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Dossier special > Cameroun: Les vestiges du futur

Afin de s’arrimer de manière certaine et durable au XXIè siècle, les autorités camerounaises avaient entrepris le lancement d’une infinitude de projets de développement. Infrastructures routières, aéroportuaires, énergétiques, agroindustrielles, etc., le tableau fait pâlir d’envie, vu de l’extérieur. Panorama papers est reparti sur quelques-unes de ces grandes annonces, en a revisité les contours. Et la réalité du terrain est renversante : au moins la moitié des réalisations, annoncées comme acquises et dont les financements étaient réputés disponibles, a fini dans la corbeille à papier. Le journaliste n’a, hélas, pas la capacité d’en répondre. Et le pouvoir de Yaoundé se fait fort de ne jamais communiquer sur la question. Reste juste l’évocation, le souvenir de quelque chose de bien ayant failli arriver. Voici, dans les lignes qui suivent, le tome I des éléphants blancs du Renouveau.

Par panorama papers
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Par Félix C. Ebolé Bola

I- Tramway : Une affaire qui déraille

En avril 2012, et alors qu’il occupait encore le poste de délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Yaoundé, Gilbert Tsimi Evouna promettait la construction dans la capitale camerounaise d’une ligne de tramway pour «d’ici 2018».

En tout cas, l’affaire devait être opérationnelle avant la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football, que le pays devait accueillir en 2019 et qui fut finalement attribuée à l’Egypte, à la suite du constat de retards criards dans la réalisation des infrastructures y dédiées.

En avril 2014 c’est le ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat), Emmanuel Nganou Djoumessi et le directeur général de la société belge Préfarail, Joseph Rode, qui signaient un mémorandum d’entente (MoU) portant sur le projet de construction d’une ligne de tramway dans la même ville.
Dans le détail, Préfarail, qui n’avait toutefois pas révélé le montant total de l’investissement, se proposait ainsi de construire dès 2015 et en assurant 100% des coûts y relatifs une ligne de transport de 50km dans la capitale. En retour, l’opérateur comptait exploiter l’infrastructure, le temps de rentrer dans ses frais avant de la céder au Cameroun.

Dans la métropole économique, le projet de construction d’une ligne de tramway est évoqué lors de la campagne présidentielle de 2011. Il revient sur la table en novembre 2019. Cette fois, c’est la ministre de l’Habitat et du Développement urbain (Minhdu), Célestine Ketcha-Courtès, qui reçoit audience une délégation constituée de responsables du groupe canadien Bombardier et de son partenaire belgo-turc Iristone/ILCI, attributaires du projet d’infrastructure à réaliser. Le chantier est prévu pour durer trois ans, et doit porter sur la construction d’une ligne pilote d’un linéaire de 18km. Les différentes parties conviennent alors d’accélérer les procédures administratives et techniques.

Pour les besoins de la cause, Iristone/ILCI, l’allemand Siemens et le canadien Bombardier Transportation avaient mis en place un consortium dans le cadre d’un partenariat public-privé, le chantier pilote étant en outre appelé à générer un millier d’emplois directs. Le tramway de Douala devait également disposer d’une centrale électrique autonome installée dans la zone industrielle de Bonabéri. «Les études d’insertion de la ligne, la solution énergétique autonome et les plans de financement éligibles aux fonds internationaux ont été réalisés et approuvés par les parties», affirmait le groupement qui envisageait un démarrage des travaux au premier semestre 2019, pour une mise en service partielle du projet en 2021 au plus tard, si les délais des actions préalables sont tenus – en particulier la conclusion à date du contrat commercial entre le groupe et le gouvernement.
«Les travaux de construction d’une ligne de tramway de 18km démarrent en 2023. Ce projet de tramway vient de Douala 4è jusqu’au carrefour Agip. Coût du projet, 700 milliards de FCfa.» Ainsi s’exprimait, le 6 juillet 2022 au cours d’un point de presse, le (nouveau) maire de la ville Roger Mbassa Ndiné. On ne perd rien à croiser les doigts.

II- Douala : Le Radisson Blu logé à mauvaise enseigne

«Lorsque le promoteur de ce projet a entamé les travaux, il s’est très vite rendu compte qu’il y avait un besoin de renforcement de la structure.

