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Cameroun > Décès de Joseph Owona: Trois visages de l’homme politique

L’annonce de la disparition de l’ancien ministre et membre du Conseil constitutionnel du Cameroun ce samedi 6 janvier à Bordeaux, jette à rebours et de manière inédite la lumière sur l’ambition d’exercice du pouvoir au Cameroun.

Par panorama papers
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Par Léopold DASSI NDJIDJOU

La première chose qu’on retient de l’illustre homme d’Etat qui a rejoint ses ancêtres est qu’il était l’exemple incarné des intellectuels qui ont soutenu le Renouveau national contre vents et marrées. Bardé de diplômes et homme politique, le Pr Joseph Owona était assurément le modèle achevé de fidélité au président de la République et qui, à n’en point douter comme il en va de tous les hommes politiques, nourrissait dans le secret un retour d’ascenseur pour les multiples services rendus. Oui, il a mouillé le maillot, il a combattu ce qui semblait être à ses yeux le bon combat, pour un jour accéder au Graal. C’est le prototype de tous ceux qui pensent qu’au Cameroun, le pouvoir se transmet quitte à l’arracher plus tard.

De ce fait, tous sont obnubilés par l’exemple de Paul Biya à qui Ahmadou Ahidjo a transmis le témoin pour récompenser sa fidélité et espèrent que ce dernier suivra la même logique. Ces hommes politiques de l’intérieur rivalisent de dévotion au pouvoir avec l’intérêt bien compris d’être mis sur orbite comme le dauphin pour continuer avec le chantier de construction nationale. Par-là, on peut comprendre le refus de l’affirmation d’une quelconque prétention affichée de tenir les rênes du pays. C’est d’ailleurs de toute évidence l’une des raisons essentielles pour lesquelles beaucoup d’intellectuels camerounais se liguent et se soudent parfois sans aucune conviction derrière Paul Biya avec l’intention bien comprise d’un adoubement par le Prince. Mais comme on le constat est déjà fait, cette voie est étroite et très resserrée, à l’exemple d’un chameau qui devra passer par le trou d’une aguille. Celui qui s’en va a aussi connu une traversée de désert mais n’a jamais manifesté ouvertementou frontalement une opposition à l’homme du 6 novembre 1982. C’est donc le visage de la fidélité, d’un fils de la maison qui s’en va ; un fils de la maison qui aura été Secrétaire général de la présidence de la République, un homme qui aura consacré toute sa vie au service de l’Etat. Un des pères fondateurs du Rdpc ? C’est peu dire de ce que le professeur de droit était en réalité dans le dispositif biyaïen, l’idéologue discret et perspicace du Rdpc. Il était pour dire peu, l’incarnation physique active et combative du Renouveau. Son départ marque la fin d’un temps, d’une époque.

Le deuxième visage qu’il faille retenir de l’homme est qu’il était intrépide avec toutes les déclinaisons qui peuvent émailler le champ lexical de cet adjectif. Il a eu à présenter cela plusieurs fois assurément dans l’exercice de ses hautes fonctions. Ce devrait être en 1991 ou 1992 si je ne 8, au moment où l’unique université du pays, en pleine ébullition annonçait ses limites de contenir toute la masse des jeunes diplômés, alors qu’il était ministre de l’Enseignement supérieur, il va aller aux charbons, corps et âme. A cette époque-là, la Faculté de droit et des sciences économiques était l’épicentre de la contestation, surtout le département de Sciences économiques (Seco). Un après-midi, il prit la responsabilité de descendre à l’amphi 1001, précisément au moment où les étudiants hargneux et teigneux de Seco 2, redoutés et respectés sur le campus, sortaient des cours. Il n’était pas accompagné par la soldatesque, et engagea à brûle-pourpoint un débat avec les étudiants sur leurs excentricités en dehors et au sein des amphithéâtres. Les choses virèrent très rapidement au vinaigre, le ministre tenant tête aux étudiants. Les choses se coxèrent au point où il tomba la veste, plia les manches de sa chemise pour en découdre avec l’étudiant téméraire qui lui aussi était prêt à un affrontement physique. Tout le monde retrouva rapidement le bon sens et le ministre se tira de là, allant à pied, au milieu de la cohue. Ce jour-là, Joseph Owona montra ouvertement qu’il en avait dans les tripes et était prêt à le faire savoir et valoir. L’opinion l’a d’ailleurs affublé de « ministre boxeur ».

Le troisième visage du ministre Joseph Owona est l’antitribaliste.

contrairement à ce que raconte les “apprentis intellectuels” sur les réseaux sociaux, ce grand maître du droit n’a jamais été tribaliste. Pour preuve, il n’a aucune femme Béti. Sa première femme était Bassa, la deuxième Burkinabè, et la 3ème Bamoun (c’est à dire: originaire de la region de l’ouest). A Son arrivée à la Fecafoot, il nomme Laurence Fotso (originaire de l’ouest), comme chargé de communication; en remplacement de Junior Binyam (Originaire du Centre). C’est toujours lui qui sort un ouvrage sur la rotation du pouvoir au Cameroun. Autrement dit, Massayo, comme on l’appelait affectueusement ne voulait pas un autre Beti succéder à Paul Biya. Ce qui ne lui a d’ailleurs pas vallu des fleurs au sein de sa communauté. Joseph Owona a même accepté le titre Nji ( notable à la court royale Bamoun).

Quoi qu’on dise, il fut un des défenseurs acharnés du pouvoir de Paul Biya. Il aura travaillé du mieux qu’il pouvait pour l’apaisement de la vie politique vers la fin de sa vie. Il en est arrivé à proposer une gestion rotative du pouvoir par les différentes sensibilités politiques du pays, battant ainsi en brèche l’assertion qui le présentait comme le promoteur du monopole « Essingan » de la gestion du pouvoir d’Etat au Cameroun. De ce point de vue, il montrait une sorte d’appel à l’ouverture du pouvoir vers d’autres forces politiques. Lui qui est arrivé au Conseil constitutionnel en avril 2020 pour combler le vide laissé par Jean Fouman Akame, s’en va à son tour sans crier garde. C’est en définitive, qu’on l’aime ou pas, un homme d’Etat qui s’en va, une alternative sérieuse en interne au pouvoir de Paul Biya. Joseph Owona entre ainsi précocement dans l’éternité, dirait-on, car l’opinion était convaincue que l’homme n’avait pas fini de rédiger la longue lettre à l’opinion publique pour mieux comprendre la politique au Cameroun. Repos éternel au bâtisseur qui a donné ce qu’il pouvait dans l’édification de la maison Cameroun. Repos à celui qui a longuement contemplé la Terre promise, mais qui n’y mettra pas malheureusement les pieds, en successeur de celui qu’il a longuement servi.

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