Par Julie Peh
Depuis neuf ans, aucun président américain n’a foulé le sol africain. Cette absence pourrait être prolongée si Joe Biden n’effectue pas la visite en Angola qu’il a reportée en octobre. Au cours de son mandat, Kamala Harris, en tant que vice-présidente, et Antony Blinken, secrétaire d’Etat, avaient effectué plusieurs visites, comme en janvier 2024 (Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Nigeria et Angola) afin de « mettre l’accent sur le respect de la démocratie », selon Anthony Blinken. « La nature des régimes, qu’ils soient dictatoriaux ou non, comptera beaucoup moins pour Trump que pour ses prédécesseurs, conclut Jeff Hawkins.
Les administrations de Biden et Obama tentaient de parler du respect des droits de l’homme avec les dirigeants africains. Trump ne soutiendra jamais une telle démarche. Dans « Projet 2025 », un document de 900 pages édité par Heritage Foundation et destiné à servir de programme au nouveau président, la seule référence à l’Afrique est la reconnaissance du Somaliland, une République autoproclamée de Somalie.
Donald Trump, réélu pour un deuxième mandat à la Maison Blanche mercredi 6 novembre, n’a jamais montré d’intérêt pour le continent africain. Il ne s’y est jamais rendu au cours de son premier mandat, entre 2017 et 2021, et lors d’une réunion dans le bureau Ovale en janvier 2018, le président américain avait affiché son mépris à l’égard des Etats africains et d’Haïti en les traitant de « pays de merde ».
Sa seule action diplomatique marquante aura été, en décembre 2020, la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en contrepartie de l’ouverture par Rabat de relations diplomatiques avec Israël.
« L’Afrique n’a jamais intéressé Donald Trump et, à ma connaissance, le terme n’a même pas été prononcé pendant sa campagne présidentielle » , souligne Jeff Hawkins, ancien ambassadeur des Etats-Unis en Centrafrique et chercheur au sein de l’Institut de recherches nationales et stratégiques (IRIS).
« La politique intérieure américaine fut le thème majeur, ajoute Mamadou Diouf, historien et professeur à l’université Columbia de New York. L’Afrique ne fait pas vraiment partie de la politique étrangère qui est davantage tournée vers le Moyen-Orient, l’Ukraine ou la relation avec la Chine. »
Donald Trump n’a par ailleurs jamais déployé de politique africaine proprement dite. En 2018, la « stratégie » des Etats-Unis fut présentée par John Bolton, conseiller à la sécurité nationale, lors d’un discours à la Heritage Foundation, un groupe de réflexion conservateur. « Il voyait l’Afrique comme un champ de bataille économique face aux intérêts russes et chinois, mais il n’y avait pas de politique concrète, se souvient Jeff Hawkins.
Le discours était l’Amérique d’abord, avec des menaces à peine voilées contre les pays africains qui ne voteraient pas en faveur des Etats-Unis lors des sommets internationaux. Donald Trump aurait souhaité un désengagement de l’aide américaine, mais la résistance du Congrès a permis de maintenir les principales initiatives et les budgets alloués.
L’agence américaine pour le développement international (Usaid), grâce notamment au Prosper Africa, un plan destiné à promouvoir le commerce et les investissements en Afrique afin de contrer l’expansion économique de la Chine, est restée le premier donateur mondial sur le continent. Jusqu’en 2021, le montant de ses aides s’élevait à environ 7 milliards de dollars par an.
Mais la donne pourrait changer. De l’Egypte à l’Ethiopie, en passant par le Sénégal ou la Côte d’Ivoire, de nombreux présidents africains ont salué « la victoire » du candidat républicain et espéré, comme Bola Tinubu au Nigeria, pouvoir «coopérer davantage sur le plan économique » avec les Etats-Unis. Qu’en sera-t-il réellement ? En plus du Sénat, les républicains pourraient obtenir la majorité absolue à la Chambre des représentants, donnant ainsi aux Maga tous les leviers du pouvoir.
Des milliers d’Africains ont déjà subi le protectionnisme exacerbé de Donald Trump. Pour des « raisons sécuritaires », son administration avait interrompu ou restreint la délivrance de visas pour les ressortissants de Libye, de Somalie ou du Soudan (dès 2017), du Ghana (en 2019), puis du Tchad ou du Nigeria (à partir de 2020). L’arrivée des étudiants d’origine africaine vers les universités américaines avait été quasiment divisée par deux sous l’ère Trump.