Par Arlette Akoumou Nga avec Afp
Manifestations spontanées dans les rues ponctuées d’échauffourées avec les forces de l’ordre, bruits de casseroles depuis les immeubles… Nombre de Vénézuéliens ont exprimé leur mécontentement, lundi 29 juillet, au lendemain de la réélection du président Nicolas Maduro.
“Qu’il rende le pouvoir maintenant”, ont lancé des milliers de manifestants dans plusieurs quartiers pauvres de Caracas, certains brûlant des affiches à l’effigie du président, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse (Afp).
“Le peuple est énervé. C’est la fraude la plus massive au monde”, s’insurge Luis Garcia, 23 ans, dans la foule des protestataires à Pétaré, dans l’est de Caracas, jadis considéré comme le plus grand bidonville d’Amérique latine.
“Pour la liberté de notre pays ! Pour l’avenir de nos enfants, nous voulons la liberté, que Maduro s’en aille !”.
crie Marina Sugey, 42 ans.
Les manifestants se dirigeaient vers le centre-ville quand les forces de l’ordre ont tiré des grenades lacrymogènes. Certains manifestants ont répondu par des jets de pierres. D’autres affrontements se sont produits dans les quartiers populaires de Catya et El valle.
Des fraudes dénoncées
Selon le Conseil national électoral (Cne), Nicolas Maduro a été réélu pour un troisième mandat consécutif avec 51,2 % des voix, contre 44,2 % pour le candidat de l’opposition, Edmundo Gonzalez Urrutia.
L’opposition a aussitôt rejeté ce résultat. Maria Corina Machado, pour qui Edmundo Gonzalez Urrutia a obtenu 70 % des suffrages, a dénoncé “la violation grossière de la volonté populaire”. “Notre combat continue, nous ne nous reposerons pas tant que la volonté du peuple vénézuélien ne sera pas reflétée”, a lancé Edmundo Gonzalez Urrutia, sans appeler à manifester pour le moment. “On est déçus, cela ne reflète pas la réalité, on a voté contre Nicolas”, dit Carolina Rojas, 21 ans, dans le cortège à Petaré.
“On est dehors parce qu’il y a eu des fraudes”, ajoute David, 40 ans, qui n’a pas voulu donner son nom de famille. “Ils appellent l’armée (pour réprimer) mais on doit protester.”
“Je ne veux pas de primes, je ne veux pas de Claps, je veux que Maduro s’en aille”, chantent les manifestants, faisant allusion aux bas salaires et aux aides alimentaires (Clap) distribués par le gouvernement. Le salaire minimum est de 4 dollars mensuels mais le gouvernement a instauré des primes obligatoires d’environ 130 dollars.
Manifestation à domicile par peur des “colectivos”
En centre-ville, dans la matinée, les gens hésitaient à sortir mais manifestaient leur colère depuis les fenêtres en tapant sur des casseroles. Quelques-uns sont néanmoins descendus dans la rue comme cette femme qui raconte, les yeux larmoyants et sous couvert de l’anonymat, sa réaction à l’annonce du Cne. “J’ai ressenti beaucoup d’impuissance, je suis sortie pour crier. Ils ont attendu jusqu’à une heure du matin pour donner de faux résultats”, peste-t-elle. “Maintenant, nous sommes en train de réfléchir : ‘Vais-je partir (émigrer), vais-je rester, le dernier qui reste éteint la lumière ?'”, ironise-t-elle.
Depuis son appartement, un jeune homme interroge : “Où sont les 5 millions (nombre de votes en faveur de Maduro donné par le Cne) de personnes qui fêtent Maduro ?”
Beaucoup préfèrent protester depuis leurs fenêtres ou balcons par peur des “colectivos”, surnom donné aux groupes de militants pro-pouvoir. Organisés en bandes et craints pour leur violence, ils sont accusés de réprimer les manifestations antigouvernementales.