Par Julie Peh
C’est tout sauf une surprise, et pourtant le communiqué fait l’effet d’une déflagration à l’échelle du continent africain : le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont conjointement annoncé, ce dimanche 28 janvier, leur sortie « sans délai » de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, la Cédéao. Le communiqué commun est signé de la main des trois dirigeants actuels des pays respectifs : le Capitaine Ibrahim Traoré pour le Burkina Faso, le Colonel Assimi Goïta pour le Mali et le Général Abdourahamane Tiani pour le Niger. En réalité, voici plusieurs mois que le conflit était ouvert entre les trois régimes issus de coups d’état militaire et l’organisation économique ouest-africaine. Lors du dernier coup d’état en date, celui au Niger le 26 juillet 2023, la Cédéao avait menacé les militaires de Niamey, qui à l’époque n’avaient pas encore désigné le général Tiani comme chef d’État, d’une intervention militaire. Une situation qui avait profondément divisé les dirigeants africains, tant au sein de l’Union africaine (UA) que de l’organisation régionale. Celle-ci avait toutefois annoncé un ensemble de sanctions économiques lourdes. Et les trois pays étaient déjà suspendus de ses organes décisionnaires.
Précisément, il s’agit là d’un des griefs formulés dans le communiqué publié ce dimanche, qui évoque des « sanctions illégales, illégitimes, inhumaines et irresponsables ». Les autres reproches sont d’ordre politique et diplomatique : « Influence étrangère » – sous-entendu celle des pays européens, à commencer par la France –, et surtout « l’organisation n’a pas porté assistance à nos États dans le cadre de notre lutte existentielle contre le terrorisme et l’insécurité ». Allusion aux combats meurtriers dans la zone sahélienne, au carrefour frontalier des trois pays, contre des groupes armés djihadistes qui prospèrent sur la misère locale mais aussi sur les exactions commises par les armées, notamment du Mali et du Burkina Faso.
Le 16 septembre dernier, Mali, Niger et Burkina Faso avaient d’ailleurs annoncé la fondation de l’alliance des États du sahel (Aes) , un pacte de défense mutuelle dont l’objectif est double : d’une part une coopération militaire contre les groupes armés, d’autre part, sur le plan diplomatique, assurer aux trois pays une force plus importante face aux menaces extérieures. Le texte fondateur de l’AES stipule ainsi que « toute attaque contre la souveraineté et l’intégrité territoriale d’une ou plusieurs parties contractantes sera considérée comme une agression contre les autres parties ». Une allusion claire à l’intervention armée de la Cédéao ou de toute autre force, française notamment, pour renverser les régimes militaires.
Si ces derniers n’ont de cesse de mettre en avant la défense de la « souveraineté » et du « panafricanisme », la voie choisie, celle de la guerre comme unique solution et répression politique sévère, n’augure rien de bon pour l’ensemble de la région.