Par Joël Onana
Quelque 61 millions d’Iraniens et Iraniennes sont appelés aux urnes dans les 58’640 bureaux de vote disséminés dans l’immense pays, de la mer Caspienne au nord au Golfe dans le sud. Quatre candidats, des hommes quinquagénaires ou sexagénaires, sont en lice. Si aucun d’entre eux ne rassemble plus de la moitié des suffrages, un second tour se tiendra le 5 juillet, ce qui n’a été le cas que lors d’une seule présidentielle, en 2005, depuis l’avènement de la République islamique il y a 45 ans.
L’issue de ce scrutin ne devrait avoir que peu d’incidence en matière de politique, mais pourrait influer sur la succession de l’ayatollah Ali Khamenei. Les résultats officiels sont attendus au plus tard dimanche, mais des estimations devraient être publiées samedi.
Quatre candidats
Seulement quatre prétendants sont donc en lice pour succéder à Ebrahim Raïssi après que deux de ceux approuvés par le Conseil iranien des gardiens de la Révolution ont retiré leur candidature jeudi.
Le président conservateur du Parlement Mohammad Bagher Ghalibaf, l’ultraconservateur Saïd Jalili, ainsi qu’un troisième candidat conservateur, Mostafa Pourmohammadi, sont en lice, tout comme un seul candidat réformateur, le député Massoud Pezeshkian, qui fait partie des favoris de après avoir reçu le soutien des principales forces réformatrices et modérées.
Le regard critique des femmes
Deux ans après la mort de Masha Amini, les femmes iraniennes n’ont guère d’espoir que ce scrutin change quelque chose dans le pays. Mais le mouvement “Femmes Vie, Liberté” continue ses actions. “Des centaines de femmes ne portent pas le foulard dans les grandes villes d’Iran. Elles sont embastillées, tabassées. Elles montrent qu’elles ne reviendront pas en arrière”, relève dans La Matinale l’écrivaine et journaliste franco-iranienne Fariba Hachtroudi.
Massoud Pezeshkian met cependant en avant le combat des femmes et leur volonté d’émancipation. “Il n’arrête pas dire qu’il faut respecter la femme. Mais tout le problème est de savoir s’il peut faire quelque chose”, note Fariba Hachtroudi.
Un président au pouvoir limité
Selon les mouvements d’opposition, cette élection ne changera rien ou presque au quotidien des Iraniennes et Iraniens. C’est en effet le guide suprême, l’ayatollah Khamenei, qui détient le pouvoir effectif et fait appliquer la charia, la loi islamique. Les femmes, et les jeunes en général, souhaitent plutôt un changement de régime. D’après Fariba Hachtroudi, ce scrutin est marqué par la défiance.
“Les jeunes sont extrêmement critiques. Ils veulent montrer qu’ils n’y croient plus. Les salles de campagnes sont pleines à craquer avec énormément de jeunes, parce que les gens étouffent. Mais cela ne veut pas dire qu’ils vont aller voter”, déclare l’écrivaine.
Le taux de participation sera décisif
L’issue de cette élection dépendra du taux de participation, notamment des femmes. Une faible mobilisation risquerait de favoriser, de nouveau, un candidat conservateur, selon Sébastien Regnault.
Le chercheur et spécialiste de l’Iran se dit “persuadé que des réformes sont possibles” si le président élu est issu du camp progressiste grâce à un vote de masse. “La situation est toujours meilleure pour les Iraniens quand un réformateur est au pouvoir. Ce n’est pas du tout la même chose en termes de mœurs, de liberté individuelle et de relations sociales. Il y a une respiration de la société. Même si le guide suprême reste le dernier décideur, il laisse quand même un champ relativement libre aux réformateurs pour articuler leurs politiques”, développe-t-il.