Par Jean Charles Biyo’o Ella
C’est l’enfer à la limite, lorsque vous rencontrez un patron méchant ! Ça été mon cas », déplore Philomène, ancienne fille de ménage, devenue commerçante dans un marché de Yaoundé. Elle fond en larmes, lorsqu’elle se replonge dans son passé douloureux. «C’est la femme de mon oncle qui m’a amené à Yaoundé pour assurer la garde de son bébé d’un an. Je n’avais que 17 ans à l’époque, mes parents n’avaient plus de moyens pour m’envoyer à l’école. Elle avait promis me payer 15000fcfa par mois, et je devais résider dans son domicile. Mais une fois à Yaoundé, je suis devenue la fille à tout faire.
Garder le bébé, m’occuper des autres enfants, que j’allais laisser chaque matin à l’école le matin, et les reprendre le soir. Le weekend, je fais la lessive, le matin, je nettoie le sol, et je fais la cuisine. Je brulais en moi, je souffrais en silence, je pleurais dans mon cœur, je voulais renter chez mes parents, mais je n’avais pas de possibilité. Mais au bout de trois ans, je ne pouvais plus tenir. J’ai craqué et je suis sortie de la maison » chuchote-elle, devant son étale de fruit.
Au Cameroun, la précarité est béante dans le secteur du travail domestique. Elle frôle à la limite, l’esclavage, selon les défenseurs des droits de l’homme.
Une loi caduque, pour un travail vital
Selon le décret du 10 juillet 1968 fixant les conditions générales d’emploi des domestiques et employés de maison au Cameroun, « le personnel domestique, même logé sur les lieux de travail, a droit à un repos nocturne d’au moins neuf heures consécutives. Les travailleurs nourris sur les lieux de travail ont droit à deux heures de repos par jour, en dehors des heures de service, consacrées aux différents repas qui seront pris assis et sans obligation d’assurer le service ».
Mais pas assez pour Claudine Mboudou Mballa, la défenseure des droits des travailleurs domestiques. La femme de 46 ans est à la tête de l’ASDAM, une association qui fait dans la formation du personnel de maison et porte assistance au travailleuse domestique victimes d’abus dans leurs lieux de service. Pour elle « il faut que le gouvernement ratifie la convention 189 de l’OIT, parce que c’est cette convention qui au niveau de l’international encadre le secteur du travail domestique. Nous souhaitons aussi que les autorités revoient le décret de 1968, certes qui encadre notre secteur, mais qui n’a pas tenu compte de la femme travailleuse domestique entant qu’épouse, femme au foyer et qui sort pour travailler.
Elle a besoin d’une marge de manouvre. Il faut en plus revoir le volume de travail qui à présent est énorme. La loi impose un volume de 54 heures par semaine, équivalent à 4 heures de travail effectif. Et le travail peut aller jusqu’à dimanche si cela est nécessaire. Nous trouvons que c’est exagéré », conclut-elle, au terme d’un atelier de sensibilisation et de plaidoyer à l’endroit des autorités, organisé à Kribi au sud du Cameroun.
Selon Eva Etongue Mayer, ancienne secrétaire générale de la commission camerounaise de droits de l’homme et de liberté « humaniser son personnel domestique, c’est aussi une façon de mettre à l’abri sa propre famille contre tout représailles consécutif au mauvais traitement que ce dernier pourrait subir ».
Disposition de l’OIT
Selon la convention 189 de l’Oit, tout Etat membre doit prendre des mesures afin d’assurer que les travailleurs domestiques soient libres de parvenir à un accord avec leur employeur ou leur employeur potentiel sur le fait de loger ou non au sein du ménage. En cas de logement au sein du ménage, qu’ils ne soient pas obligé de rester avec les membres de ce ménage pendant les périodes de repos journalier ou hebdomadaire ou de congés annuels; qu’ils aient le droit de garder en leur possession leurs documents de voyage et leurs pièces d’identité. De plus, les Etats doivent prendre des dispositions, pour assurer le respect des droits fondamentaux des travailleurs domestique tels que la liberté d’association, l’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire; l’abolition effective du travail des enfants; et l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession.