Par Sandra Embollo
Les deux camps se disent persuadés de remporter le scrutin. D’un côté, le président Nicolas Maduro, 61 ans, qui s’est fait surnommer « coq de combat » depuis le début de la campagne électorale, assure que le pays est derrière lui. De l’autre, Edmond Gonzalez Urrutia, 74 ans, qui a remplacé au pied levé la charismatique cheffe de l’opposition Maria Corina Machado, déclarée inéligible, s’appuie sur des sondages dont la plupart lui donnent plus de 20 points d’avance.
Parlant d’« un blocage de l’espace aérien vénézuélien », le président panaméen José Raul Mulino a accusé Caracas d’avoir empêché le décollage d’un vol commercial depuis l’aéroport de Tocumen, au Panama, vers la capitale vénézuélienne qui comptait parmi ses passagers plusieurs ex-présidents latino-américains. Ce groupe comprenait le Panaméen Mireya Moscoso, le Costaricain Miguel Angel Rodriguez, le Bolivien Jorge Quiroga et le Méxicain Vicente Fox, tous membres de l’Initiative démocratique de l’Espagne et des Amériques (groupe IDEA) et fervents critiques du gouvernement Maduro.
« Mauvais signe pour dimanche, a réagi Vicente Fox dans une interview à l’émission mexicaine Grupo Formula. Ils nous ont fait descendre de l’avion en usant du chantage, en exerçant des pressions depuis le Venezuela ». Mercredi 24 juillet, Diosdado Cabello, le puissant ancien vice-président – souvent considéré comme le numéro deux du pouvoir vénézuélien, même s’il n’apparait plus dans l’exécutif – avait déjà laissé entrevoir l’interdiction de séjour des anciens chefs d’État.
Même son de cloche pour 10 députés et eurodéputés du Parti populaire (PP) espagnol, ainsi qu’un député colombien et un autre équatorien. Ils ont eux dénoncé le fait de s’être fait refuser l’entrée au Venezuela à leur arrivée à l’aéroport de Maiquetia, près de Caracas. « Nous sommes en train d’être expulsés (…). Malheureusement, la police de Maduro est impitoyable », a déclaré Miguel Tellado du PP sur le réseau social X. Le gouvernement chilien a adressé vendredi 26 juillet au soir une lettre de protestation à Caracas, qu’il accuse de faits similaires envers deux sénateurs conservateurs.
L’inquiétude après les mises en garde de Maduro face à une victoire de l’opposition
Ces incidents ajoutent aux inquiétudes suscitées dans la région par les mises en garde de Nicolas Maduro contre un possible « bain de sang » en cas de victoire de l’opposition. Les présidents du Brésil Luiz Inacio Lula da Silva et du Chili Gabriel Boric, tous deux de gauche, ont exprimé leurs inquiétudes. « Maduro doit apprendre : quand on gagne, on reste. Quand on perd, on s’en va », a notamment déclaré Lula. La figure historique de la gauche latino-américaine a ainsi affiché pour la première fois un changement de position par rapport au président vénézuélien : il était jusqu’ici son grand allié régional.
Le porte-parole de la Maison Blanche pour la sécurité intérieure, John Kirby, a lui estimé que « la répression politique et la violence sont inacceptables ». Le président équatorien Daniel Noboa a lancé un « appel urgent à cesser toutes les formes de harcèlement et de persécution contre l’opposition politique et le processus électoral lui-même ».
Les États-Unis, l’Union européenne et une grande partie de la communauté internationale n’avaient pas reconnu la réélection de Nicolas Maduro en 2018 lors d’un scrutin boycotté par l’opposition et, selon elle, entaché de fraudes. L’opposition dénonce depuis des semaines une « persécution politique » du pouvoir avec des arrestations ainsi que les fermetures administratives et amendes infligées aux commerçants, hôtels ou restaurants qui travaillent avec l’opposition. Le gouvernement vénézuélien accuse lui régulièrement l’opposition de fomenter des complots contre le président Nicolas Maduro.
Les électeurs se rendront ce dimanche 28 juillet aux urnes pour élire leur nouveau président. Ils devront choisir entre l’actuel président Nicolas Maduro et Edmundo Gonzalez Urrutia, candidat de l’opposition désigné après que Maria Corina Machado, la tête de file de l’opposition, ait été rendue inéligible. Cela n’a pas empêché cette dernière de prendre la tête de la campagne contre Nicolas Maduro. Et si elle ne peut pas être élue présidente, elle incarne pour des millions de Vénézuéliens le visage de l’opposition face au président,
La « libertadora », la libératrice en français, c’est le surnom donné à Maria Corina Machado. Un surnom qui est à la hauteur de l’espoir qu’elle suscite chez des millions de Vénézuéliens, excédés par Nicolas Maduro, au pouvoir depuis plus de dix ans.
Ingénieure de profession, mais engagée en politique depuis plus de vingt ans, dans les rangs des conservateurs, elle remporte largement les primaires de l’opposition en octobre dernier, avec 90% des voix et devient logiquement leur tête de file. Mais en janvier, le couperet tombe et Maria Corina Machado est déclarée inéligible pour les quinze prochaines années. Une décision appuyée par la Cour Suprême du Venezuela, que l’opposante accuse d’être à la botte du président.
Remplacée au pied levé par un nouveau candidat, le presque inconnu Edmundo Gonzalez Urrutia, elle continue malgré tout à sillonner le pays pendant toute la campagne, et met l’admiration de ses soutiens au service de son remplaçant. Interrogée sur le rôle qu’elle pourrait jouer en cas d’une victoire de son camp, Maria Corina Machado botte en touche, « ce sera, dit-elle, au futur président d’en décider ».