Par Joseph OLINGA N.
Sous un prisme, c’est l’homme quasi providentiel qui hérite de son prédécesseur, Amadou Ahidjo, des rênes du Cameroun le 6 novembre 1982. De l’autre côté des lunettes, c’est un homme qui, après 42 ans au pouvoir, paraît en déphasage avec ses promesses. Les fruits annoncés ne contentent pas les attentes de ses concitoyens.
Dans le souvenir collectif, il reste des promesses faites par Paul Biya à ses concitoyens. A la question de savoir “Quel est le meilleur souvenir que vous aimeriez qu’on garde de vous?”, Paul Biya, alors fringuant président de la République du Cameroun a répondu qu’il souhaite que l’on se souvienne de lui comme “celui qui a apporté à son pays la prospérité et la démocratie.” L’homme a d’ailleurs indiqué à un diplomate américain accrédité à Yaoundé “Quelle fierté aurais-je si je laisse le Cameroun dans état aujourd’hui ?”
C’est une lapalissade de dire que Paul Biya est conscient de la situation générale du pays qu’il gouverne depuis 42 ans. Mais aussi des promesses non-tenues.
Seulement , à 91 ans, le chef de l’État camerounais a-t-il encore les moyens physiques, matériels et humains de tenir les promesses faites à ses concitoyens ?
Dans les rangs du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) au pouvoir quelques laudateurs soutiennent que “La compétence n’est pas liée à un quelconque quantum de juvenilite.” Il reste néanmoins évident que l’exercice de la fonction présidentielle exige que celui qui l’assume soit physiquement dans sa vigueur. Cette exigence est encore plus forte dans le contexte camerounais actuel.
Autant le rappeler, Paul Biya a 91 ans dont 42 en qualité de président de la République et 20 comme membre du gouvernement, sous le premier président de la République, Ahmadou Ahidjo.
Au plan matériel, il ne fait aucun doute que le Cameroun dispose d’un sol et d’un sous-sol riches. Reste que, au cours des 42 ans de son magistère, le développement technique et technologique sont les réalités les moins probantes. De même que les partenariats annoncés à grand renfort de publicité, eux aussi, tardent à convaincre.
A la vérité, le Cameroun de 1982 n’est pas celui de 2024. Mais le pays, indépendant depuis 1960, ne reflète-t-il les promesses faites par son Président ?
Dans la réalité, l’homme qui a utilisé près de 300 ministres pour une vingtaine de gouvernements, depuis son accession à la magistrature suprême ne fait pas montré d’une pioche enviable. Le chef de l’État camerounais, lui-même, n’a de cesse de dénoncer l’inertie et l’incurie dont ancrés dans le système qu’il incarne.
Rendu à un an de l’élection présidentielle prévue au Cameroun en 2025, le président accorde une oreille réceptive aux appels à la candidature qui se multiplient dans son camp ou lors envisage-t-il l’alternance ? A 91 ans, Paul Biya pense-t-il céder les rênes du pouvoir à travers un schéma démocratique ?
Le sujet de l’alternance, lui, est pourtant à l’ordre du jour puisque inéluctable. Nul doute que l’homme au pouvoir depuis le 6 novembre 1982 le sait. Lui qui a vu le transfert de pouvoir entre André Marie Mbida et Ahidjo puis a vécu celle, autant tumultueuse, entre lui-même et son prédécesseur Ahmadou Ahidjo peut-il promettre à ses concitoyens un passage de témoin apaisé ?
Le président Biya a-t-il conscience que la configuration qu’il laisse entrevoir s’illustre sous trois schémas ?
L’homme qui se rêve en apporteur de prospérité et de démocratie a-t-il conscience que la vacance de pouvoir pourrait être porteuse de troubles? A-t-il conscience que le passage de pouvoir hors des urnes est lui aussi porteur de potentiels troubles animés par nombreux parmi ceux qui lui chantent des louanges en ce moment ? Le chef de file du Rassemblement démocratique du peuple camerounais peut-il réellement entrevoir une transition sereine au sein d’une formation politique où militants, élus désignés et sympathisants se regardent en chien de faillence ?