Par Arlette Akoumou Nga
Deux condamnés à mort ont été exécutés mardi dans le sud des États-Unis, dont Marcellus Williams, qui avait clamé pendant plus de vingt ans son innocence. Le prisonnier bénéficiant pourtant d’un large mouvement de soutien, y compris de la part du bureau du procureur.
Marcellus Williams, un homme noir de 55 ans, avait été condamné en 2001 pour le meurtre de Felicia Gayle en 1998, une ancienne journaliste blanche, en banlieue de Saint-Louis, dans le Missouri.
Il a été exécuté en début de soirée par injection létale, de même que Travis Mullis, 38 ans, condamné au Texas pour le meurtre en 2008 de son bébé de trois mois, ont annoncé les administrations pénitentiaires de ces deux États. Cela porte à 16 le nombre d’exécutions aux États-Unis en 2024, dont trois depuis le 20 septembre. Deux autres exécutions sont prévues jeudi.
Au Missouri, la victime avait été retrouvée poignardée à 43 reprises avec un couteau de cuisine au cours de ce qui semblait être un cambriolage ayant mal tourné. Marcellus Williams, déjà condamné pour braquages et cambriolages, avait finalement été inculpé puis condamné à mort sur la foi du témoignage d’un ancien codétenu et d’une ex-compagne, bien que son Adn n’ait été retrouvé ni sur le couteau ni sur aucune des empreintes, traces de sang ou cheveux découverts sur le lieu du crime.
Arme du crime compromise par l’accusation
Son exécution avait été suspendue par la Cour suprême du Missouri en 2015, puis en 2017 par le gouverneur d’alors, Eric Greitens, qui avait ordonné la création d’une commission d’enquête. Cette décision faisait suite à une analyse révélant que l’Adn masculin retrouvé sur le couteau n’était pas celui de Marcellus Williams. Mais en 2023, son successeur, Mike Parson, a dissous cette commission avant qu’elle se soit prononcée et les autorités ont relancé le processus pour l’exécution.
Entre-temps, le procureur local, sur la base notamment des analyses Adn, a engagé en 2024 une procédure en annulation de la condamnation. À la veille d’une récente audience sur cette demande d’annulation, il est apparu que les empreintes Adn retrouvées sur l’arme étaient celles de deux membres de l’équipe d’accusation de l’époque. Mais la justice du Missouri a définitivement rejeté lundi ce recours en annulation, autorisant donc l’exécution.
Le gouverneur Parson a annoncé mardi qu’en conséquence il n’accorderait ni sursis ni commutation de peine à Marcellus Williams, assurant dans un communiqué “avoir confiance en l’intégrité du système judiciaire”.
Jour honteux
Le milliardaire britannique Richard Branson, qui avait acheté lundi une pleine page dans le journal Kansas City Star pour exhorter les habitants de l’État à faire pression sur leur gouverneur, a déploré sur X “un jour honteux pour le Missouri et pour le gouverneur Mike Parson, qui a manqué à son devoir de protéger un innocent de l’injustice”.
La Naacp, première organisation de défense des Noirs américains, et la section locale de l’influente organisation “Innocence Project”, qui lutte contre les erreurs judiciaires aux États-Unis, se sont mobilisées en faveur de Marcellus Williams.
Ayant épuisé tous les recours au niveau du Missouri, ses avocats ont saisi lundi la Cour suprême des États-Unis pour obtenir un sursis au motif que la sélection du jury qui l’a condamné était discriminatoire. Le jury comptait 11 jurés blancs pour un seul noir à la suite d’un processus de récusation controversé. Mais la Cour suprême à majorité conservatrice a rejeté cette demande mardi, contre l’avis des trois juges progressistes.
La peine de mort a été abolie dans 23 des 50 États américains. Six autres (Arizona, Californie, Ohio, Oregon, Pennsylvanie, et Tennessee) observent un moratoire des exécutions sur décision du gouverneur.