Ce d’autant qu’il s’agit de transformation d’un projet résidentiel en projet hôtelier. Il fallait donc une refonte complète de l’organisation du bâtiment et ajouter de multiples étages, un bar et une piscine. Toutes choses qui imposaient véritablement le renforcement des structures du bâtiment. Ces travaux permettent aujourd’hui d’avoir 180 chambres et appartements. En somme, ces raisons techniques sont celles qui expliquent le retard pris sur ce projet.»

Ainsi s’exprime, dans La tribune de l’hôtellerie de novembre 2021, le chef du projet Radisson Blu Hotel de Douala, Rémi Delattre pour expliquer le retard à l’allumage. Et d’ajouter que la pandémie du Covid-19 a eu un impact sur toute la chaîne dudit projet, l’ouverture de l’hôtel étant finalement prévue au premier trimestre 2023.

Toujours est-il que c’est le même Rémi Delattre qui, le 23 août 2019 à Yaoundé, signait une convention avec l’Agence de promotion des investissements (API). Lequel contrat accordait des incitations fiscalo-douanières au projet Radisson Blu Hotel & Apartments de Douala, lui permettant ainsi à l’ouverture de se positionner comme le leader local sur le segment 5 étoiles.

Fruit d’un partenariat public-privé (Ppp) entre le groupe américain Sky Towers Hospitality et la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps), la transformation et la réhabilitation de l’immeuble de Bonanjo ont été évaluées à 25 milliards FCfa, le chantier devant être livré au premier trimestre 2021, et donc à trois petits mois du démarrage de la Coupe d’Afrique des nations (Can) de football.

Plus simplement, il s’agit de démolir partiellement le gros œuvre, de le stabiliser et de le recalibrer pour en obtenir 180 chambres de luxe, 10 salles de conférence, des centres de bien-être et de remise en forme, des restaurants ainsi que des studios et des appartements de style américain.
Connaissant les rapports tracassiers entre plusieurs autorités locales et les investisseurs – qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs –, l’on peut émettre de sérieux doutes sur les raisons avancées par Rémi Delattre sur ce projet.

III- Trou noir sur le solaire du septentrion

Au plus fort des délestages dans la zone le ministre de l’Eau et de l’Energie (Minee), Gaston Eloundou Essomba, a effectué un déplacement d’urgence en avril 2021 dans le septentrion en vue de s’enquérir d’une situation qui risquait de dégénérer en crise sociale.

Dans la foulée, il sommait l’opérateur Eneo de rétablir l’énergie électrique au plus tard le 12 du même mois. C’est la énième fois que le même sortait ses muscles, par rapport au Réseau interconnecté nord (RIN) pour lequel on promettait un mix énergétique pour 2019 à travers l’installation de 35MW de solaire.
Des centrales, pour lesquelles des «offres fermes» avaient déjà été enregistrées, étaient ainsi prévues à Maroua (Extrême-Nord), Guider (Nord) et Ngaoundéré (Adamaoua). Puis, en juin 2017 l’on apprenait que l’opérateur Eneo se préparait à lancer un appel à manifestation d’intérêt en vue du recrutement d’un prestataire devant installer une centrale solaire de 10MW à Ngaoundéré, pour une mise en service à l’horizon 2019. Les deux autres centrales solaires devaient suivre à Maroua (15MW) et à Guider (10MW).

L’affaire, appelée à apporter une solution énergétique à cette partie sahélienne du Cameroun pendant le Coupe d’Afrique des nations (Can) alors prévue en 2019, devait être d’autant plus facile à réaliser que, selon des études concordantes le septentrion camerounais est la partie la plus insolée du pays, son niveau moyen étant de 5,8kWh/m2/jour contre 4 kWh/m2/jour pour la partie méridionale.

Las ! Ce n’est que le 25 mars 2022, dans une note d’information que l’opérateur Eneo indique que les premiers panneaux solaires (environ 400 modules) sont déjà installés sur le site de Guider et injectent déjà 1,5MW dans le RIN. «D’ici début avril 2022, cette capacité solaire injectée depuis Guider passera à 6,5MW», peut-on y lire. Pour Maroua, «l’équipe projet envisage la fin des travaux cette année». S’agissant de ce qui reste à faire pour l’aboutissement du projet, le directeur général adjoint en charge de la production à Eneo, Amine Homman Ludiye, déclare que la centrale de Maroua est en cours de déploiement et sera pleinement opérationnelle avant la fin de l’année.

