Par Sandra Embollo
Dans un climat politique très tendu, les gouvernements du Brésil et de la Colombie ont appelé jeudi 15 août à une nouvelle présidentielle au Venezuela afin de sortir le pays de la crise née de la réélection contestée fin juillet de Nicolas Maduro, une proposition aussitôt rejetée par ce dernier et par l’opposition, qui revendique la victoire. Si Nicolas Maduro “a du bon sens, il pourrait essayer de lancer un appel au peuple du Venezuela, peut-être même convoquer et programmer” à nouveau une élection, a dit le chef de l’État brésilien Luiz Inacio Lula da Silva à une radio locale.
Son homologue colombien Gustavo Petro a quant lui appelé dans un message posté sur X à une nouvelle élection “libre”. Il a également suggéré parmi une liste de propositions, la “levée de toutes les sanctions économiques” qui frappent le pays.
Une proposition rejetée par l’opposition
Le Conseil national électoral (CNE) a ratifié début août la victoire du président Maduro avec 52 % des voix, sans fournir le décompte exact et les procès-verbaux des bureaux de vote, assurant avoir été victime d’un piratage informatique. Selon l’opposition, qui a rendu publics les procès-verbaux obtenus grâce à ses scrutateurs, son candidat Edmundo Gonzalez Urrutia a remporté le scrutin avec 67 % des voix, un résultat rejeté par Nicolas Maduro. L’annonce de la réélection de ce dernier à un troisième mandat a provoqué des manifestations spontanées, avec un bilan de 25 morts, 192 blessés et 2 400 arrestations, de source officielle.
La cheffe de l’opposition Maria Corina Machado a immédiatement rejeté les appels à une nouvelle présidentielle. “Proposer de ne pas tenir compte de ce qui s’est passé le 28 juillet est pour moi un manque de respect pour les Vénézuéliens (…), la souveraineté populaire se respecte”, a-t-elle dit à des médias chiliens et argentins. L’élection “a eu lieu et la société vénézuélienne s’est exprimée dans des conditions très défavorables. Il y a eu des fraudes et nous avons quand même réussi à gagner”, a-t-elle ajouté.
Même son de cloche du côté d’Edmundo Gonzalez Urrutia qui a réaffirmé sur X avoir remporté “à une écrasante majorité” l’élection. “Nous réitérons notre engagement en faveur de la démocratie, de la paix et du Venezuela”, a-t-il ajouté. Dans la soirée, il a accusé Nicolas Maduro de “jouer avec la vie de millions” de personnes en bloquant une “transition politique”. “Je lance un appel à Nicolas Maduro : respectez la volonté du peuple vénézuélien, vous jouez avec la vie de millions de compatriotes!”, a-t-il lancé dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, lui demandant de “permettre la transition”.
Nicolas Maduro avait pour sa part déjà exclu tout nouveau scrutin, clamant trois jours après sa réélection contestée : “J’ai gagné le jeu de dominos et je demande qu’on recommence ? C’est comme si on jouait aux dominos, que je gagne et que je demande à recommencer, s’il vous plaît ! Non, t’as déjà gagné, prends une bière”, avait-il ironisé pendant une conférence de presse.
Jugeant “très claire” la victoire de l’opposition, la Maison Blanche a rectifié le tir après un apparent soutien de Joe Biden à de nouvelles élections. Le président américain “évoquait la position absurde du (président) Maduro” qui n’est “pas honnête” sur le résultat de la présidentielle, a assuré un porte-parole de la Maison Blanche. Joe Biden avait répondu “je le suis” à la question : “Êtes-vous favorable à de nouvelles élections au Venezuela ?” lors d’un court échange avec la presse. Le président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador a lui évité de “donner son avis” sur la tenue de nouvelles élections, mais a critiqué les États-Unis et le secrétaire d’État Antony Blinken : “Qui est cet homme pour dire qui a gagné et qui a perdu ?”
Une loi sur les Ong, jugée liberticide par l’opposition, adoptée
De son côté, le parlement a voté jeudi la loi réglementant les Ong et les associations, la première d’une série que l’opposition juge liberticide. Parmi les points du texte, l’obligation pour les Ong de notifier ses “financements” et “donateurs, nationaux ou étrangers”, ou l’interdiction de “recevoir des contributions financières destinées à des organisations à but politique”.
Le Haut-Commissaire de l’Onu aux droits humains, Volker Türk, avait appelé Caracas à ne pas “adopter ces lois et toute autre loi qui porte atteinte à l’espace civique et démocratique dans le pays.” La Commission interaméricaine des droits de l’homme (Cidh) avait estimé que la loi restreint “arbitrairement le droit d’association, la liberté d’expression”. Deux autres textes, sur “l’incitation au fascisme et à la haine” et sur une réglementation des réseaux sociaux, doivent être examinés par le parlement monocaméral où le pouvoir dispose de 256 des 277 sièges après le boycott par l’opposition des législatives de 2020.