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Comment la Cia veut pousser Wagner et Prigojine hors du continent

En Centrafrique mais surtout au Soudan, où il joue la carte Burhane quand les Russes soutiennent Hemetti, William Burns, le patron de la CIA, accentue ses efforts pour limiter l’influence du groupe Wagner et de son financier.

Par panorama papers
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Avec Mathieu Olivier (Jeune Afrique)

Faustin-Archange Touadéra ne décolère pas. Auprès de ses conseillers, le chef de l’État centrafricain fustige l’attitude des Américains. Depuis plusieurs jours, des articles de presse relaient des informations selon lesquelles Washington aurait demandé à Bangui de rompre son partenariat avec les mercenaires de Wagner, groupe paramilitaire russe dirigé par Evgueni Prigojine.

Sur l’appui de sources américaines, Le Monde affirme même que la diplomatie du président Joe Biden a donné douze mois à Touadéra pour rompre avec ses encombrants amis. Les Américains proposeraient une contrepartie sous forme d’aide humanitaire et de formations militaires. La publicité de cet « ultimatum » – qui n’avait jamais été formulé aussi clairement au président centrafricain – le met dans une froide colère.

Le chef de l’État charge alors plusieurs de ses conseillers les plus proches de faire comprendre aux observateurs de la Centrafrique que Bangui ne compte pas se plier aussi facilement et continuera, en toute souveraineté, à choisir ses alliés et ses amis. Faustin-Archange Touadéra ne s’arrête pas là. Il convoque aussitôt l’ambassadrice américaine à Bangui.

L’expérimenté Mister Burns

Pour calmer les choses, Patricia A. Mahoney accepte de se livrer à une déclaration devant la presse. Au sortir du rendez-vous, la diplomate affirme que Washington n’a donné aucun ultimatum au président Touadéra et que les États-Unis restent pleinement engagés pour maintenir l’excellence des relations avec la Centrafrique. Simple couac ? En réalité, Washington s’attelle bel et bien depuis plusieurs mois à limiter l’influence de Wagner en Afrique centrale.

L’opération a été confiée à un homme que la presse américaine décrivait il y a dix ans déjà comme « l’arme diplomatique secrète » des États-Unis : William Burns. Nommé à la tête de la Cia en 2021, après avoir passé six ans à la tête de la Fondation Carnegie pour la paix internationale, « Bill » Burns n’a rien d’un agent secret.
Il cumule à 67 ans plus de trente ans de loyaux services. Il a officié sous Ronald Reagan, George Bush père et fils, Bill Clinton, Barack Obama et Joe Biden. Docteur en relations internationales de l’université d’Oxford, très actif au Proche-Orient et dans l’aboutissement de l’accord sur le nucléaire iranien en 2015, il est le premier diplomate de carrière à diriger la plus célèbre agence de renseignements extérieures de la planète.

Surtout, il a été en poste à Moscou à deux reprises, sous Boris Eltsine d’abord, puis sous Vladimir Poutine, comme ambassadeur entre 2005 et 2008. Russophone autant qu’arabophone, Burns est donc reconnu comme l’un des meilleurs atouts de Washington sur les dossiers russes et proche-orientaux. « C’est pour cela que Joe Biden lui a confié la mission de contrer l’influence des Russes en Afrique, et notamment au Soudan et en Libye. Il y est davantage en première ligne que le secrétaire d’État Antony Blinken », explique un familier des réseaux américains.

Un pied à Khartoum, un autre à N’Djamena

En janvier, William Burns a mis en place une stratégie essentiellement basée sur la relation de la CIA avec le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi. Le 26 janvier, deux semaines après une visite en Libye lors de laquelle il s’est entretenu avec le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah puis avec le maréchal Khalifa Haftar, il a été reçu au Caire et a pu dialoguer avec le numéro un des services de renseignement, l’expérimenté général Abbas Kamel.
Avec ce dernier, l’Américain a évoqué la présence de Wagner au Soudan et en Libye, que l’Égypte voit elle aussi d’un mauvais œil. « Kamel est son principal allié. Grâce à ses réseaux, il peut faire pression en Libye, au Soudan et au Tchad », détaille un diplomate à N’Djamena. Le patron des services égyptiens s’est d’ailleurs entretenu à Khartoum début janvier avec le président du Conseil de souveraineté, Abdel Fattah al-Burhane. Il dispose aussi de connexions avec son rival et numéro deux, Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemetti.

Un atout essentiel, en particulier depuis que de violents combats ont éclaté le 15 avril à Khartoum et dans plusieurs villes du pays entre les forces de Burhane et celles du patron de la redoutée Force d’action rapide. D’autant que celui-ci s’avère surtout être l’un des plus fidèles alliés de Wagner et d’Evgueni Prigojine dans la sous-région.

« Les Américains veulent jouer Burhane contre Hemetti, résume notre source diplomatique. L’idée est de couper Wagner de sa tête de pont à Khartoum. » « Ils font pression sur Bangui pour faire comprendre à Touadéra qu’il ne devrait pas aller trop loin dans une alliance avec Wagner et Hemetti, ajoute notre interlocuteur. Et ils passent le même message à Mahamat Idriss Déby Itno pour qu’il préfère al-Buhran, plus fréquentable selon eux. »

Le chef de l’État tchadien se retrouve ainsi propulsé ces derniers mois au centre du jeu régional. Le 29 janvier, il recevait à N’Djamena Abdel Fattah Burhane… avant d’accueillir le lendemain Hemetti. Une façon de jouer sur les deux tableaux ? Les Américains disposent au Tchad d’un allié de poids, en la personne d’Ahmed Kogri, le patron de l’Agence nationale de sécurité (ANS, les renseignements).

L’Afrique, « second front de la guerre en Ukraine »

Depuis plusieurs mois, la Cia a d’ailleurs donné un coup d’accélérateur au partage d’informations entre ses analystes et l’Ans, par l’intermédiaire de l’ambassadeur américain à N’Djamena, Alexander Mark Laskaris.
Mi-janvier, elle leur a ainsi fait savoir qu’elle suspectait Prigojine et Wagner de soutenir une rébellion contre Mahamat Idriss Déby Itno dans le nord de la Centrafrique. Peu après, Washington s’engageait discrètement – mais en faisant fuiter son implication – pour trouver un nouveau lieu d’exil à l’ancien président centrafricain, François Bozizé, dont la présence au Tchad gênait à la fois Bangui et N’Djamena.

« C’est la patte de Burns : réduire l’influence de Wagner et ouvrir en Afrique un second front de guerre en Ukraine »,

résume notre spécialiste de la diplomatie des États-Unis.

Cela suffira-t-il ? Au Soudan, la position russe reste solide, même si elle semble aujourd’hui liée à celle d’Hemetti. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s’est d’ailleurs rendu à Khartoum début février.

Quant à la Centrafrique, elle reste une alliée de poids de Moscou, comme en témoigne la colère de Faustin-Archange Touadéra le 28 février contre les Américains. « Dans ce jeu d’échecs, Wagner a plusieurs coups d’avance », conclut une source sécuritaire centrafricaine.

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