Quelques procédures administratives ayant pris du retard, l’opérateur a sollicité le soutien des autorités pour accélérer son aboutissement.
Dans son bilan annuel 2021 publié en novembre 2022, Eneo se contente (page 35) vaguement d’indiquer qu’il travaille en accord avec le gouvernement «sur ce projet de solaire modulable». Il convient de noter que cette précision vaut uniquement pour Guider.

IV- Engrais : Fuites de gaz à Limbe

Plus d’une décennie plus loin et toujours zéro pointé. Le projet de construction, à Limbe (Sud-Ouest), d’une unité de production d’engrais est un véritable serpent de mer.

Et ce depuis octobre 2011 au moins, lorsqu’un protocole d’accord fut signé entre la Société nationale des hydrocarbures (Snh) et la firme allemande Ferrostaal pour une étude de faisabilité.

Deux ans plus tard, c’est un autre préaccord commercial, en vue de l’approvisionnement en gaz naturel de la future usine de production, qui était signé en 2013 entre la SNH, Ferrostaal et la société EurOil Limited. Face à ce qui apparut alors comme des tergiversations de la partie camerounaise, une délégation d’investisseurs allemands fit le déplacement de Yaoundé. Elle fut reçue en audience en mi-février 2018 par le président Biya, et l’on imagine que le sujet était au centre de l’entretien, pour un projet estimé à 1250 milliards de francs.

Quelques heures plus loin, le même sujet fut remis sur la table, lors des échanges entre les hommes d’affaires allemands et le ministre en charge de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat), Louis Paul Motaze. Le dernier cité fit de vagues promesses à ses interlocuteurs, puis plus rien. Jusqu’à ce que, en septembre 2020 le successeur de M. Motaze, Alamine Ousmane Mey, révèle à la presse que «les négociations butent sur le prix du gaz proposé qui rend le projet non rentable. Le dossier se trouve à la Société nationale des hydrocarbures».

On rappelle que les promoteurs de l’unité de Limbe prévoyaient un approvisionnement de l’ordre de 70 millions de pieds cubes standards par jour pour faire tourner celle-ci, pour une production annuelle estimée à 600.000 tonnes d’ammoniac et 700.000 tonnes d’urée destinées au marché national et à l’exportation.
Ce qui semble certain, c’est qu’on ne parlera désormais de l’usine de production d’engrais de Limbe qu’au passé compliqué de l’indicatif…

V- Electricité : Un projet norvégien s’éteint à Edéa

Le 17 septembre 2015 à Yaoundé, le norvégien Green Energy Norway (Grenor) et un groupe d’investisseurs camerounais signaient une joint-venture en vue de la construction, à Edéa, d’une centrale thermique à gaz naturel d’une capacité comprise entre 150 et 300MW.

Pour une mise en service en mars 2016, le premier cité annonce un investissement de l’ordre de 109 milliards de francs (60%) dans cette affaire qui, grâce à la nouvelle loi portant incitations à l’investissement privé au Cameroun, permet au groupement de bénéficier d’exonérations fiscalo-douanières allant de 5 à 10 ans, pendant la phase d’installation et de production.
«Maintenant que nous avons signé le contrat, nous allons immédiatement commencer l’envoi au Cameroun du matériel nécessaire à la construction de la centrale», déclare le responsable local de Grenor, Polycarpe Banlog. Mais il y a loin de la signature à la concrétisation.

Le 11 août 2017 en effet, le chef de l’Etat reçoit en audience le président du groupe Grenor, Finn E. Johnsen. L’hôte du Palais de l’unité s’émeut de ce que le projet, prévu pour être mis en œuvre au premier semestre 2016, est resté au simple stade de l’intention. Et il reçoit les assurances d’un démarrage imminent. Surtout que, apprend-on, l’initiative devrait permettre la création de 1114 emplois directs. C’est tout bénef, donc.

«Nous sommes prêts depuis plus d’un an. (…) les centrales thermiques sont déjà acquises. La seule difficulté que nous avons encore c’est au niveau de la disponibilité du gaz naturel que nous utiliserons comme combustible. Mais ce sera résolu incessamment».

précise Polycarpe Banlog. Et rien ne vient.

