Accueil OpinionInterview Venezuela | Présidentielle: Face à un scrutin incertain, «tous les scénarios sont possibles»

Venezuela | Présidentielle: Face à un scrutin incertain, «tous les scénarios sont possibles»

Les Vénézuéliens se rendent aux urnes dimanche 28 juillet pour élire un nouveau président. Nicolas Maduro, au pouvoir depuis 2013, brigue un troisième mandat. Mais selon les sondages indépendants, le candidat de l’opposition Edmundo Gonzalez Urrutia a de bonnes chances de remporter ce scrutin qui se déroule dans un contexte économique difficile. Nicolas Maduro a déjà agité le spectre d’une guerre civile s’il perdait l’élection. Peut-on imaginer qu’il lâche le pouvoir ? Nous avons demandé à Thomas Posado, maitre de conférence à l’université de Rouen et spécialiste du Venezuela.

Par panorama papers
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Par Sandra Embollo avec Rfi

Est-ce qu’on se dirige vers un scrutin dont l’issue est plus qu’incertaine ? 

Il y a une incertitude de ce qui peut se passer dimanche. Sachant que les sondages des instituts les plus anciens donnent des victoires assez larges de 20 à 30 points d’avance pour l’opposition. Et de l’autre côté, les instituts de sondage plus proches du pouvoir chaviste parlent de la victoire de Nicolas Maduro, avec également une avance de 20 à 30 points. Et Nicolas Maduro nous a habitués à mettre en place des procédures autoritaires qui font que les résultats pourraient être altérés par des pressions diverses au moment du vote ou à travers le recompte des suffrages.

Il y a eu des moments où le pouvoir aurait pu basculer. Depuis l’arrivée au pouvoir de de Nicolas Maduro en 2013, l’opposition a gagné une majorité à l’Assemblée nationale en 2015. On aurait dû avoir normalement une cohabitation avec le centre du pouvoir transféré au Parlement. Il y a eu ces moments un peu tendus en 2017, au moment des grandes manifestations; et puis en 2019 au moment de la proclamation de Juan Guaido comme président par intérim. Il y avait alors des pressions fortes sur Nicolas Maduro. Mais ce dernier a surpris tout le monde par une certaine résilience.

Est-ce que cette résilience sera encore au rendez-vous compte tenu de l’ampleur de la crise économique et de la crise migratoire que connaît le Venezuela ?

En même temps, on l’imagine mal lâcher les rênes du pouvoir si jamais l’opposition remportait le scrutin ? 

Oui, Nicolas Maduro a continué pendant cette campagne la méthode qui consistait à des vagues d’arrestations des opposants, donc cela ne laisse pas présager une alternance apaisée. De toute façon, une alternance apaisée ne peut pas être imaginable dans un pays aussi polarisé que le Venezuela qui a connu tellement de dérives ces dernières années. Il ne faut pas oublier que le nouveau président prendra ses fonctions seulement en janvier 2025. Si l’opposition remporte le scrutin et si Nicolas Maduro reconnaît le résultat – un scénario assez improbable – s’ouvrirait alors une période d’intenses négociations pour assurer cette alternance. Si la victoire de l’opposition est large, ce serait difficile pour le président Maduro de maquiller les résultats.

Selon les observateurs, le taux de participation est l’une des clés du scrutin ? 

Oui, si Edmundo Gonzalez Urrutia parvient à mobiliser réellement la population vénézuélienne mécontente de la gestion de Nicolas Maduro, il a des chances de gagner avec un grand écart. Mais si l’abstention est élevée – et cela pourrait être le cas, car les Vénézuéliens sont épuisés par la crise, désillusionnées par les échecs de l’opposition – cela pourrait favoriser le pouvoir en place. Pour l’instant, on voit que ce sont plutôt les sympathisants de l’opposition qui apparaissent comme les plus motivés d’aller voter.

Ce qui est étonnant compte tenu du fait que leur candidat, Edmundo Gonzalez Urrutia, est un ancien diplomate peu connu du grand public qui a remplacé au pied levé la candidate Maria Corina Machado, déclaré inéligible. Et c’est elle qui a fait la campagne, alors que lui reste assez discret ? 

Oui, cette stratégie bicéphale était en pari risqué, mais elle a fonctionné. Maria Corina Machado a joué un rôle majeur dans cette conversion de l’opposition à la stratégie électorale, c’est-à-dire la décision de participer à l’élection [en 2018, l’opposition avait boycotté l’élection, Ndlr]. Depuis des années, elle est la figure la plus radicale de l’opposition vénézuélienne. Elle s’est bâtie une popularité justement sur cette radicalité, qui implique aussi le refus d’une moindre concession au gouvernement chaviste. Elle demandait des interventions militaires étrangères contre le Venezuela. Elle refusait de participer aux négociations avec Nicolas Maduro, elle refusait de participer à des scrutins qui avaient la forte chance d’être truqués. Et cela lui a permis d’avoir cette force électorale, cette capacité de mobilisation.

Sa conversion à la stratégie électorale, elle, est récente. Pourquoi ? Parce qu’elle pense que l’enthousiasme de la population vénézuélienne permettra de remporter le scrutin, et donc de surmonter les obstacles institutionnels que Nicolas Maduro mettra forcément en place pour éviter ce scénario. Et des obstacles, il y en a eu. Maria Corina Machado a été déclarée inéligible, sa première remplaçante aussi. C’est le second candidat proposé, Edmundo Gonzalez Urrutia, qui est devenu le candidat de l’opposition. Il joue le rôle de clé de voûte entre les différents courants d’une opposition qui n’est pas du tout homogène. Mais c’est effectivement Maria Corina Machado qui continue à utiliser sa force de mobilisation au service de cette candidature.

