Par Adam Newman

Il répète depuis quatre ans que l’élection de 2020 lui “a été volée” et sème déjà le doute sur l’issue de la présidentielle du 5 novembre. Donald Trump, le candidat républicain à la présidentielle de 2024, ne rate pas une occasion de remettre en cause l’intégrité des élections “made in America”.

À quelques heures à peine du scrutin du 5 novembre, il a réaffirmé devant ses supporters qu’il “n’aurait pas dû quitter la Maison Blanche” en 2020, suggérant une fois encore que la victoire de Joe Biden n’était pas légitime. Une énième déclinaison de la théorie du complot “stop the steal”, très populaire auprès de la base électorale trumpiste.

Il a enchaîné, à l’occasion de ce même dernier meeting de campagne en Pennsylvanie, qu’il y avait déjà “de la triche” parmi les dizaines de millions de bulletins de vote qui ont déjà été postés pour cette élection, sans en apporter aucune preuve. “Cela fait partie d’un effort continu de l’équipe de campagne de Donald Trump de semer le doute dans l’esprit de ses partisans avant même l’annonce des résultats”, souligne Dafydd Townley, politologue et spécialiste des questions de sécurité nationale aux États-Unis à l’université de Portsmouth.

“Je porte un gilet pare-balle”

Une manière pour Donald Trump de préparer le terrain afin de pouvoir plus facilement mobiliser ses troupes s’il décidait de contester une éventuelle défaite électorale face à la démocrate Kamala Harris. Au risque de les pousser à des actions violentes ?

“Quand on regarde ce qui s’est produit le 6 janvier 2021 [l’assaut du Capitole par des partisans de Donald Trump, Ndlr], l’inquiétude sécuritaire autour de ces élections n’est pas surprenante”, confirme Dafydd Townley. Une inquiétude qui a poussé les autorités fédérales et au niveau des États à prendre des mesures sans précédent pour assurer la sécurité du scrutin.

“Je porte un gilet pare-balle”, a déclaré Adrian Fontes, le secrétaire d’État (équivalent de vice-gouverneur) de l’Arizona. Cet homme politique démocrate a précisé avoir reçu des menaces et tient à ne prendre aucun risque si des heurts violents venaient à éclater après le dépouillement des bulletins.

En Arizona encore, à Phoenix, le bâtiment où seront conservés les bulletins et où se déroulera le décompte des votes est “gardé comme une véritable forteresse”, a constaté le Washington Post. Les forces de l’ordre ont même prévu de surveiller à l’aide de drones les abords de l’immeuble pour pouvoir réagir au plus vite.

Dans cet État du Sud, considéré comme l’un des plus importants pour l’issue de la présidentielle, une attention toute particulière est portée à la sécurité du vote dans le comté de Maricopa, considéré “comme l’un des principaux foyers pour la théorie du complot selon laquelle la victoire a été volé à Donald Trump en 2020”, assure Kjzz, une radio publique locale basée à Phoenix. C’est aussi le plus important comté, car il héberge plus de 60 % des habitants de l’Arizona.

“Militarisation” du processus électoral

Il y a une véritable “militarisation” du processus électoral dans ce comté, assure le site Wired. Des snipers pourront être déployés sur les toits aux abords de certains bureaux de vote, des barrières anti-émeutes ont été installées et les autorités surveillent les réseaux sociaux 24 heures sur 24. “Nous avons mobilisé environ 200 agents [policiers, pompiers, ambulanciers, Ndlr] alors qu’avant l’élection de 2020, il n’y en avait pas plus de 50 qui étaient de service pour surveiller les élections”, a précisé au Washington Post Russ Skinner, le shérif du comté.

En Pennsylvanie, un autre État-clé dont les résultats seront suivis de près, les autorités ont conseillé aux assesseurs dans les bureaux de vote d’avoir des “boutons d’alerte” à proximité pour pouvoir contacter rapidement les forces de l’ordre en cas de trouble à l’ordre public électoral. Une mesure adoptée également dans d’autres États, précise le Washington Post.

Le Nevada, l’Oregon et l’État de Washington ont mobilisé la Garde nationale – qui dépend directement de l’armée américaine – pour assurer le bon déroulement de l’élection. “Difficile de savoir ce qui relève de la paranoïa à cause de l’atmosphère de tensions extrêmes qui entoure ces élections, et ce qui correspond à des craintes légitimes. Mais je pense qu’il y a effectivement des risques de débordements violents au niveau local”, affirme Dafydd Townley.

“C’est sûr que ça ne donne pas la meilleure image possible pour une démocratie saine”, résume Anurag Mishra, spécialiste de la politique américaine à l’International Team for the Study of Security (Itss) Verona. Mais tous ne misent pas que sur le sécuritaire. Un important volet préventif a également été mis en place par les autorités électorales, qui passe par ce que le Washington Post a appelé “la transparence radicale”.

“Il y a eu une multiplication de mesures pour essayer de renforcer la confiance dans le scrutin et pour essayer de dissiper les doutes qu’a pu avoir une partie des électeurs – surtout pro-Trump – après la présidentielle de 2020”, note Anurag Mishra.

Traceurs Gps sur les urnes

Et les autorités locales n’ont pas fait dans la dentelle. Plusieurs comtés ont prévu de diffuser en ligne le dépouillement des bulletins en direct. Le comté de Pinal, en Arizona, a même installé des traceurs GPS sur les équipements qui transportent les urnes contenant les bulletins de vote. Une mesure qui peut sembler extrême, mais en 2020, des partisans de Donald Trump avaient argué qu’un bus rempli de machines à voter provenant de circonscriptions traditionnellement favorables aux républicains avait été abandonné dans un lieu isolé.

Les autorités du comté de Maricopa ont aussi organisé des visites guidées de plus de deux heures pour les électeurs locaux afin de leur expliquer précisément comment se déroule le vote et le dépouillement.

Dans le comté de Pinal, un nouveau centre des élections contenant une salle permettant d’avoir une vue à 360° de l’ensemble des opérations de décompte des votes a été inaugurée après les élections de mi-mandat de 2022. Un effort de transparence – littéralement – qui a coûté près de 30 millions de dollars (27,6 millions d’euros).

C’est beaucoup d’argent pour essayer de redonner confiance aux sceptiques, essentiellement dans le camps pro-Trump. Mais est-il seulement possible de les convaincre ? “C’est sûr que la plupart d’entre eux n’écouteront que ce que leur dit Donald Trump”, affirme Dafydd Townley.

Mais tous ces efforts “ont aussi pour objectifs de pouvoir rapidement dégainer des preuves si des procédures sont engagées pour contester les résultats d’un vote”, assure Anurag Mishra. Ces mesures, largement médiatisées, permettent aussi “de faire en sorte que le monde entier a l’impression que les États-Unis font tout ce qui est en leur pouvoir pour avoir un scrutin aussi intègre que possible”, poursuit l’expert de l’Itss.

Dans l’espoir de rendre d’éventuelles contestations des résultats du vote moins audibles qu’en 2020, lorsque cette “transparence radicale” n’était pas en place.