Jusqu’à ce que Grenor rebondisse sur un autre couloir. Le norvégien fait partie des membres du Comité de pilotage du projet d’autoroutes de l’électricité, selon un décret signé le 19 décembre 2017 par le président de la République. Ledit texte précise que le Comité a, entre autres, pour missions de s’assurer de la cohérence des projets avec les politiques publiques, valider les études y relatives, formuler les orientations stratégiques, examiner les plans de financement, veiller au respect des engagements et obligations de l’Etat, ou encore recruter des consultants externes.
Depuis lors, l’on n’a plus entendu parler de l’unité d’Edéa, encore moins des activités du fameux Comité.

VI- Transformation : Les vers sont dans les fruits

C’était en 2015, le 28 juillet très exactement. Ce jour-là le ministre de l’Agriculture et du développement rural, Essimi Menye, procédait au lancement officiel du Projet d’appui au développement de la culture des arbres fruitiers (Pndcf).

Le Cameroun, apprenait-on alors, ambitionnait de devenir un grand exportateur de jus de fruits à l’horizon 2025.

L’implémentation dudit plan nécessitait alors une mobilisation de l’ordre de 178,5 milliards de francs, l’Etat du Cameroun, plus gros contributeur, s’étant par ailleurs attaché la contribution à cette enveloppe de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui avait déjà libéré sa quote-part.

En vue d’opérationnaliser le projet, l’on indiquait que des mesures incitatives avaient été prises à l’endroit des coopératives, les groupements d’initiative commune et autres industriels, auxquels l’on promettait des appuis multiformes pour la création d’unités de transformation. Des vergers allaient ainsi pousser dans les principaux bassins de production fruitière détectés dans le Centre (Lékié, Mbam et Inoubou) l’Adamaoua (Vina et Mayo Danay), l’Extrême-Nord (Diamaré) et le Nord (Bénoué et Mayo Louti).

Le 22 juin 2019, le Pndcf procédait à une séance de travail manuel dans les plantations de certains des bénéficiaires du programme. On était alors passé des cours en salle à la phase pratique de mise en terre des 8000 plants d’arbres fruitiers (banane plantain, corossol, mangue, goyave, avocat, ananas, pastèque, papaye, etc.), sur les 80.000 plants déjà disponibles, distribués à une trentaine de planteurs. A l’Ouest, l’on annonçait la mise en terre imminente de 135.000 plants. Puis le beau conte s’arrêta brusquement. En tout cas, le Cameroun ne dispose pas – pas encore !– des agro-industries promises par le gouvernement.
Tiens ! Nos recherches ont permis de déterrer un document attribué au patron du Minader, Gabriel Mbaïrobe. Signé le 17 février 2020, la décision classe le Pndcf dans la catégorie des «projets et programmes opérationnels maintenus dans leurs mandats spécifiques», financés exclusivement par le budget d’investissement public (BIP) et le Fonds de développement des filières cacao et café (Fodecc).

VII- Usines : Du manioc amer au menu

Il y avait plus de 700 machines et outils à livrer. Tel était l’objet de l’appel d’offres international lancé en début septembre 2015 par le gouvernement camerounais, dans son ambition de transformation industrielle du manioc.

Il y avait au total 21,3 milliards de francs en jeu, des financements mis à disposition par Exim Bank of India dans le cadre d’un accord signé deux ans plus tôt.

A l’époque, personne n’aurait pu prévoir les conséquences de la crise russo-ukrainienne et les difficultés d’approvisionnement en farine de blé. Mais des visionnaires, à l’instar de l’ingénieur agronome Bernard Njonga, militaient déjà en faveur de ce qui est aujourd’hui appelé «politique d’import-substitution». Si aujourd’hui une décision d’incorporation de 10% de farines locales, panifiables, dans du pain était décrétée, cela impliquerait, expliquait le promoteur de l’Association des citoyens pour la défense des intérêts collectifs (Acdic), la production de 68.200 tonnes de tubercules (patate, manioc, igname ou macabo), la création de 5700 emplois et plus de 10 milliards d’économie chaque année.

