Par Arlette Akoumou Nga
«Brenda Biya, fille du président camerounais Paul Biya, a créé une onde de choc en révélant publiquement sa relation amoureuse avec une autre femme», annonce le site d´information camerounais Africapresse. Dimanche 30 juin, la jeune femme, âgée de 26 ans, a publié une photo sur son compte Instagram la montrant en train d´embrasser sa compagne, la mannequin brésilienne Layyons Valença. La publication est accompagnée de cette légende : «PS : je suis folle de toi et je veux que tout le monde le sache.»
Quelques semaines plus tôt, Brenda Biya avait posté également une autre photo avec cette légende destinée à sa compagne : “Tu es quelqu’un d’extraordinaire, forte, attentionnée, honnête, loyale. Franchement ne change pas. Je suis heureuse de pouvoir passer mon quotidien avec toi.”
Ses déclarations d’amour ont suscité un grand nombre de réactions sur les réseaux sociaux. C’est notamment le cas de Shakiro, célèbre transgenre camerounaise, qui a du fuir son pays pour se réfugier en Belgique. Elle félicite la fille de Paul Biya pour son courage. Elle espère que ce ‘coming out’ pourra mettre fin à la criminalisation de l’homosexualité dans le pays. “On va obtenir cette dépénalisation de l’homosexualité grâce à toi », espère Shakiro.
Cinq ans de prison pour homosexualité
Même son de cloche de Boris Bertolt, journaliste d’investigation, qui a rappelé dans un message publié sur Facebook qu’une vingtaine de personnes sont actuellement en prison dans le pays pour leur orientation sexuelle.
“Soit Brenda Biya est arrêtée, soit on libère tout le monde”, souligne le journaliste. Mais «le Cameroun reste un pays où l´homosexualité est sévèrement réprimée». Le Code pénal (articles 347-1 à 347-3) prévoit une peine pouvant aller jusqu´à cinq ans d’emprisonnement et 200 000 francs CFA (305 euros) d´amende pour les rapports sexuels entre personnes de même sexe. Dès lors, cette prise de parole de la fille du chef de l´État «met en lumière les contradictions du système». De ce point de vue, le Code pénal camerounais est l’un des plus durs et restrictifs concernant les droits des personnes LGBTQIA+.
Certains militants de la cause LGBTQI ont salué le courage de Brenda Biya, espérant qu´il s´agisse du prélude à une dépénalisation de l´homosexualité : c´est notamment le cas de l´avocate Alice Nkom et de la personnalité médiatique transgenre Shakiro, aujourd´hui exilée loin du Cameroun. Interrogé par la Deutsche Welle, le défenseur des droits des homosexuels Hamlet Nkwain explique :
«Je ne pense pas que son coming out sur les réseaux sociaux conduira directement à une dépénalisation de l´homosexualité, mais je crois que cela ouvrira la porte à de nouveaux débats.»
D´autres messages sont bien plus hostiles. Aux critiques outrancières souvent motivées par la religion se mêlent des commentaires qui dénigrent le train de vie dispendieux de Brenda Biya et la trivialité de cette polémique comparée aux problèmes quotidiens des Camerounais. Installée en Suisse, Brenda Biya s´est lancée dans une carrière de rappeuse sous le pseudonyme de King Nasty. En 2016, le site Africa Intelligence affirmait que son utilisation des réseaux sociaux faisait «cauchemarder ses chers parents». Encore jeune fille, elle s´était affichée en train de «fumer d´improbables substances» ou dévoilant des frais de taxi de plusieurs centaines de dollars.
«Le coming out de Brenda Biya suscite un débat national et international. En dépit des risques personnels et sociaux, son acte représente une prise de position forte contre la répression des droits des homosexuels au Cameroun. Reste à voir si cette révélation influencera les politiques et les perceptions sociétales à long terme», conclut Africapresse.