L’élection est suivie de près par les voisins latino-américains, mais aussi à Washington, qui avait rétabli en avril dernier des sanctions contre le Venezuela. le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a durci lui aussi le ton à l’égard de Nicolas Maduro. La pression de l’étranger peut-elle influer sur le scrutin ?

En 2019, il était particulièrement isolé sur le continent américain, par la présence de Donald Trump aux États-Unis, celle de Jair Bolsonaro au Brésil, sans parler d’Ivan Duque en Colombie. Ce dernier, rappelons-le, avait même ordonné la fermeture des frontières entre les deux pays alors qu’ils sont extrêmement liés. Ce qu’on constate aujourd’hui, c’est que Lula et Gustavo Petro qui historiquement ont eu des relations de sympathie avec le chavisme se sont démarqués de certains propos et de certaines mesures prises par le gouvernement vénézuélien.

Ces prises de position ont été saluées par l’opposition vénézuélienne, mais vont-elles changer quoi que ce soit ? On sait que Nicolas Maduro a été capable de se maintenir au pouvoir envers et contre tout, y compris contre les puissances occidentales qui voulaient l’isoler. Là, effectivement, le coup est encore plus dur parce qu’il est porté par des gens qui viennent de la gauche. Nicolas Maduro ne pourra pas dire qu’il s’agit des alliés de l’impérialisme américain.

Et comment peut-on analyser le rôle des États-Unis ?

C’est un dossier complexe. Les États-Unis avaient suspendu les sanctions qui frappent le Venezuela entre octobre 2023 et avril 2024. Ils les ont rétablies à cause du contexte de la présidentielle, mais à reculons. On sait que ces sanctions ont des conséquences dramatiques sur les Vénézuéliens et sur la crise migratoire aux États-Unis. La nationalité la plus répandue parmi les migrants qui remontent de l’Amérique centrale au Mexique jusqu’aux frontières des États-Unis, c’est désormais la vénézuélienne. Et dans ce contexte de campagne présidentielle américaine, ce n’est pas une très bonne idée d’accroître ce flux migratoire.

Nicolas Maduro a appelé à rétablir le dialogue avec les États-Unis, sans doute dans l’espoir de créer des dissensions entre l’opposition vénézuélienne, qui souhaite arriver au pouvoir, et l’administration du président américain Joe Biden qui elle souhaite lutter contre la crise migratoire et pouvoir compter sur un approvisionnement en pétrole de l’autre côté de la mer des Caraïbes et d’isoler ainsi la Russie. Donc, ces deux agendas, celle de l’opposition et celle des États-Unis, sont assez contradictoires.

Quel est le risque de fraude lors de l’élection de dimanche prochain. On sait que des centaines d’observateurs internationaux sont présents, mais est-ce une garantie suffisante pour que le scrutin se déroule de manière libre et démocratique ?

C’est très difficile à dire. Lors des derniers scrutins, Nicolas Maduro a toujours utilisé des mesures autoritaires différentes. Il a demandé par exemple à des électeurs habitant dans les zones d’opposition, d’aller dans d’autres bureaux de vote très éloignés. Dans d’autres endroits, on a vu des pressions électorales dans le sens où il fallait se signaler à la sortie du bureau de vote à des points rouges qui étaient liés au Psuv, le parti au pouvoir. Enfin, il a aussi menacé des électeurs de ne pas renouveler les aides sociales s’ils ne votaient pas pour lui. Donc qu’est-ce qui peut se passer dimanche ? C’est extrêmement incertain.

Le scénario dans lequel Nicolas Maduro où certains dignitaires du régime reconnaissent les résultats de l’opposition, n’est pas à exclure totalement. Ils ont quand même laissé à l’opposition un certain nombre de libertés démocratiques pour mener leur campagne. Mais on ne peut pas non plus exclure une reprise en main autoritaire sachant que ce gouvernement l’a déjà fait dans le passé. À la différence de l’élection parlementaire de 2015, il s’agit là d’un scrutin majeur, présidentiel, donc plus difficile à invalider, d’autant plus qu’il y a une certaine pression internationale. Il faut dire que le coût de la sortie de pouvoir serait très élevé pour Nicolas Maduro. Il risque de faire face à des procès, il faudrait qu’il quitte le pays. On peut imaginer des négociations pour une forme d’amnistie dans ce cas, une réconciliation du pays, mais ces procédures sont très loin d’avoir lieu.

Mais à ce stade, il n’y pas de négociations qui laissent à penser qu’une alternance puisse se réaliser de manière apaisée. Donc c’est vraiment très difficile de prévoir ce qui peut se passer dimanche. Tous les scénarios sont possibles : soit un refus de reconnaitre les résultats, soit des affrontements ou, pourquoi pas, une transition négociée.

Quel rôle jouera l’armée dans la reconnaissance des résultats si c’est l’opposition qui remporte l’élection ? 

Une reconnaissance de la victoire de l’opposition voudrait dire que l’armée se subordonne à la nouvelle équipe gouvernementale victorieuse. Pour rappel, l’armée, c’est une institution au Venezuela qui est particulièrement contrôlée. Nicolas Maduro rémunère grassement certains haut-gradés. Des dizaines d’entreprises publiques sont gérées par des militaires qui s’enrichissent par ce biais-là. Mais ce n’est pas une institution monolithique. Dans les rangs inférieurs, il y en a qui aspirent au changement. Si l’élection se déroule comme prévu, c’est que l’armée en quelque sorte a donné son feu vert.

Mais que peut-il se passer dans les jours suivant le scrutin ? C’est impossible de le dire à ce stade. Il peut y avoir une insubordination de l’armée à réprimer potentiellement des mobilisations post-électorales. Ou au contraire, l’armée peut se montrer loyal à l’égard de Nicolas Maduro.

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