Porté à l’échelon industriel, le ministère de l’Agriculture et du Développement rural (Minader) estimait à 50.000t annuelles pour 25.000ha les besoins de la filière, si les boulangers locaux incorporaient 10% de farine de manioc dans la confection du pain. Ça tombait plutôt bien, le pays disposant depuis mars 2013 de tout un Programme de développement et de valorisation des racines, des tubercules et du plantain (Pdvrtp). Cette année-là, le Minader avait distribué quelque 7 millions de boutures de manioc dans l’ensemble des zones agro-écologiques favorables à la culture du manioc.

C’est dans cette mouvance que vit le jour la société de transformation de manioc de Sangmélima (Sotramas), fruit d’un joint-venture entre la commune de cette localité du Sud et la Chambre de commerce, de l’industrie, des mines et de l’artisanat (Ccima). Au cours des 5 premières années de fonctionnement, il fallait planter 4000ha de manioc dans les environs de la ville afin que l’unité puisse tourner à plein régime.
D’autres unités, de la même veine, étaient annoncées à Edéa et Dibombari (Littoral), Muyuka (Sud-Ouest) et Obala (Centre), financées à hauteur de 50 milliards de francs par le Projet d’investissement et de développement des marchés agricoles (Pidma) et la Banque mondiale. Moins d’une décennie plus loin, il n’y avait pas d’usines, pas de manioc et plus de milliards de francs.

VIII- Foumban : Le maïs rongé par les mites

Passer d’une production annuelle de 2800 à 10.900 tonnes dans le département. Créer 140 emplois permanents et plus de 850 emplois saisonniers.

Ouvrir ou améliorer les voies d’accès à certaines exploitations sur 22km, construire 16 points d’eau potable dans la zone. Telles étaient, grosso modo, les ambitions de l’agropole de production, de transformation et de commercialisation de maïs du Noun.

Lancé le 26 novembre 2016 à Foumban, le projet était appelé à générer une plus-value à travers la transformation du maïs en huile végétale. Pour la cause, le groupe Maïs du Noun rassemblant des de Foumbot, Foumban, Massangam, Kouoptamo, Malantouen, etc. et l’entreprise Hollygreen s’étaient mis ensemble. Ils finançaient 61% du coût total (3,5 milliards de francs), le reste étant supporté par l’Etat à travers la fourniture de 25 tracteurs équipés, la mise en place d’une unité moderne d’extraction d’huile ainsi que la construction d’une provenderie.
«Les initiatives de ce genre sont de nature à transformer nos campagnes en lieux attrayants pour la jeunesse en quête d’emplois dans les centres urbains», se gargarisait coordonnateur national du programme gouvernemental Agropoles, Adrien Ngo’o Bitomo.

Le programme Agropoles, expliquait alors le ministre de l’Economie, du Plan et de l’Aménagement du territoire (Minepat), Alamine Ousmane Mey, se veut être le champ d’expérimentation de l’agriculture de seconde génération voulue par le chef de l’Etat Paul Biya, depuis le Comice agropastoral d’Ebolowa en 2011. Son rôle est plus que jamais d’actualité, au moment où la promotion du «Made In Cameroon» revient tel un slogan, dans un contexte de rareté de devises où la consommation des produits issus de l’agriculture locale s’impose comme un impératif.
Sachant que le cycle de production du maïs est de 4 mois, celui de Foumban doit aujourd’hui inonder les marchés locaux depuis bientôt 6 ans. Dans les rêves, on précise.

IX- L’agro-alimentaire cherche ses normes

Qu’est donc devenu le Centre technique de l’agro-alimentaire du Cameroun (CTA-CAM) ? Créé en 2016, ce groupement d’intérêts économiques (GIE) entendait améliorer la compétitivité des entreprises locales et de garantir la sécurité alimentaire dans le pays. Ses missions spécifiques ?

Permettre l’évaluation et l’amélioration des procédés de fabrication et de la qualité des produits, l’adoption des normes et des procédés de pratique d’hygiène, initier des analyses et essais pour s’assurer de la bonne qualité des produits avant les exportations par les industries, diffuser les technologies innovantes, assister techniquement les entreprises pour leur mise à niveau. Son siège fut inauguré le 13 juillet 2017 à Douala.

