Par Paul Tjeg
A qui appartient réellement le morceau de terre d’une trentaine d’hectares situé au quartier Ngoa-Ekelle à Yaoundé, plus précisément près du quartier général de l’Armée? Est-ce au ministère de la Défense (Mindef)? Ou alors aux autochtones de la communauté Emveng? Bien malin celui qui peut à ce stade répondre avec certitude à cette question. En effet, depuis plusieurs jours, les deux camps se livrent une guerre épistolaire, brandissant des arguments historiques et juridiques, espérant ainsi faire basculer la vérité dans un camp comme dans un autre. Le ministère de la Défense a tiré la première salve le week-end dernier, en publiant un communiqué pour faire connaitre sa version des faits.
A en croire ce département ministériel, «les terres querellées ont été régulièrement affectées au ministère de la Défense par arrêté N036 du 15 février 1941 portant classement au domaine privé de l’Etat d’un terrain bâti, au lieu-dit Plateau Atemengue à Ngoa-Ekélé, arrondissement de Yaoundé III ; département du Mfoundi, région du Centre. Cet acte a par la suite donné lieu en 1972 à l’établissement du titre foncier N03649/Mefou au profit de l’Etat du Cameroun (Ministère de la Défense».
Par ailleurs, lesdites terres «ont été classées comme zones à risque sécuritaire élevé par le comité interministériel ad hoc chargé de procéder à l’audit foncier et à l’examen des titres fonciers dans les zones à risques du Cameroun», a-t-il ajouté.
Comme on pouvait s’y attendre, cette sortie a provoqué l’ire de la communauté Emveng qui depuis des années, crie à la spoliation. Dans un communiqué rendu public dans la foulée, elle s’est aussi prêtée au jeu des arguments. Selon elle, tout remonte à l’époque coloniale, lorsque par l’Arrêté n°36 du 15 février 1941, une superficie de 83 hectares et 90 ares a été classée dans le domaine privé du Territoire du Cameroun Français par le Gouverneur Pierre Cournarie. Cette superficie a fait l’objet d’une répartition bien précise.
Ainsi, 6 hectares 15 ares ont été attribués à l’Ambassade de France. Quant à l’autorité militaire, elle a bénéficié de 77 hectares 75 ares, précise la communauté Emveng. Sauf que, lors de l’établissement du titre foncier au profit de l’armée, ce sont plutôt 112 hectares, 78 ares, qui ont été pris en compte. C’est donc ce supplément de 35 hectares, 03 ares et 46 centiares qui fait depuis plus de 40 ans l’objet de revendications.
Cette querelle est parvenue aux oreilles du chef de l’Etat qui a instruit la mise sur pied d’un comité ad hoc d’enquêtes foncières. A en croire ce qui figure dans le manifeste publié par la communauté Emveng, l’action dudit comité va faciliter la prise de «l’arrêté n°036/Mindcaf/Cav/A010 du 22 août 2019, portant rectification du Titre Foncier n°3649/Mefou appartenant à l’Etat du Cameroun pour le ramener à sa base légale, reversant ainsi 35 hectares dans le domaine national tout en ouvrant la possibilité d’immatriculation au profit des propriétaires coutumiers légitimes».
A la suite de cette mesure, les populations autochtones assurent avoir obtenu auprès des autorités compétentes l’établissement de 9 titres fonciers couvrant une superficie globale de 18ha. «Les 17 ha restants sur les 35 ha, mais déjà occupée par les installations militaires, devaient faire l’objet d’une indemnisation. Celle-ci reste attendue à ce jour», indique le communiqué.
Concernant le prétexte sécuritaire brandi par l’armée, les autochtones font remarquer qu’elle ne concerne que parcelles couvertes par les titres fonciers appartenant aux autochtones. Par contre, aucun risque sécuritaire n’est à l’ordre du jour pour les autres installations civiles présentes aux abords du site querellé
Affaire à suivre…