Par Sandra Embollo
Deux candidats sont actuellement largement en tête des sondages en Slovaquie : le diplomate de carrière Ivan Korcok, soutenu par l’opposition, et Peter Pellegrini, allié du Premier ministre Robert Fico qui, depuis son retour au pouvoir, est dans une posture favorable à Moscou. Le chef du gouvernement répète à l’envi que soutenir l’armée ukrainienne ne sert qu’à prolonger un conflit meurtrier. Un conflit dont seraient, selon lui, responsables « les néonazis ukrainiens ».
Le candidat Peter Pellegrini a déposé son bulletin dans un bureau de vote de Bratislava, ce samedi matin. En sortant, il a déclaré que les électeurs allaient décider du choix d’un président qui allait travailler – ou non – « en bonne entente avec le gouvernement de Robert Fico ».
« La Slovaquie est malheureusement spécifique dans le sens où ceux qui propagent le plus de désinformation sont les politiciens qui font partie du gouvernement actuel ».
déplore la politologue de l’Université Comenius de Bratislava, Sona Szomolanyi.
Elle évoque notamment la manière dont les déclarations du président français ont été utilisées dans la campagne électorale. Le Premier ministre Robert Fico s’est empressé de déformer les paroles d’Emmanuel Macron sur l’envoi de soldats en Ukraine, et Peter Pellegrini s’est emparé du sujet : il a affirmé qu’Ivan Korcok, s’il était élu, enverrait des soldats slovaques en Ukraine.
« Mais c’est d’autant plus mensonger que le président de la République slovaque n’a pas la compétence pour le faire. Et il le sait très bien ».
martèle-t-elle.
En réponse à une question sur la politique étrangère, Peter Pellegrini a d’ailleurs indiqué que la Slovaquie était « clairement ancrée dans l’Union européenne et dans l’Otan », ce dont les prises de positions de son allié Robert Fico sur le conflit dans l’Ukraine voisine font pourtant douter.
Pour les partisans de la coalition gouvernementale national-populiste, qui refuse toute aide militaire à l’Ukraine, la victoire de Peter Pellegrini serait un moyen de renforcer le pouvoir en place. Ce dernier entreprend des réformes très controversées dans les domaines de la justice et des médias, notamment. Pour l’opposition progressiste, c’est la seule chance de réduire l’influence d’un Robert Fico dont le tropisme russe est dénoncé par Ivan Korcok. Ce diplomate de carrière aura fort à faire pour l’emporter au deuxième tour dans deux semaines s’il parvient à se qualifier ce samedi.
Campagne qui a peu emballé les Slovaques
En tout cas, les Slovaques se rendent aux urnes après une campagne qui a peu intéressé. En plus, les deux prétendants ont été d’une extrême prudence pour éviter d’attiser les tensions dans le pays, selon Jana Vargovcikova, maitresse de conférences en sciences politiques à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).
Les deux cherchent à se montrer comme des pacificateurs, des forces calmes, qui ramèneraient le pays à une normale, bien que la définition de ce normal reste intentionnellement assez floue.
Si les pouvoirs du président slovaque sont limités, ce vote des électeurs sert de thermomètre, pour voir si la population soutient le virage nationaliste et pro-russe du nouveau gouvernement, analyse Jana Vargovcikova.