Les 3 et 4 septembre 2019 à Douala, responsables dudit Centre étaient conviés à une session de formation à l’initiative du Programme national de mise à niveau (PNMAN). Une formation comprenant une série d’exercices pratiques, en vue de l’amélioration de la compétitivité de l’économie camerounaise. Ainsi outillés en matière de normes et de qualité, il était attendu des inspecteurs les premiers diagnostics «au plus tard le 15 septembre 2019».

Passés les effets d’annonces et les grands serments, l’affaire a rapidement pris sa place dans un placard. Une petite visite, sur la page d’accueil du site dédié, vous affiche fièrement ce message prometteur 5 ans plus tard : «Mode maintenance activé. Site bientôt disponible. Merci pour votre patience !» Fermez le ban.

X- L’anacarde fleurit dans les grandes annonces

Le Cameroun ambitionnait de devenir, «d’ici 5 ans» un géant sur l’échiquier mondial de la production de la noix de cajou.

Ainsi proclamait, en mai 2021 la Société coopérative avec conseil d’administration pour le reboisement et le développement durable (Coop-Ca Redd). En vue de développer la filière de l’anacarde, le pays s’appuyait sur l’expertise de la coopération allemande et disposait, depuis fin 2018 d’une stratégie nationale prévoyant la création de 150.000 emplois dans les régions de l’Adamaoua, de l’Est, de l’Extrême-Nord et du Nord. L’on annonçait la création de de 150.000ha d’espaces dédiés à cette culture.

Pas moins de 100.000 emplois directs étaient envisagés dans la transformation (décorticage, production de jus). «L’atteinte de ces objectifs est d’autant plus à la portée du Cameroun que l’Institut de recherche agricole pour le développement (IRAD) déploie, depuis 3 ans un programme visant à produire 10 millions de plants en fin 2021», se gargarisait notamment Coop-Ca Redd.

Dans sa quête légitime de diversification, la Société de développement du coton (Sodecoton) entendait de son côté mettre en terre 20 millions de plants d’anacarde sur une période de 5 à 6 ans. «A l’horizon 2023, le Cameroun ambitionne de devenir un pays de l’anacarde en mettant en place une stratégie nationale de développement de la chaîne de valeur de la filière, une opportunité pour la croissance et la diversification de l’économie du pays.»
Espérons que le pari sera tenu avant fin 2023…

XI- Bamboutos : Des éoliennes dans le vent

Le dossier, tel un serpent de mer, est revenu au menu de la session parlementaire en novembre 2022.

Le député Jean Michel Nintcheu, du Social Democratic Front (SDF, opposition) a souhaité savoir, entre autre de la bouche du ministre de l’Eau et de l’Energie (Minee), Gaston Eloundou Essomba, ce qu’était devenu le projet de la première expérience éolienne sur les Monts Bamboutos.
«Une expérience pilote de production de l’énergie éolienne verra bientôt le jour sur les Monts Bamboutos, avec la construction d’une centrale de 42 mégawatts extensibles à 80 mégawatts.» Cette mention figure encore dans le communiqué ayant, le 30 avril 2015, sanctionné le Conseil de cabinet mensuel présidé par le Premier ministre.
Plus tard, un protocole d’accord fut signé l’Etat du Cameroun et l’opérateur émirati Paluxi Energy. Ce dernier, dès février 2016 allait investir quelque 60 milliards de francs dans la construction de parcs d’éoliennes de 100MW chacun entre Kribi et Douala. Estimée à 1100MW en 2014, la production d’électricité devait passer à 3000MW en 2020, selon les ambitions du gouvernement, grâce à un apport de plus en plus important des énergies renouvelables. Le projet des Bamboutos obéissait au même schéma d’éolien à l’échelle commerciale en partenariat public-privé.

Une étude gouvernementale a été publiée en 2014, sous les auspices du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Elle était consacrée à la contribution à la préparation du rapport national pour la formulation du Livre blanc régional sur l’accès universel aux services énergétiques intégrant le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique.

