Par Sandra Embollo
Jusqu’à la dernière minute, les Sénégalais de France se sont précipités au consulat pour retirer leur carte d’électeur. C’est le cas de Mariam Sow, jeune diplômée en marketing digital…
Pour ces Sénégalais de l’étranger, chaque vote compte. En France, ils sont près de 80 000 inscrits sur les listes électorales.
Avec fierté, Saliou Seck brandit sa carte d’électeur en sortant du consulat du Sénégal, à Paris, et scande en pleine rue son soutien à un candidat à l’élection présidentielle de son pays. « Je suis venu pour remplir mon droit. Pour dimanche : cinquième président, Amadou Ba ! », lance-t-il à l’Afp en référence au candidat de la coalition gouvernementale, avant de disparaître au milieu d’un flux continu de Sénégalais venus retirer leur carte.
Consciente des enjeux après une grave crise, la diaspora sénégalaise est soulagée d’aller au vote, avec l’espoir qu’il ait lieu dans le calme et de passer ensuite « à autre chose ». Dimanche 24 mars, 7 millions de Sénégalais sont appelés à choisir parmi 19 concurrents un successeur au président Macky Sall, au pouvoir depuis 2012.
Aicha Diaby, autoentrepreneuse de 28 ans, sort avec discrétion du consulat, carte électorale en main. « Je dois vraiment voter, c’est très important pour le pays et pour moi en tant que jeune. Je vais voter pour le changement, on veut voir un autre Sénégal ! », dit-elle en référence au « candidat du changement de système », Bassirou Diomaye Faye, tête d’affiche de l’opposition.
Mais, à l’instar de plusieurs interlocuteurs de l’AFP parmi la diaspora, Aicha Diaby confie avec émotion ne pas être « tranquille » à quelques jours du scrutin. Car le premier tour de cette présidentielle se tient après une grave crise. Macky Sall a causé un choc en décrétant, le 3 février, un report de dix mois du scrutin. Des manifestations ont fait quatre morts. Le Conseil constitutionnel a finalement forcé l’exécutif à organiser l’élection ce 24 mars.
Le Sénégal avait déjà connu depuis 2021 des épisodes de troubles meurtriers provoqués par le bras de fer entre l’opposant Ousmane Sonko et le pouvoir, conjugué au flou maintenu par Macky Sall concernant un troisième mandat et aux tensions sociales. Des dizaines de personnes ont été tuées et des centaines arrêtées.
« Ce que souhaite la diaspora ? C’est qu’on aille à l’élection et qu’on passe à autre chose », résume le consul général du Sénégal à Paris, Amadou Diallo, qui constate « une effervescence politique de chaque camp ». Selon les chiffres communiqués par ce dernier, le nombre de Sénégalais installés en France avec un titre de séjour est d’environ 200 000. Mais ce chiffre atteint 1,1 million si l’on inclut les binationaux, toujours selon le consul. Quelque 81 000 personnes sont inscrites sur les listes électorales, précise-t-il.
Le musicien franco-sénégalais Neega Mass, qui se présente comme un « artiste panafricain engagé », s’est de son côté « beaucoup mobilisé pour conscientiser » ses compatriotes, en plaidant sur les réseaux sociaux pour « un nouveau souffle » et un président qui apporterait « l’emploi pour les jeunes, l’éducation, la santé, le pouvoir d’achat ».
Emile Bakhoum, 42 ans, un des responsables en France de l’Alliance pour la République (APR, le parti de Macky Sall), se dit « très serein ». Il se félicite du « sursaut qui nous a permis d’aller vers une élection apaisée », même s’il juge « regrettable » les décès lors des troubles et les dégâts matériels.
Cependant, selon Issa-Isaac Ngom, cette campagne reste marquée par « un sentiment de tristesse, parce qu’une seule perte en vies humaines, c’est une perte de trop ». Il dénonce les « milliers d’arrestations » et les « centaines de blessés, dont certains garderont des séquelles à vie ». « Le Sénégal ne méritait pas cela », déplore-t-il.