Par Sandra Embollo
“Moi, Mahamat Idriss Déby Itno, je suis candidat à l’élection présidentielle de 2024 sous la bannière de la coalition de partis Pour un Tchad Uni”, a-t-il déclaré après qu’une coalition de partis lui eut demandé de se présenter.
Alors jeune général de 37 ans, il avait été proclamé par l’armée Président de transition à la tête d’une junte de 15 généraux le 20 avril 2021, à l’annonce de la mort de son père, le maréchal Idriss Déby Itno. Le patriarche dirigeait alors d’une main de fer ce vaste pays sahélien depuis plus de 30 ans.
Mahamat Déby promettait aussitôt de rendre le pouvoir aux civils par des élections après une transition de 18 mois mais, ce terme échu, il l’avait prolongée de deux ans.
“Dynastie”
L’opposition dénonçait une “succession dynastique” des Déby dans ce vaste Etat sahélien d’Afrique centrale, deuxième pays le moins développé au monde selon l’Onu. La date du premier tour de la présidentielle, le 6 mai, a été annoncée mardi seulement, un peu plus de deux mois avant le scrutin, qui s’annonce prometteur pour le général Déby, bientôt 40 ans, en l’absence de rival sérieux dans une opposition muselée ou violemment réprimée.
Mercredi, l’accusant d’avoir fomenté une “tentative d’assassinat” du président de la Cour suprême 10 jours plus tôt et une attaque contre les tout-puissants services de renseignement la veille, l’armée a tué, dans l’assaut du siège de son Parti Socialiste sans Frontières (PSF), Yaya Dillo Djérou, cousin et principal rival du chef de l’Etat dans la course présidentielle. Le PSF a assuré à l’AFP qu’il avait été “exécuté à bout portant” d’une balle dans la tête et l’opposition a dénoncé un “assassinat” pour l’évincer de l’élection.
Dans son discours prononcé à l’intérieur d’un ministère des Affaires étrangères protégé par un imposant dispositif militaire, Mahamat Déby, boubou et toque blancs, bâton de commandement de l’armée à la main, a clamé qu’en 2021, “l’armée avait assuré la continuité de l’Etat et sauvé le pays du néant et du chaos”. Sous les vivats de centaines de représentants des “221 partis” revendiqués par la Coalition pour un Tchad Uni qui l’appelait à se présenter.
“Eliminé physiquement”
En dehors du Mouvement Patriotique du Salut (MPS) créé par son père après son coup d’Etat en 1990, les autres mouvements sont de petits, voire de très petits partis satellites. Samedi, l’ONG internationale Human Rights Watch (HRW) a dénoncé une nouvelle fois la violente répression de l’opposition par la junte en réclamant une “enquête internationale”, avec “une aide étrangère”, sur le “meurtre” de M. Dillo.
“Les circonstances du meurtre de Yaya Dillo ne sont pas claires, mais sa mort violente illustre les dangers auxquels font face les politiciens de l’opposition au Tchad, en particulier à l’approche d’élections”.
estime Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à HWR.
Le gouvernement de transition (…) a, à plusieurs reprises, violemment réprimé des manifestations organisées par l’opposition pour réclamer un régime démocratique civil”, déplore HRW.
Dans un message audio à l’Afp quelques heures avant sa mort, M. Dillo assurait que la “tentative d’assassinat” et “l’attaque” des renseignements invoquées par la junte étaient “des mises en scènes”. Le but “c’est de m’éliminer physiquement”, “pour ne pas aller à l’élection”, assurait-il mercredi au téléphone depuis le QG de son parti assiégé.
Si l’absence pour l’heure de tout rival sérieux à la présidentielle laisse présager une victoire facile, des inquiétudes se font jour depuis plusieurs mois dans le camp de Mahamat Déby sur une discorde de plus en plus marquée au sein du clan familial et de l’ethnie zaghawa des Déby. Très minoritaire dans le pays, elle est maîtresse des appareils militaires et de l’Etat depuis 33 ans. Craintes cristallisées notamment dans la rivalité de M. Dillo, neveu du défunt maréchal Déby.