Evoquant la situation de l’énergie éolienne dans le pays, il constatait que l’exploitation du vent pour la production de l’électricité était encore marginale au Cameroun, qu’elle n’était qu’en phase d’étude avec quelques petites réalisations sur le terrain. Pourtant, «des études ont été menées dans le pays par l’entreprise espagnole Ecovalen Energy Renewable sur la mesure de la vitesse du vent en vue de voir des possibilités d’installation des champs éoliens». Il en ressortait que le département des Bamboutos (Ouest) possède un intéressant potentiel éolien avec une vitesse moyenne de vent de 6,65m/s. Que l’espace disponible dans la zone pouvait contenir trois champs éoliens de 14MW chacun avec une production électrique estimée à 110,277MW/an.

Si rien n’a filtré de la réponse donnée à Jean Michel Nintcheu par le Minee, l’on peut néanmoins, avec certitude affirmer que le projet des Bamboutos ne ressort, nulle part dans l’exposé de M. Eloundou Essomba devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, où il a défendu l’enveloppe budgétaire 2023 de son département.

XII- Kribi a son aéroport… virtuel

Comment peut-on, en 2022, n’en être encore aux «études» pour un projet censé aboutir depuis 2014 ?

C’est pourtant la grande annonce, le 21 juin devant l’Assemblée nationale du ministre des Transports, Jean Ernest Massena Ngalle Bibehe. L’idée, jadis agitée de construction de l’aéroport de Kribi n’en est donc qu’à ses prémices.
Désormais doté d’un port en eaux profondes, Kribi s’est rapidement transformé en cité industrielle. Hors, son l’aérodrome actuel, un espace de 125ha, n’est constitué que d’une modeste piste d’atterrissage en latérite à même d’accueillir de petits engins. Et, alors que certains évoquent l’extension de la superficie aéroportuaire à 300ha, l’Autorité aéronautique civile (CCAA), elle, lorgne sur au moins 600ha dans la «ville nouvelle».

C’est en 2013, dans le cadre du plan d’urgence gouvernemental à l’horizon 2035 que les premières études ont été menées sur un site réputé libéré par les populations. Un contrat, portant sur la construction et la réhabilitation de l’aéroport de Kribi, fut signé le 23 décembre 2013 entre le gouvernement et une entreprise chinoise.

Dans un Document de projets à besoin de financement (Dpbf) élaboré en mai 2018, le ministère de l’Economie, du Plan et de l’Aménagement du territoire (Minepat) signale effectivement qu’un mémorandum d’entente (MoU) a été signé avec Anhui Foreign Economic Group Construction. Il s’agit ici d’une société chinoise de construction et d’exploitation minière à vocation internationale. Sur le coût total du projet, Yaoundé indique qu’il est «à déterminer», les financements «à rechercher» et le concept de partenariat public-privé (PPP) «privilégié». L’imparfait du futur – si ça existe – reste de rigueur.

XIII- Meyomessala : Une usine de caoutchouc collée au papier

Le 20 octobre 2016, est signée une convention entre le ministère de l’Agriculture et la société agro-industrielle Sud Cameroun Hévéa (SudCam).

L’accord porte sur la création d’une unité de transformation, dans les trois années suivantes, d’une unité de transformation locale d’hévéa en caoutchouc. Les appuis techniques gouvernementaux, apprend-on alors, consisteront en l’encadrement des producteurs et leur approvisionnement en plants.

Propriété du groupe singapourien Sinochem International, à travers la société Gmg International, SudCam détient des concessions foncières dans les localités de Meyomessala, Meyomessi et Djoum. Et il est prévu que la totalité des 45.000ha soient plantés à l’horizon 2027.

En début janvier 2018, l’on apprend que l’usine de production de caoutchouc de Meyomessala est, pour quelques jours, l’objet d’audiences relatives à l’étude d’impact environnemental et social menées par le ministère de la Protection de la nature.

Et c’est à ce niveau que les inquiétudes commençaient à monter de part et d’autre. Surtout du côté des conservateurs de la biodiversité, qui rappelaient que la concession est située à quelques centaines de mètres de la frontière ouest du site de conservation du patrimoine mondial de la réserve Dja. Créée en 1950, cette réserve faunique a été déclarée patrimoine mondiale par l’Unesco en 1987. Sans compter qu’il existait un conflit avec la population, soit quelque 9500 personnes (bulu et baka) sur les biens du terrain, de nombreuses personnes n’ayant pas de titres formels de biens et comptant sur les règles d’accès coutumières pour leur agriculture de subsistance.
Tout ceci a-t-il pu peser sur la balance de la faisabilité du projet ? C’est fort possible, puisque le chantier est resté sur le papier depuis lors.

