Par Joël Onana
Depuis sa cellule du Secrétariat d’État à la Défense (Sed), Marafa Hamidou Yaya décrit un quotidien fait de brimades et de refus de soins. Alors qu’il risque de perdre la vue, ses demandes répétées d’évacuation sanitaire restent sans réponse.
« Le silence du président Biya a fait dire à une ancienne ambassadrice des États-Unis au Cameroun : ‘Je suppose que Paul Biya attend que Marafa devienne aveugle !’ », rapporte-t-il. Un acharnement qu’il attribue à des motivations politiques, son maintien en détention apparaissant comme un moyen de neutraliser un potentiel opposant.
Au-delà de son cas personnel, Marafa Hamidou Yaya dénonce un recours à la torture devenu « systémique » et une « pratique d’État ». Il évoque les assassinats brutaux de son ancienne collaboratrice Christiane Soppo en 2014 et du journaliste Martinez Zogo en 2023.
« Ces déchaînements de violence ne sont pas des épisodes isolés mais s’inscrivent dans un système stable et institutionnalisé », analyse-t-il. Et d’avertir : « Si le pouvoir vous perçoit comme une menace, vous le paierez de votre liberté ou de votre vie. »
L’ancien ministre dresse un bilan sévère des années Biya, évoquant « le déclassement progressif du pays » dû à une succession de « mauvais choix ». Il pointe du doigt des investissements dispendieux et inadaptés, comme l’organisation de la Can, alors que les secteurs vitaux comme la santé et l’éducation sont négligés. « Le résultat, c’est que si l’on se compare avec la Côte d’Ivoire, nous sommes en chute libre », déplore-t-il, citant un écart de PIB qui s’est creusé de près de 20 milliards de dollars en défaveur du Cameroun entre 2011 et 2022.
Face à ce marasme, Marafa Hamidou Yaya en appelle à l’organisation d’une « Commission Vérité, Réconciliation et Refondation « . Objectif : permettre un grand déballage pour « réconcilier le pays avec lui-même » et jeter les bases d’un nouveau « vivre-ensemble «. Car pour lui, « l’adhésion de tous sera nécessaire pour définir les paramètres essentiels » du futur Cameroun, à commencer par une véritable séparation des pouvoirs et une lutte sincère contre la corruption.
Un témoignage fort et une vision pour l’avenir qui résonnent alors que le Cameroun traverse une période trouble, entre crise anglophone, menace jihadiste et exaspération sociale grandissante. Reste à savoir si cet appel sera entendu par un pouvoir qui semble jusqu’ici sourd aux critiques.