Par Joël Onana
En caravane de motos et de piétons, les quartiers populaires de Caracas ont marché jusqu’au centre de la ville dans laquelle se trouve le palais de Miraflores, le siège du gouvernement. Des milliers de personnes, dont beaucoup de jeunes, sont sorties spontanément de chez elles pour exprimer leur frustration et leur colère face à ces résultats.
À Caracas, la manifestation a pris peu à peu de l’ampleur, les habitants descendant dans la rue rejoindre les manifestants en les voyant de leur fenêtre. Des milliers de Vénézuéliens, casseroles en main, ont exigé que le président rende le pouvoir. Ce ras-le-bol général du système chaviste en place dans le pays depuis 25 ans est résumé en une scène symbolique : les statues d’Hugo Chavez déboulonnées et mises à terre.
Les forces de l’ordre, elles-mêmes visées par des lancers de pierres, ont répondu à coup de gaz lacrymogènes. Des affrontements ont éclaté avec les forces de l’ordre et avec des milices paramilitaires au service du gouvernement à mesure que la caravane avançait dans le centre de la capitale et des coups de feu ont été tirés.
Ailleurs dans le pays, des manifestations spontanées ont aussi éclaté et plusieurs personne sont décédées. Les heurts ont fait trois morts et 44 blessés, selon l’Ong de surveillance des hôpitaux Encuesta nacional de hospitales, portant à quatre au total le nombre de décès. « Nous avons enregistré 44 blessés et 3 décès », a écrit l’Ong sur X, recensant deux morts dans l’État d’Aragua, à Maracay (100 km ouest de Caracas), et un dans la capitale. Lundi soir, l’Ong Foro penal avait recensé un mort dans l’État de Yaracuy (nord-ouest). La colère dans les rues pour que Maduro « rende le pouvoir »
« Je suis surtout très déçue, nous avions l’espoir de sortir de tout ça, explique Edimar Moncadaqui, qui a rejoint le cortège dans les rues de Caracas. En cas de victoire d’Edmundo, le Venezuela n’aurait pas été remis sur pied, du jour au lendemain. Mais il y aurait eu un petit espoir de changement. Mais là, les gens ont enfin ouvert les yeux. On espère pouvoir mettre fin à tout cela aujourd’hui, ou demain, mais il faut y arriver cette semaine. Nous voulons que Maduro quitte le pouvoir cette semaine. »
« Qu’il rende le pouvoir maintenant », c’est ce qu’ont scandé des milliers de manifestants dans plusieurs quartiers pauvres de Caracas. Les manifestants, qui ont lancé des pierres, ont été dispersés par des tirs de grenades lacrymogènes alors qu’ils se rapprochaient du centre de la capitale. Dans d’autres villes du pays, des affrontements avec les forces de l’ordre ont également eu lieu. Certains manifestants brûlant des affiches à l’effigie du président ou des panneaux publicitaires.
Cette colère pourrait être un tournant dans la vie politique vénézuélienne, car c’est la première fois que les quartiers populaires se retournent contre Nicolas Maduro qu’ils accusent de fraude électorale. Juan Pavlo Diaz, originaire de « Petare, ce qu’on a l’habitude d’appeler le quartier, la zone », en est l’exemple et fait remarquer cette différence par rapport aux manifestations de 2017. L’opposition n’a pas revendiqué ces manifestations. La tête de file Maria Corina Machado a préféré appelé à des assemblées populaires.
Je viens de Petare, ce qu’on a l’habitude d’appeler le quartier, la zone. Et on ne peut pas comparer ce qu’il se passe aujourd’hui avec les manifestations de 2017, c’était les fils à papa qui étaient sur les barricades, non là c’est le quartier qui est descendu. Je suis déçu et fatigué, j’ai deux enfants qui méritent un meilleur futur, qui méritent de vivre heureux dans un pays libre. Arrêtons cette folie ! Nous venons de vivre le plus grand vol de l’histoire du Venezuela, ils nous ont pris notre liberté et notre démocratie en nous volant nos votes. Pour les électeurs de Nicolas Maduro, aucun doute que « la stabilité et la paix » ont gagné et sans fraude
Si l’opposition estime cette victoire impossible et réclame à l’unisson avec une large partie de la communauté internationale la vérification des résultats, pour les électeurs de Nicolas Maduro, il ne fait pas de doute que leur candidat a gagné à la loyale.
Comme beaucoup d’électeurs de Nicolas Maduro, Manuel, habitant de Maracaibo, a voté pour le candidat de la « stabilité » : « Personnellement, je suis content, car selon les résultats officiels, c’est le candidat de la paix qui a gagné. C’est pour ça que j’ai voté : pour la stabilité. Pour éviter le changement politique qui risque d’amener de la violence et pour la souveraineté de notre pays. »
Dans le camp maduriste, on rappelle volontiers que la figure de l’opposition Maria Corina Machado appelait par le passé à l’intervention militaire étrangère.
L’ex-député chaviste Calixto Ortega rejette dans le même temps les accusations de fraudes imputées au parti présidentiel : « Ceux-là mêmes qui, contre la majorité, réclamaient des sanctions contre le Venezuela, et même une invasion militaire, sont aujourd’hui en train de crier à la fraude. C’était prévisible. Mais le processus électoral vénézuélien est absolument vérifiable. Il y a des audits avant, pendant et après le vote. » Calixto Ortega concède qu’il faudra quand même entendre les 4,5 millions d’électeurs qui ont donné leur voix à l’opposition.