XIV- Le chemin de fer Cameroun-Tchad tourne en rond

En veille depuis 6 ans, la Commission ferroviaire (Comifer) Cameroun-Tchad s’est retrouvée le 21 octobre 2021 à Douala, dans le cadre de sa 5ème session.

Ce jour-là, le Cameroun et le Tchad envisageaient la relance du projet d’extension de la voie ferrée de Ngaoundéré vers N’Djamena, la capitale Tchadienne. La Banque africaine de développement (Bad) avait déjà approuvé le décaissement d’une enveloppe de 3 milliards de Fcfa par pour le financement des études de faisabilité.

C’est lors de la visite de travail, les 22 et 23 mai 2014 à Yaoundé que les présidents Idriss Deby Itno du Tchad et Paul Biya du Cameroun avaient annoncé la concrétisation dudit projet, dont le démarrage des travaux de construction fut fixé au 31 décembre 2016, sur une longueur de 1400km et un investissement estimé à 1400 milliards Fcfa. A tous les niveaux dudit projet, jamais l’on n’a signalé des écueils, bien au contraire.
Lors de sa troisième session, tenue du 2 au 9 mars 2015 à Yaoundé, la Commission ferroviaire avait visité la carrière d’Ebaka sise à Bélabo, à l’Est du pays où sont produits le ballast et les traverses en béton bi-bloc utilisés pour les travaux de renouvellement et de modernisation du réseau ferroviaire existant. Les deux chefs de délégation avaient alors félicité le partenaire technique, c’est-à-dire Bolloré Africa Logistics, pour la qualité des installations visitées.

Mais chaque communiqué, sanctionnant les travaux de la Comifer, ne rassure sur rien du tout, tellement on tourne en rond sur ce projet intégrateur. Ici et là, on évoque des «lenteurs administratives» de part et d’autre de la frontière.

XV- La Cameroon Auto se noie à Kribi

Le 11 juin 2015 à Yaoundé, la firme indienne Azad Coach, les chinoises Gac Gonow et Yutong signaient, avec l’Etat camerounais une convention en rapport avec la construction, dans la ville balnéaire de Kribi, d’une unité de montage de véhicules (camions et berlines) destinés aux marchés local et sous-régional.

Ainsi naissait la Cameroon Automotive Holding Compagnie (Cahc), dont la mise en place de l’unité était évaluée à 92 milliards de francs.
L’Etat garantissait aux investisseurs la loi portant incitations à l’investissement privé, qui permet des exonérations fiscalo-douanières aux entreprises sur une période allant de 5 à 10 ans, et mettait à leur disposition 900ha dans la zone du nouveau port en eau profonde. Le projet «Cameroon Auto» devait générer quelque 4620 emplois directs pendant ses 15 premières années d’activités.

En avril 2017 au Palais des sports de Yaoundé, la CAHC présentait au public camerounais 20 spécimens de véhicules lourds et légers fabriqués en Chine à hauteur de 1,4 milliard de francs, question de donner au public local une idée de ce qui allait leur être proposé plus tard depuis l’usine de Kribi où allaient être assemblés les voitures estampillées «Star of Africa».
Mais, en octobre suivant les dirigeants de la firme commencent à déchanter. Non seulement les formalités d’acquisition du terrain traînent en longueur, mais surtout les négociations tirent en longueur s’agissant des facilités douanières promises. Il se dit que de très hautes personnalités de la République veulent trouver leur compte personnel dans l’affaire. Devant les médias le président du conseil d’administration, Lu Fuqing, ne cache plus son scepticisme, l’affaire n’arrêtant plus de tourner en rond depuis 4 ans.
Près de 8 ans plus loin, les tristes réalités de l’administration locale ont fini par donner raison à ceux qui avaient prédit une mort certaine à ce qui n’est jamais sorti du stade de projet. Si l’on s’en tient en effet à la quantité et à la qualité d’actes (conventions de partenariat, joint-ventures, MoU, etc.) signés, avec souvent des engagements financiers fermes, des opérateurs présentés au grand-public, le pays, par ailleurs gâté par la nature, devrait être un petit paradis terrestre.

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