déclaration inédite, qui allait surprendre le Vatican comme le monde catholique. C’est en latin, et devant des cardinaux qui n’étaient pas tous au courant de cette décision, que le pape a annoncé sa renonciation au pontificat.
Ça a été un jour de tristesse
Joseph Ratzinger, à propos de sa démission
“Je vous ai convoqués à ce Consistoire non seulement pour les trois canonisations, mais également pour vous communiquer une décision de grande importance pour la vie de l’Église”, commence-t-il alors, justifiant cette décision pour des raisons de santé. “Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien.”
À l’approche de ses 86 ans, Joseph Ratzinger devient alors le premier pape à prendre cette décision en plus de six siècles. À l’issue de ce discours, c’est lui-même qui fixe la date de la fin de son mandat de huit ans à la tête de l’Église.
“À partir du 28 février 2013 à vingt heures, le Siège de Rome, le Siège de saint Pierre, sera vacant et le conclave pour l’élection du nouveau Souverain Pontife devra être convoqué par ceux à qui il appartient de le faire”
annonce-t-il dans sa déclaration celui qui a assisté à la longue agonie de Jean-Paul-II.
C’est effectivement à cette date que Benoit XVI se retire de sa fonction pour devenir pape “émérite”. “C’est une décision que l’on ne prend pas aisément et que l’on est bien obligé de tourner et retourner dans sa tête. D’un autre côté, c’était pour moi d’une telle évidence que la lutte intérieure n’a pas été très âpre”, avait-il confié en 2016 au journaliste allemand Peter Seewald en revenant sur cet événement dans le livre-entretien, “Dernières conversations”. “Chez moi, bien sûr, ça a été un jour de tristesse”.
Depuis sa démission, ce brillant professeur de théologie allemand vivait discrètement, retiré dans un monastère au Vatican. En fauteuil roulant, s’exprimant difficilement, mais toujours lucide selon son entourage, l’ancien souverain pontife continuait de recevoir des visites, alimentant malgré lui la saga des “deux papes”. Il s’est finalement éteint plus de neuf ans après cette renonciation, à l’âge de 95 ans. Sa décision pourrait avoir créé un précédant, alors que l’actuel pape François a révélé avoir signé, il y a près de dix ans, une lettre de démission pour le cas où des problèmes de santé l’empêcheraient de remplir ses fonctions. “Pour moi, il y a véritablement un avant et un après Benoît XVI, expliquait l’historien spécialiste du catholicisme et de la papauté Philippe Levillain dans La Vie. Dorénavant, le pape pourra quitter sa charge quand il se sentira écrasé par le rythme de la modernité”.