Par Joël Onana
Ce scrutin auquel prend aussi part le premier ministre Succès Masra devrait permettre de tourner la page d’une transition qui dure depuis trois ans. L’ancien opposant nommé chef du gouvernement en janvier dernier après plusieurs mois en exil est présenté comme l’un des favoris de cette élection à laquelle participe une seule femme, Lydie Béassemnda, âgée de 57 ans. L’ingénieure agro-alimentaire était arrivée troisième à la présidentielle d’avril 2021, la dernière en date au Tchad. Des opposants tchadiens ainsi que les acteurs de la société civile dénoncent une présidentielle jouée d’avance pour perpétrer « la dynastie Déby » au pouvoir depuis environ trois décennies. Ils ont tous appelé au boycott du scrutin.
A la mi-journée, il n’est pas facile de mesurer l’engouement dans les bureaux de vote à N’Djamena mais selon notre envoyé spécial dans la capitale tchadienne plusieurs électeurs, la plupart des personnes âgées, ont accepté de braver la canicule pour accomplir leur devoir.
« Djiconni a pu prendre la queue d’un rang long de près de 10 mètres malgré la chaleur afin de jeter son bulletin dans l’urne dans un bureau de vote du 7e arrondissement », constate Armand Mouko. Dans un autre bureau de vote situé dans le 7e arrondissement, Mathieuxpeut enfin souffler. Il a pu voter sous un soleil ardent, après un marathon, ajoute notre envoyé spécial.
Un scrutin sans enjeux selon l’opposition tchadienne
Les opérations de vote se poursuivent jusqu’à 17 heures (heure locale) et les organisateurs du scrutin se félicitent d’avoir organisé la première présidentielle parmi les pays africains dirigés par des militaires après un changement de régime depuis 2021. Mais il ne s’agira que d’un changement dans la forme commentent les observateurs tchadiens qui ont, dès le début de la campagne électorale prédit une victoire incontestable du président de la transition Mahamat Deby accusé par ses opposants d’avoir réussir à écarter tous ses rivaux les plus dangereux.
La candidature de Succès Masra, économiste de formation et âgé de 40 ans, est également perçue comme un faire-valoir afin de donner une envergue démocratique à cette présidentielle. L’ancien opposant et président du parti Les Transformateurs affirme, en réponse aux critiques le visant, avoir l’ambition de conquérir le pouvoir exécutif dès le premier tour afin de conduire le Tchad vers une réelle démocratie. Tous ceux qui ont montré qu’ils veulent un changement massif doivent aller massivement, de façon pacifique, a déclaré ce lundi M. Masra après avoir voté. De con côté, Mahamat Déby a réitéré son engagement pour un retour à l’ordre constitutionnel.
Le 20 avril 2021, une quinzaine de généraux proclamaient M. Déby président de la transition pour succéder à son père tué le 20 avril 2021 par des rebelles au front. Cette transition, initialement prévue pour durer 18 mois a été prolongée de deux ans suscitant une grande mobilisation de l’opposition et de la société civile un peu partout au Tchad.
La manifestation a été réprimée provoquant la mort de 300 personnes, essentiellement des jeunes, selon des Ong au moment où le pouvoir parle d’une cinquantaine de décès. Plusieurs leaders de l’opposition, dont l’actuel premier ministre avait été contraint à l’exil suite à cette sanglante répression condamnée par la communauté internationale.
Des irrégularités notées par des observateurs de l’opposition
Certains observateurs de l’opposition ont dénoncé ce qu’ils décrivent comme des irrégularités dans le processus de vote de l’élection présidentielle au Tchad. Cela intervient alors que l’on craint que le système électoral ait été conçu pour favoriser le chef militaire, Mahamat Deby. Dans un bureau de vote du 7ème arrondissement de la capitale, N’Djamena, un observateur électoral du Parti du Transformateur, parti d’opposition, s’est interrogé sur les registres des bulletins de vote et sur le déroulement du scrutin.
“Le nombre d’électeurs inscrits ici est de 226… Mais l’ANGE [organisme électoral] n’a remis que 156 bulletins de vote. Où sont les 70 bulletins restants ?”, s’est interrogé Gauthier Saldnba, ajoutant qu'”il y a un problème ici”.
Kaigo Patcha, un fonctionnaire électoral, a déclaré qu’il ne s’agissait que d’une question d’insuffisance de bulletins de vote, insistant sur le fait que “nous avons déjà appelé les responsables et qu’ils apporteront bientôt les bulletins restants”.
La controverse a également porté sur le fait que des agents électoraux ont empêché certains électeurs de voter. Les électeurs qui s’étaient inscrits dans d’autres régions que N’Djamena n’ont pas été autorisés à voter dans les centres de vote de la capitale. Les responsables électoraux ont déclaré qu’ils respectaient le code électoral.
Les résultats provisoires du premier tour sont attendus pour le 21 mai.
